Basilique Saint-Pierre, le mercredi 30 avril 2025
Vénérables frères cardinaux,
Sœurs et frères dans le Seigneur,
1. Le Christ est ressuscité ! Avec d’autant plus d’émotion dans une célébration du suffrage comme le Novendiali, nous chantons l’Alléluia pascal, ce chant qui a résonné de la voix du diacre « Nuntio vobis gaudium magnum quod est Alleluia », même dans cette basilique qui, quelques instants avant la Veillée, avait été visitée par le Saint-Père. D’une manière que nous pensons inconsciente, il se préparait à traverser une autre Mer Rouge, une autre nuit que la Résurrection du Christ nous permet d’appeler bénie, la nuit dont il est dit « et nox sicut dies illuminabitur ».
Dans quelques jours, le cardinal proto-diacre utilisera une formule similaire, annonçant à l’Église et au monde le gaudium magnum que représente l’arrivée d’un nouveau pape : c’est à partir de l’expérience pascale du Christ que prend sens le ministère du successeur de Pierre, appelé à tout moment à vivre les paroles que nous venons d’entendre dans l’Évangile : « Et toi, une fois converti, tu confirmes tes frères ».
Pierre confirme ses frères dans la foi que le Crucifié est le Ressuscité, le Vivant pour toujours. La célébration du Novendiali pour le pontife défunt constitue un rite de suffrage chrétien : idéalement, de cette façon aussi, le Successeur de Pierre nous invite à nous confirmer nous-mêmes, précisément parce que nous renouvelons notre profession de foi dans la résurrection de la chair, dans le pardon des péchés, même de ceux d’un homme devenu pontife, et dans la conscience renouvelée que l’unité de l’histoire de chaque personne est entre les mains de Dieu.
2. Aujourd’hui, ce sont les pères cardinaux qui sont appelés à participer aux Novendiali, étape presque centrale de ce cheminement ecclésial, en se recueillant dans la prière en tant que Collegium et en confiant au Seigneur celui dont ils ont été les premiers collaborateurs et conseillers, ou du moins qu’ils ont essayé d’être, à la Curie romaine comme dans les diocèses du monde entier.
Idéalement, cependant, chacun de nous, Vénérables frères, apporte les personnes pour lesquelles et avec lesquelles il est appelé à vivre son service : des Tonga avec les îles du Pacifique aux steppes de Mongolie, de l’ancienne Perse avec Téhéran au lieu d’où a jailli l’annonce du salut, Jérusalem, des lieux alors florissants de christianisme et qui abritent aujourd’hui un petit troupeau, parfois marqué par le martyre, comme le Maroc et l’Algérie, pour ne citer que quelques coordonnées de la géographie que le Saint-Père a voulu dessiner ces dernières années en convoquant de fréquents consistoires. Dans tous ces lieux et continents, comme dans ces espaces de liaison que sont les bureaux de la Secrétairerie d’État et de la Curie romaine, en tant que successeurs des Apôtres, nous sommes appelés chaque jour à nous souvenir et à vivre avec la conscience que « régner, c’est servir », comme le Maître et Seigneur, qui est au milieu de nous comme celui qui sert.
3. En effet, l’un des titres que la tradition attribue à l’évêque de Rome est celui de Servus Servorum Dei, cher à saint Grégoire le Grand depuis qu’il n’était que diacre, un rappel de cette vérité constante : la liturgie nous le rappelle dans les signes extérieurs, lorsque dans les célébrations les plus solennelles nous portons la tunique sous la chasuble, un rappel de notre devoir de toujours rester des diacres, c’est-à-dire des serviteurs.
Le pape François en a fait l’expérience, en choisissant divers lieux de souffrance et de solitude pour procéder au lavement des pieds au cours de la sainte messe in Coena Domini, mais aussi en s’agenouillant et en baisant les pieds des dirigeants du Sud-Soudan, implorant le don de la paix, avec ce même style, considéré comme scandaleux par beaucoup, mais fortement évangélique, avec lequel saint Paul VI, il y a cinquante ans, le 4 décembre, dans la chapelle Sixtine, s’agenouilla et baisa les pieds de Melitone, métropolitain de Chalcédoine.
La tradition de l’Église, chers frères cardinaux, nous divise en trois ordres : les évêques, les prêtres et les diacres, mais nous sommes tous appelés à servir, en témoignant de l’Évangile usque ad effusionem sanguinis, comme nous l’avons promis le jour où nous avons été créés cardinaux et comme le signifie la pourpre que nous portons, en nous offrant, collégialement et individuellement, comme les premiers collaborateurs du Successeur du bienheureux apôtre Pierre.
