La foi c’est reconnaître une Présence
Rite romain
XXVIIIème Dimanche du Temps Ordinaire – Année C – 12 octobre 2025
2 Rois 5, 14-17; 2Tm 2, 8-13, Lc 17, 11-19
La foi dans le Christ qui guérit et sauve
Rite ambrosien
VII Dimanche après le martyre de Saint Jean le Précurseur
Is 66, 18b-23; Ps 67 (66), 2-5. 7-8; 1Cor 6, 9-11; Mt 13, 44-52
Le salut révélé aux peuples
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Rien ne nous est dû
En continuité avec celle de dimanche dernier, la Liturgie de la Parole d’aujourd’hui nous propose le thème de la foi, en en soulignant la dimension de gratuité et de gratitude. Comme on l’avait déjà remarqué dans la parabole du « serveur inutile », nous ne pouvons pas établir un rapport « de donner et d’avoir » avec Dieu auquel nous devons rendre hommage dans la mesure où Il fait quelque chose de bon pour nous.
Le samaritain qui retourne chez le Christ pour le remercier pour la guérison de la lèpre, il va chez Jésus avec le cœur plein de gratitude pour la guérison reçue gratuitement, sans la mériter.
« Cet homme ne se contente pas d’avoir obtenu la guérison par la foi, mais il veille à ce que cette guérison atteigne sa plénitude en revenant à exprimer sa gratitude pour le don reçu, reconnaissant en Jésus le véritable prêtre qui, après l’avoir relevé et sauvé, il peut le mettre sur le chemin et l’accueillir parmi ses disciples » (Pape François).
Il n’est pas suffisant être guéris pour être sauvés. Il faut retourner chez le Christ, Le regarder avec des yeux de foi et Le remercier. La foi authentique et adulte, en effet, se manifeste dans la « gratitude », l’« eucharistie » qui fait du lépreux et de Jésus une unique chaire, capable de se donner sans réserve. A cette foi le samaritain est le seul parmi les dix lépreux qui y arrive, après avoir expérimenté l’amour de Jésus qui l’a guéri. Il retourne en arrière, il se convertit et passe de l’esclavage du péché et de la maladie à la liberté de l’amour qui donne et pardonne. Il passe de la supplique à la louange.
C’est la rencontre décisive : ce lépreux guéri n’a pas honte de se « prosterner » devant Jésus montrant sa pauvreté. Il reconnait dans le Rédempteur pas seulement un Maitre, mais l’unique et authentique Prêtre qui, après l’avoir guérir, peut certifier la guérison, le « salut » de son cœur. Seulement qui a découvert d’avoir été un « samaritain », érotique, malade et étranger, peut se donner avec foi au Christ qui l’a aimé jusqu’à se faire pour lui « étranger » sur la Croix, pour l’ « élever » dans sa résurrection et le faire entrer dans un vie nouvelle. E nous, sommes nous convertis en retournant chez le Christ ?
Sans le salut la santé sert à rien, parce qu’elle ne donne pas une vie qui dure. Allons chez le Christ d’une manière eucharistique en nous livrant à Lui afin qu’il nous sauve et nous rende libres pour aimer. Demandons au Seigneur de guérir le corps et l’ame, parce que nous ne sommes pas seulement guéris mais sauvés et conduit à la « terre » de la liberté et de la paix. Cette « terre » n’est pas de ce monde. Tout le dessin divin excède l’histoire et, en plus, dieu veut réaliser ce dessin avec les hommes, pour les hommes et dans les hommes à partir du lieu et du temps dans lesquels ils vivent et que Lui même, il a donné.
2) Qui demande avec foi, obtient
Les passages tirés du livre 2 des Rois (première lecture) et de l’Evangile de ce dimanche, décrivent la guérison miraculeuse de personnes atteintes de la lèpre, une maladie qui, dans l’Ancien Testament et au temps de Jésus, était considérée comme la plus grave des maladies, au point de faire de la personne malade une personne « impure » et de l’exclure des relations sociales. Le lépreux était un excommunié de la vie et de l’humanité. La loi (cf. Lv 13-14) réservait aux prêtres la tâche de déclarer qu’une personne était lépreuse, c’est-à-dire impure; et il revenait au prêtre aussi de constater sa guérison et de réadmettre le malade dans la vie normale.
Maintenant imaginons d’être à la place des disciples aux côtés du Christ et regardons arriver ces malades qui implorent: « Jésus, Maître, prends pitié de nous » (Lc 17, 14).
Que voyons-nous ? De miséreux spectres souffrants, dont tout le monde s’écarte, séparés de tous, qui suscitent le dégoût de tous, et c’est une grâce s’ils ont un peu de pain, une gamelle pour l’eau, le toit d’un taudis pour se cacher, et c’est à peine s’ils arrivent à faire sortir des mots de leurs lèvres gonflées, tuméfiées.
