Réponse du père Edward McNamara, légionnaire du Christ, professeur de liturgie et de théologie sacramentelle à l’Université pontificale Regina Apostolorum.
Question : Je suis coordinateur de la chorale de notre paroisse. Notre curé nous a dit que lorsque la communion est terminée pendant la messe et que le ciboire est ramené au tabernacle pour y être conservé, nous ne devons pas accompagner le ciboire du regard puis faire une génuflexion comme le fait le ministre lorsqu’il remet l’Eucharistie dans le tabernacle. Est-ce exact ? — C.M., Buenos Aires, Argentine
Réponse : Le curé a fondamentalement raison.
Les règles de base concernant la génuflexion se trouvent dans la présentation générale du Missel romain (PGMR) :
« 274. La génuflexion, en fléchissant le genou droit jusqu’à terre, signifie l’adoration ; elle est donc réservée au Saint-Sacrement, et à la sainte Croix depuis l’adoration solennelle faite au cours de l’action liturgique du Vendredi saint jusqu’au début de la Veillée pascale. Au cours de la messe, le prêtre célébrant fait trois génuflexions : après l’élévation de l´hostie, après l’élévation du calice, et avant la communion. On a noté en leur lieu les normes particulières à observer aux messes concélébrées (cf. nn. 210-251). Si le tabernacle avec le Saint-Sacrement est dans le sanctuaire, le prêtre, le diacre et les autres ministres font la génuflexion quand ils arrivent à l’autel et s’en retirent, mais non pendant la célébration de la messe. Autrement, tous ceux qui passent devant le Saint-Sacrement font la génuflexion sauf s’ils s’avancent en procession. Les ministres qui portent la croix de procession ou les cierges font une inclination de la tête à la place de la génuflexion. »
La raison principale pour laquelle les génuflexions devant le tabernacle sont limitées pendant la messe est que l’Église souhaite souligner que, pendant la célébration, le centre d’attention est l’autel du sacrifice et l’actualisation du mystère salvifique du Christ. Comme le rappelle le document de la Conférence épiscopale des États-Unis intitulé Construits avec des pierres vivantes :
§56 Dans l’Eucharistie, l’assemblée liturgique célèbre le repas rituel sacrificiel qui rappelle et rend présent la vie, la mort et la résurrection du Christ, en proclamant « la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ». L’autel est « le centre de l’action de grâce que réalise l’Eucharistie » et le point autour duquel s’articulent en quelque sorte les autres rites. Puisque l’Église enseigne que « l’autel est le Christ », sa composition doit refléter la noblesse, la beauté, la force et la simplicité de Celui qu’il représente. Dans les nouvelles églises, il ne doit y avoir qu’un seul autel, afin qu’il « symbolise pour l’assemblée des fidèles le Christ unique et l’Eucharistie unique de l’Église ».
Par conséquent, le tabernacle contenant l’Eucharistie réservée n’est pas le centre d’attention pendant la célébration eucharistique, même s’il doit occuper une place importante, voire centrale, dans l’édifice de l’église pour l’adoration en dehors de la messe.
Une autre raison possible de cette limitation de la génuflexion devant le tabernacle est que l’Église préfère que, dans la mesure du possible, les fidèles reçoivent la communion avec des hosties consacrées pendant la messe, plutôt que d’utiliser habituellement les hosties conservées dans le tabernacle. Ainsi, le PGMR 85 dit :
« Il est très souhaitable que les fidèles, comme le prêtre est tenu de le faire lui-même, reçoivent le Corps du Seigneur avec des hosties consacrées au cours de cette même célébration et, dans les cas prévus (cf. n. 283), qu´ils participent au calice, afin que par ces signes mêmes, la communion apparaisse mieux comme la participation au sacrifice actuellement célébré. »
De même, les livres liturgiques ne prévoient pas de cérémonies spéciales ni de rubriques précises pour ces moments de la célébration. Le PGMR dit :
« Lorsque la distribution de la communion est achevée, le prêtre consomme lui-même aussitôt à l’autel le vin consacré qui pourrait rester ; quant aux hosties consacrées qui restent, ou il les consomme à l’autel, ou il les porte au lieu destiné à conserver l’Eucharistie. »
On suppose que le diacre ferait cela s’il était présent. Comme on peut le voir, aucune cérémonie particulière n’est prévue à ce moment-là.
Un ministre extraordinaire de la communion ne doit pas apporter les hosties du tabernacle ni les y remettre après la communion, car cela est réservé au prêtre ou au diacre. Les règles indiquent clairement que le ministre extraordinaire reçoit toujours les vases des mains du prêtre.
C’est pourquoi le curé, à juste titre je pense, a conseillé aux personnes présentes à la messe de ne pas suivre le ciboire et de s’agenouiller avec le ministre pendant qu’il fermait le tabernacle. Le sacrifice est toujours en cours, et le centre d’attention reste la célébration, et non les hosties conservées.
Rien n’est dit sur la génuflexion devant le tabernacle pendant l’accomplissement de ces tâches. Il y a probablement plusieurs raisons à l’absence de rubriques précises, notamment la volonté délibérée de l’Église d’éviter les prescriptions excessivement détaillées afin de ne pas favoriser une spiritualité qui pourrait assimiler la dévotion authentique à la précision rituelle.
Certains liturgistes affirment que la règle générale citée ci-dessus exclut toute génuflexion pendant la messe, y compris celles qui sont faites lorsqu’on prend ou qu’on replace le ciboire dans le tabernacle.
D’autres défendent cette pratique en arguant que le principe général est de faire une génuflexion chaque fois que le tabernacle est ouvert ou fermé après y avoir déposé le Saint-Sacrement. Cette génuflexion serait toujours faite lors de l’exposition du Saint-Sacrement ou pendant un service de communion en dehors de la messe.
Personnellement, je suis partisan d’une pratique mixte, qui dépend également de l’emplacement du tabernacle. La règle générale ci-dessus concernant l’omission des génuflexions devant le tabernacle pendant la célébration de la messe, sauf au début et à la fin, ne traite pas de cette situation et se réfère plutôt aux mouvements dans la zone du sanctuaire.
Je pense que, lorsque le tabernacle est situé près de l’autel, la génuflexion doit être omise si les hosties sont prises immédiatement avant la communion. Cela ne serait pas en vertu de la PGMR, n° 274, mais parce que le Christ est déjà réellement présent à quelques pas de là, sur l’autel. Même dans ce cas, la génuflexion doit être faite avant de fermer la porte du tabernacle lorsque le ciboire y est replacé après la communion.
Lorsque le tabernacle se trouve dans une chapelle séparée, je dirais que le ministre doit faire les génuflexions habituelles.
Un autre cas de génuflexion pendant la messe se présente lorsque les porteurs de flambeaux et le thuriféraire quittent le sanctuaire, après la doxologie qui conclut la prière eucharistique. Dans ce cas, ils ne s’agenouillent pas devant le tabernacle, mais devant le Christ réellement présent sur l’autel.
En-dehors de cela, le curé de notre lecteur a raison : il centre l’attention de ses fidèles sur la célébration de l’eucharistie afin qu’ils rendent grâce de pouvoir participer pleinement au sacrifice du Christ à travers la sainte communion.