Première publication le 6 octobre 2025 par l’AED
Le 25 octobre, les Ivoiriens choisiront leur nouveau président. Une échéance sous haute tension car la population redoute de subir des scènes de violence comme en 2010 lors de la précédente élection.

À l’approche du scrutin présidentiel du 25 octobre, la Côte d’Ivoire retient son souffle. Dix ans après les affrontements meurtriers qui avaient suivi la dernière élection, la crainte d’un nouveau déchaînement de violence plane sur le pays. « Tout le monde est apeuré car nous n’avons pas envie de revivre le même scénario », confie Traoré, un séminariste ivoirien. En 2000, le pays s’enfonce dans une crise politico-militaire qui va s’étendre pendant plusieurs années. Deux ans plus tard, une guerre civile éclate, coupant le territoire en deux jusqu’en 2007. Aucune élection présidentielle ne sera organisée jusqu’en 2010. Cette année-là, Laurent Gbagbo refuse de céder le pouvoir à Alassane Ouattara, provoquant une grave crise post-électorale faisant plus de 3 000 morts. Pourtant, la Côte d’Ivoire a connu une période de stabilité politique et de forte croissance économique après son indépendance en 1960. Mais la situation a commencé à se dégrader à la fin des années 1990 et la mort du président Félix Houphouët-Boigny.
Début juin, quatre figures majeures de l’opposition ont été exclues de la liste électorale. Parmi elles, Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire — principale formation d’opposition — a été radié à la suite d’une décision de justice, celle-ci ayant établi qu’il ne détenait pas la nationalité ivoirienne au moment de son inscription. L’ancien président Laurent Gbagbo, son ex-bras droit Charles Blé Goudé, ainsi que l’ancien Premier ministre Guillaume Soro, actuellement en exil, ont également été écartés en raison de condamnations judiciaires. « On ne nous laisse pas choisir librement notre candidat », s’agace Aka Raymond, un sexagénaire vivant à Korhogo au nord du pays. Selon lui, même si la situation préoccupe les gens, il est difficile de « parler de politique et de critiquer le pouvoir actuel car on risque d’être interpellé et de finir en prison ».
40% de chrétiens en Côte d’Ivoire
La politique n’est pas quelque chose qui unit les Ivoiriens, bien au contraire. La Côte d’Ivoire compte 29 millions d’habitants et est composée d’environ 60 groupes ethniques différents. On recense 40% de chrétiens, dont 17% de catholiques, et 43% de musulmans. Les candidats sont donc davantage des hommes représentant une région ou une ethnie avant d’être les porteurs d’un projet pour le pays. Les Ivoiriens ne trouvent pas d’entente sur le plan politique, mais ils ont des atouts pour refonder une société harmonieuse. En particulier leur tradition d’entente interreligieuse.
Tous ceux que l’AED a interrogés sont catégoriques : les chrétiens ne sont pas discriminés et les deux religions monothéistes cohabitent en paix. « Nous avons des relations très apaisées », assure sœur Véronique, religieuse française membre de la congrégation de La Xavière installée dans le pays africain depuis plusieurs années. « Il n’est pas rare de voir au sein d’une même famille des chrétiens et des musulmans sans que cela ne pose problème ! », ajoute-elle.
Cette bonne entente est attribuée à un État laïc qui ne favorise pas une religion plus qu’une autre et aux leaders religieux appelant à s’ouvrir à leurs frères. « La conférence des évêques catholiques a fondé un organe multiconfessionnel pour réfléchir sur l’interreligieux », souligne le séminariste. Cela se traduit par un échange culturel. Par exemple, les chrétiens sont conviés à la rupture du jeûne et les musulmans à Pâques.
Cette force, les chrétiens s’en servent pour sensibiliser les fidèles à la paix surtout à l’approche de la présidentielle. « À chaque messe, le prêtre parle de la paix, il demande aux jeunes de ne pas suivre les leaders politiques et de ne pas se laisser tenter par la violence », rapporte Aka Raymond. La Conférence épiscopale de Côte d’Ivoire a, de son côté, exhorté les jeunes « à croire en la paix et à rejeter toute forme de manipulation ». Les évêques ont lancé un appel solennel à tous les habitants du pays à être « des artisans de paix, à rejeter les discours de haine, et à s’éduquer à la fraternité ».
Kevin Tanguy
