P. Christian Mahéas en session OCH à Paray-le-Monial, juillet 2025 © Anne van Merris 

P. Christian Mahéas en session OCH à Paray-le-Monial, juillet 2025 © Anne van Merris 

Interview du P. Christian Mahéas, aumônier national de l’OCH

« Laissons aux familles des personnes handicapées de l’espace pour parler » 

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Curé de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Belleville, dans le 19e arrondissement de Paris, le P. Christian Mahéas est aussi aumônier national de l’Office chrétien des personnes handicapées (OCH), une fondation qui aide les personnes ayant un handicap mental ou malades psychiquement, ainsi que leurs familles. Il témoigne ici de son attachement à cette mission et souligne l’importance d’accueillir et de donner la parole aux familles éprouvées.

 

Zenit : Depuis quand êtes-vous aumônier de l’OCH, et pourquoi cet intérêt pour le monde du handicap ?

P. Christian Mahéas : Je suis prêtre depuis 23 ans, et je suis engagé dans le monde du handicap depuis plus de 40 ans avec l’Arche, mais aussi avec l’Office chrétien des personnes handicapées, dont je suis aumônier et conseiller spirituel depuis 21 ans. Ma mission est de conseiller l’ensemble des équipes OCH et de les accompagner dans tout ce qu’elles portent, notamment l’écoute et le conseil aux familles qui ont des enfants handicapés.

"Avoir lieux de parole est important pour les familles qui peuvent déposer leurs fardeaux" © Anne van Merris

« Avoir lieux de parole est important pour les familles » © Anne van Merris

Je voulais suivre le Christ et l’Évangile, et les personnes handicapées ont été le lieu pour cette rencontre : un lieu qui m’a été donné pour grandir dans la foi… Dieu répond à nos cris. Lorsqu’on entend un cri et qu’on est fidèle à ce cri, on fait l’œuvre de Dieu. Et le Seigneur envoie des personnes pour répondre à ces cris. Pourquoi moi plus qu’un autre dans ce domaine ? Je ne sais pas, mais en tout cas, il m’a choisi pour cela.

L’OCH a été créé en 1963 par Marie-Hélène Mathieu, et son but premier était de soutenir les familles ayant un enfant handicapé mental. Puis la maladie psychique est arrivée dans les années 80-90, et plus fortement encore dans les années 2000. Et donc, en lien avec des associations comme Relais Lumière-Espérance ou d’autres, nous avons commencé aussi à soutenir ces personnes et leurs familles.

Concrètement, nous proposons des journées ou sessions. Nous avons également une revue « Ombres et Lumière » qui parle tous les deux mois du handicap et de la maladie psychique, et qui s’adresse aussi aux professionnels. Et puis, nous avons un lieu d’Écoute-Conseil par téléphone qui soutient les familles. 

Je tiens moi-même profondément à cette mission. Mais j’ai aussi un ministère : je suis prêtre, je suis curé de paroisse avec cette fibre particulière pour le monde du handicap et de la maladie psychique. Il n’y a pas beaucoup de prêtres dans l’Église qui connaissent vraiment ce milieu : j’essaie donc de leur transmettre mon expérience depuis 40 ans.

Zenit : Avec le temps, avez-vous constaté une évolution dans l’accompagnement des personnes handicapées et leurs familles ? 

P. Ch. Mahéas : Oui, il y a eu une évolution. Il y a d’abord certainement aujourd’hui une plus grande conscience, un meilleur accueil et une meilleure prise en charge de la maladie psychique que du handicap mental. Le deuxième point, c’est qu’il y a encore beaucoup à faire dans le soutien des familles pour qu’elles ne subissent pas une double peine : celle d’avoir à porter le handicap ou la maladie de leur proche, et celle de ne pas être accueillies, reconnues, aidées dans la société et dans l’Église.