4. La première lecture, tirée du livre des Actes des Apôtres, se déroule à la sortie du Cénacle de Jérusalem, où sont rassemblés des juifs de toutes les nations du monde. C’est Pierre qui prend la parole pour justifier ce qui s’est passé : les apôtres ne sont pas ivres et ne parlent pas trop, au contraire, précisément parce qu’ils sont imprégnés de cette sobre ébriété de l’Esprit, comme on l’appellera plus tard dans la littérature patristique, ils peuvent être compris même par des peuples différents, chacun dans sa propre langue.
Il est significatif que cette lecture ait été choisie dans les Novendiali : elle se réfère certes à l’apôtre Pierre, puisqu’il s’agit de son premier discours, mais le contexte est celui de la Pentecôte qui vient d’avoir lieu. La référence temporelle que Luc indique est « alors que le jour de la Pentecôte s’accomplissait ». Que signifie cet accomplissement ? Il s’agit à la fois d’une fin et d’une plénitude, et donc d’un nouveau départ. L’évangéliste utilise ici le même verbe qu’au chapitre 9 de son Évangile, lorsqu’après la Transfiguration, descendant de la montagne, « tandis que s’accomplissaient les jours où il serait élevé en haut », Jésus assombrit son visage en se dirigeant vers Jérusalem, où s’accompliraient les Écritures le concernant, comme il le rappellera plus tard aux disciples égarés sur la route d’Emmaüs.
Après le temps fort de la Transfiguration, le chemin vers l’accomplissement des prophéties à Pâques à Jérusalem, après Pâques, l’attente de l’Esprit à la Pentecôte, avec la plénitude du don de l’Esprit, le commencement de l’Église. Nous vivons le passage entre la fin de la vie du Successeur de Pierre, le ape François, et l’accomplissement de la promesse pour qu’avec la nouvelle effusion de l’Esprit, l’Église du Christ puisse poursuivre son chemin parmi les hommes avec un nouveau pasteur. Mais quelle prophétie s’accomplit à la Pentecôte ? Celle que la péricope liturgique a omise mais qui était si chère et tant citée par le pape François, contenue dans le troisième chapitre de Joël : « Sur tous, je répandrai mon Esprit ; vos fils et vos filles prophétiseront, vos jeunes gens auront des visions et vos vieillards des songes… quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé ».
Notre cher Saint-Père aimait répéter cela pour parler de la rencontre et du dialogue entre les générations, de la nécessité pour les personnes âgées de raconter leurs rêves aux jeunes, et en même temps pour les jeunes, avec leur énergie et leur vision, de pouvoir, avec l’aide de Dieu, les traduire dans la réalité.
« Il n’y a pas d’avenir sans cette rencontre entre vieux et jeunes ; il n’y a pas de croissance sans racines et pas de floraison sans nouvelles pousses. Jamais de prophétie sans mémoire, jamais de mémoire sans prophétie ; et toujours la rencontre. » D’une certaine manière, le pape François laisse également cette parole au Collège des cardinaux, composé de jeunes et de personnes plus âgées, au sein duquel tous peuvent se laisser enseigner par Dieu, sentir le rêve qu’il a pour son Église et essayer de le réaliser avec une jeunesse et un enthousiasme renouvelés.
5. Dans la bulle d’indiction du Jubilé, le pape François a indiqué une vision, un rêve auquel nous devons déjà nous préparer et qui sera confié au nouveau pontife : « Cette Année sainte orientera le chemin vers un autre anniversaire fondamental pour tous les chrétiens : en 2033, en effet, seront célébrés les deux mille ans de la Rédemption accomplie à travers la Passion, la mort et la Résurrection du Seigneur Jésus. Nous nous trouvons donc face à un parcours marqué par de grandes étapes, dans lequel la grâce de Dieu précède et accompagne le peuple qui marche avec zèle dans la foi, industrieux dans la charité et persévérant dans l’espérance (cf. 1 Th 1, 3). Spirituellement, nous nous ferons tous pèlerins sur les routes de la Terre Sainte, à Jérusalem, pour proclamer au monde depuis le Saint-Sépulcre – en espérant pouvoir le faire avec tous les frères et sœurs qu’un seul baptême a consacrés. – Le Seigneur est vraiment ressuscité et il est apparu à Simon ! »
6. Seigneur, nous te confions ton serviteur, le pape François, afin que tu le remplisses maintenant de joie en ta présence, et nous te demandons la grâce de réaliser sa vision d’une Église qui proclame le mystère du Christ, crucifié et ressuscité !
Marie, Mère de Dieu et Mère de l’Église, intercède par tes prières pour celui qui a si volontiers fixé ton regard d’amour et qui repose maintenant dans la basilique qui t’est dédiée. Ainsi soit-il.