Qu’entendons-nous ? Nous entendons ces morts vivants qui demandent la santé, la guérison, un miracle au Maître, parce qu’ils le savent puissant en paroles et œuvres. Il est pour eux leur dernier espoir, l’ancre à laquelle accrocher leur désespoir. Comment Jésus pourrait-il s’écarter d’eux comme font les autres ? Comment Son cœur peut-il ne pas les écouter ? Comment le sauveur pourrait-il ne pas les exaucer par son amoureuse toute puissance ? Et il accomplit le miracle.
Que faisons-nous ? Nous suivons l’exemple de saint François d’Assise, comme il le résume au début de son Testament : « Voici comment le Seigneur me donna, à moi frère François, la grâce de commencer à faire pénitence. Au temps où j’étais encore dans les péchés, la vue des lépreux m’était insupportable. Mais le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux; je les soignai de tout mon cœur; et au retour, ce qui m’avait semblé si amer s’était changé pour moi en douceur pour l’esprit et pour le corps. Ensuite j’attendis peu, et je dis adieu au monde. » (Sources Franciscaines, 110). Dans ces lépreux, que François rencontra quand il était encore « dans les péchés » – comme il dit – Jésus était présent; et quand François s’approcha de l’un d’eux, et après avoir surmonté son dégoût, le prit dans ses bras, Jésus le guérit de sa lèpre, c’est-à-dire de son orgueil, et le convertit à l’amour de Dieu.
Voilà la victoire du Christ, qui est notre guérison profonde et notre résurrection à une nouvelle vie, sans la lèpre du péché qui nous est complètement pardonné.
Un tel prodige (la guérison et le pardon) représente donc le signe d’une nouvelle amitié de Dieu avec sa créature la plus chère : l’être humain. Ce miracle fait de nous non seulement des personnes guéries mais des évangélisateurs : Jésus fait de nous des annonces vivantes.
3) Un miracle sous condition? L’obéissance ne suffit pas, il faut de l’amour et de la reconnaissance
A la différence des autres guérisons, Jésus, dans cette circonstance, avant même d’avoir guéri les dix lépreux, leur ordonne d’aller chez les prêtres (la loi de Moïse prescrivait de se présenter au prêtre pour la vérification d’une éventuelle purification de la lèpre), ceci montrant bien que les dix lépreux, au moins au début, avaient une grande confiance en Jésus (Et en y allant, ils furent guéris –Lc 17,15). Spontanément, on se demande pourquoi Jésus, à la fin du récit, a l’air de n’attribuer la foi qu’au seul Samaritain (« L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c’était un Samaritain. Alors Jésus demanda : « Est-ce que tous les dix n’ont pas été purifiés ? Et les neuf autres, où sont-ils ? » – Lc 17, 15-17), le seul qui avait montré un sentiment de gratitude pour le bien reçu. En réalité, son (celui du samaritain) remerciement ne fut pas un simple geste de courtoisie, mais un « acte de foi » authentique en la puissance salvatrice de Dieu, qui s’est manifestée gratuitement en Jésus Christ envers une personne malade et en plus étrangère. Il était revenu vers Jésus pour le remercier et pour « rendre gloire à Dieu ».
Ces neuf lépreux rencontrèrent le Christ, mais ils ne virent en lui qu’une opportunité pour guérir leur corps, puis ils oublièrent tout.
Au contraire, le lépreux samaritain, l’étranger du peuple élu, perçut en Jésus Christ le Visage bon du Mystère qui l’avait sauvé et se mit à louer Dieu, et il accueillit le Christ comme l’avaient accueilli Zacharie, le père de Jean le Précurseur, la Vierge Marie, la Vierge Mère du Fils de Dieu indiqué par Jean, Siméon, le vieux au cœur si jeune qu’il reconnut le Christ dans un enfant amené du temple par un pauvre couple, qui n’avait d’argent que pour deux colombes pour racheter leur fils, comme le prescrivait la loi biblique.
Le Samaritain lépreux est chacun de nous, celui qui accueille le Christ et remet sa vie dans Sa vie. Cet homme purifié de la lèpre avait compris que son salut dépendait de la relation qu’il aurait eue avec lui, source de la vie, et non de sa purification de la lèpre, il revint donc vers le Sauveur. Le salut n’est pas simplement une question de purification, de guérison. Le salut c’est beaucoup plus, ce n’est pas être en bonne santé, car tôt ou tard celle-ci s’en va. Le salut c’est autre chose, c’est la relation que l’on noue avec Lui, c’est revenir vers Lui, c’est glorifier Dieu à pleine voix.