La "sainteté" des ces familles qui portent un proche handicapé © och.fr

La « sainteté » des ces familles qui portent un proche handicapé © och.fr

Le fait d’organiser des journées ou des sessions répond à un réel besoin. On se comprend, on parle le même langage. Par exemple, quand une maman parle de son enfant, les autres comprennent tout à fait ce qu’elle veut dire. C’est extrêmement précieux.

Le fait d’avoir des lieux de parole est important pour les familles qui peuvent déposer leurs fardeaux, recevoir une certaine paix et se dire : « Mon enfant m’apporte des choses autrement. Il me bouscule, il me fait voir le monde autrement. Il me fait aussi choisir mes amis. »

Si les gens s’attachent juste aux apparences, cela ne peut pas marcher. Quand on est obligé d’être plus vrai, plus simple, plus fragile et qu’on ose montrer ce qui ne va pas parfaitement bien dans sa famille, c’est une libération. Beaucoup de familles portent ces souffrances, mais elles n’osent pas les partager. J’oserais parler de la sainteté de ces familles qui ont un proche handicapé. Car ces personnes, sans qu’on le sache, portent le quotidien d’une manière inouïe. Parce qu’elles aiment leur enfant.

Il faudrait que déjà, dans l’Église, les prêtres et les laïcs dépassent leur peur pour s’ouvrir à des personnes qui ont juste besoin de se confier. Que l’on puisse mieux accueillir les familles, mieux les écouter, qu’elles aient une place, et que les personnes handicapées puissent accéder plus facilement aux sacrements.

Zenit : Qu’est-ce qui vous touche particulièrement chez les personnes handicapées ou malades, et qu’avez-vous envie de dire à ceux qui ne connaissent pas le monde du handicap ?

P. Ch. Mahéas : Quand je rencontre ces personnes dans le cadre d’une session de l’OCH, je suis touché par leur vie spirituelle intense. Elles aiment Jésus et désirent avoir une relation avec lui. Ce sont des mystiques, pour beaucoup. Mais cela, on l’ignore. Ces personnes savent qu’elles ont besoin de Dieu et qu’elles ont aussi besoin des autres : elles sont plus vraies dans la relation. En vérité, la fragilité n’est pas réservée au début ou à la fin de la vie d’une personne. Nous sommes tous concernés par la fragilité, à tous les moments de la vie.

« Vous avez votre place, pas moins que les autres, autant que les autres » © och.fr

« Vous avez votre place, pas moins que les autres, autant que les autres » © och.fr

Le cri, c’est une prière. Pour certains aussi, c’est un langage. Comme un enfant peut crier, une personne handicapée peut crier aussi. On pourrait simplement prendre le temps d’expliquer à ceux qui sont autour de les accueillir pleinement en disant : « Vous avez votre place, pas moins que les autres, autant que les autres ». Sinon, l’Église devient un entre-soi, un club qui n’est pas l’Église. L’Église, c’est l’accueil du peuple de Dieu avec toutes ses différences et ses fragilités.

J’aspire beaucoup à ce que les gens changent leur regard petit à petit, pour apprendre à découvrir que derrière la fragilité de ces personnes, il y a aussi une vie utile pour la société. Il y a aussi une manière de se situer qui n’est pas juste dans la performance ou l’élitisme, mais dans l’accueil de ce qu’est une personne humaine de manière générale. Il faudrait arriver à se dire : « Témoignons davantage. Écoutons ce qu’il se passe. Laissons-leur de l’espace pour parler. »

Les familles qui portent le handicap de leur enfant ont une grande force de vie. Elles savent qu’elles n’ont pas le choix, et que si elles veulent que leur enfant vive et trouve sa place, il va falloir qu’elles se battent. Je dirais encore : continuons à nous battre avec ces personnes fragiles et leurs familles, avec plus de foi encore, cela en vaut la peine. C’est un trésor pour l’Église et il faut le découvrir !

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Anne van Merris

Journaliste française, Anne van Merris a été formée à l'Institut européen de journalisme Robert Schuman, à Bruxelles. Elle a été responsable communication au service de l'Église catholique et responsable commerciale dans le privé. Elle est mariée et mère de quatre enfants.

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