En commençant notre louange à genou comme fit ce lépreux (qui « voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix, et se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce » – Lc 17, 15), prions les cantiques de Zacharie, la Vierge Marie et Siméon.
Le Benedictus (que l’on récite aux Louanges du matin) est le cantique de l’attente, du nouvel accueil de Dieu, qui est pour l’homme un engagement et un programme. Dans le Magnificat (que l’on récite aux Vêpres), le cantique rend grâce pour le Mystère du Christ qui s’est accompli: avoir accueilli Dieu fait éclater en un hymne de grâce. Le Nunc dimittis (que l’on prie durant les Complies) est lui aussi un cantique de remerciement pour le don reçu, avec lequel le fidèle, à la nuit tombée, s’abandonne avec confiance dans les bras de Dieu: l’homme fond en un acte de pur abandon à Dieu.
Notre prière commence en faisant nôtre la prière des lépreux, que celle-ci se perfectionne en assumant la même attitude du lépreux samaritain guéri et reconnaissant, et qu’elle devienne un « travail » en utilisant, si possible, la Liturgie des Heures. Le livre qui renferme cette liturgie est appelé aussi Bréviaire et il est juste de le considérer comme un travail pas seulement pour les religieux, les religieuses et les prêtres. Ceci est un travail qui sanctifie le Chrétien et l’Eglise, qui rend gloire à Dieu. Ce « travail » de louange et d’intercession interpelle tout particulièrement les Vierges Consacrées: « Reçois le livre de la prière de l’Eglise. N’arrête jamais de louer ton Dieu ni d’intercéder pour le salut du monde » (Rituel de la Consécration des Vierges n. 27). Non seulement ces femmes travaillent dans le monde pour gagner leur pain, mais elles travaillent pour le monde en intercédant par la prière. Elles sont aussi un exemple parce qu’elles « travaillent » en priant, témoignant que la prière est un « travail », le plus efficace, car il nous donne l’énergie pour accomplir le bien.
Le travail est « prière », participation à l’œuvre du Christ qui rachète le monde, obéissance à la parole de Dieu qui a créé ce monde et le sauve.
La prière est « travail », pas « fuite » du monde et des peines de la vie, une œuvre au service du monde entier, pour que Dieu, unique Seigneur de l’histoire veuille bien le transformer dans son Royaume, comme Jésus a promis et nous a appris à demander.
Lecture spirituelle
Rencontre de Saint François d’Assise avec le lépreux
Raconté par Thomas de Celan
Dans la Vie avant saint François d’Assise, nn. 348-349
Saint François le jeune homme qui faisait avec joie l’aumône, comprit que le Maître qu’il fallait servir c’était le Christ et que sa fiancée était « Dame Pauvreté ». C’était en 1205. Il avait 23 ans. Désormais tout son argent passerait pour l’Eglise et les aumônes. Mais il se rendit compte qu’il fallait faire plus.
Il fit un pélérinage à Rome et rencontra un pauvre. Il échangea ses habits avec lui et se mit à mendier à la porte d’une église, faisant ainsi l’expérience de Dame Pauvreté. A la fin du jour, il donna le fruit de sa quête au pauvre, reprit ses habits et rentra tout joyeux à Assise. Il savait que la grande pauvreté ne lui ferait pas peur.
Un jour, François était à cheval près d’Assise, un lépreux vint à sa rencontre. François avait horreur des lépreux: il refusait de les voir ou de s’approcher de leur habitation. Si il devait croiser un lépreux il tournait la tête et se bouchait le nez avec les doigts. Ce jour la, il se fit violence, descendit de cheval, donna une pièce d’argent au lépreux en lui embrassant la main. Il remonta à cheval et continua son chemin. A partir de la, il commença à se mépriser de plus en plus. Quelques jours plus tard, muni de beaucoup de pièces il alla rendre visite aux lépreux de l’hospice. Les ayant tous réunis, il donna une aumône et embrassa la main de chacun d’eux. Il s’était vaincu lui même, et à partir de cette époque il séjourna parmi les lépreux et les servait humblement.
Du Testament de Saint François d’Assise
Voici comment le Seigneur me donna à moi, frère François, la grâce de me convertir :
Au temps où j’étais encore dans les péchés, la vue des lépreux m’était insupportable.
Mais, le Seigneur lui-même, me conduisit au milieux d’eux. Je les soignais de tout mon coeur. Et au retour, ce qui m’avait semblé si amer,fut changé pour moi, en douceurpour l’esprit et pour le corps. Ensuite, j’attendis peu et je dis adieu à la vie mondaine.
