Un tournant dans le « pré-conclave »

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Trois signes qui ne trompent pas

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Il semble que les cardinaux soient arrivés à un tournant dans le pré-conclave que sont leurs Congrégations générales de chaque jour : les Américains annulent leur rencontre avec la presse, l’assemblée se réunit pour prier, et décide de se rencontrer deux fois par jour. Le nouveau type de Vacance du Siège apostolique qu’ils inaugurent les obligent à prendre le temps de s’ajuster.

Quatrième congrégation

Mais tout d’abord, faisons le point sur ce qui n’est passé, une semaine après la dernière audience générale de Benoît XVI, ce mercredi matin, 6 mars, lors de la 4e Congrégation, qui a rassemblé 153 cardinaux, dont 113 électeurs.

La date du conclave n’a pas été fixée a indiqué le P. Lombardi, il a souligné la volonté des cardinaux d’une « préparation sérieuse non précipitée ». Les cardinaux craignent que s’ils fixaient la date, ils sembleraient « forcer » la « maturation » du collège.

Leur « intention » est également de faire, grâce à une bonne préparation, en sorte que le conclave soit bref. Mais, a-t-il fait observer, « il est difficile d’affirmer une connexion certaine entre l’ampleur de la préparation et la brièveté du conclave ».

D’autre part, a-t-il ajouté, les cardinaux veulent attendre les derniers électeurs qui ne sont pas encore arrivés avant de fixer une date.

Les nouveaux arrivés depuis mardi matin ont prêté serment : les cardinaux allemands Lehmann et Wetter, le patriarche égyptien Naguib, et l’évêque de Hong Kong, Tong Hong.

Le cardinal archevêque de Varsovie, Nycz est arrivé dans l’après-midi, et l’archevêque vietnamien, le cardinal Pham Mihn Man était dans l’avion : il devrait être là demain.

Dix-huit interventions, les thèmes

L’assemblée a commencé par la prière des Heures, avant de souhaiter un heureux anniversaire aux cardinaux Kasper (80 ans, Allemand, hier), Coccopalmiero (75 ans, Italien, aujourd’hui) et Herranz (77 ans, Espagnol, demain).

Rappelons qu’un cardinal qui a 80 ans après le début de la Vacance du Siège apostolique, fait partie du conclave, selon la Constitution de Jean-Paul II, Universi Dominici Gregis.

Il y a ensuite eu 18 interventions de cardinaux, soit un total, depuis lundi matin, de 51 interventions réparties sur 4 congrégations. Les interventions ne sont pas limitées, mais au bout de 5 minutes un signal rappelle au cardinal qu’il doit être concis.

Les thèmes indiqués par le P. Lombardi sont : l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui et la Nouvelle évangélisation, le Saint-Siège et les dicastères, notamment dans leurs rapports avec évêques, et le profil du prochain pape.

Les cardinaux ont également décidé de se retrouver deux fois jeudi, 7 mars, le matin et l’après-midi, ce qui montre probablement qu’ils ont pris conscience de la distance des points de vue et qu’ils  entrent vraiment dans le vif du sujet, ressentent la nécessité de se parler davantage.

Le Peuple de Dieu élit le pape

Après avoir prié : puisqu’ils ont voulu aussi une halte de prière aujourd’hui à 17 h avec Marie – par la prière du chapelet à Saint-Pierre-, puis par les vêpres, prière quotidienne qui rythme la vie de l’Eglise, et l’adoration du Saint-Sacrement (cf. Zenit de ce 6 mars 2013).

C’est significatif aussi qu’ils aient voulu le « Peuple de Dieu » avec eux par cette prière non pas réservée au collège cardinalice mais avec tous les baptisés.

En effet, comme le dit la Constitution de Jean-Paul II que nous citions hier, 5 mars : « L’élection du nouveau Pontife ne sera pas un fait étranger au Peuple de Dieu et réservé au seul Collège des électeurs, mais, dans un sens, elle sera une action de toute l’Église » (UDG 84).

Un autre indice que le pré-conclave est arrivé à un tournant est la décision des évêques des Etats-Unis d’annuler leur rendez-vous quotidien avec la presse.

Entre communication et réserve

Ce qui a filtré des débats dans la presse italienne préoccupe, a indiqué le P. Lombardi, alors que, rappelons-le, chaque participant des Congrégations, soit cardinal soit employé à un titre ou à un autre, est tenu au secret par un serment sur l’Evangile.

Que les cardinaux d’Amérique du Nord aient décidé de ne pas rencontrer la presse ce 6 mars, est le signe qu’ils prennent davantage conscience de l’importance de la « confidentialité » des débats, et c’est, indique le P. Lombardi, un signe que le collège des cardinaux se donne « une ligne de réserve croissante ».

Il a ajouté que « la préparation du conclave n’est pas un congrès ni un synode »: la communication s’adapte pour respecter la « liberté » des électeurs préservée par le secret.

Ces congrégations, a-t-il dit constituent un « chemin où le collège élabore sa réflexion: la tradition du conclave et du chemin vers le conclave est une tradition en vue de la liberté des membres du collège, en ce moment si important ». Pour informer la presse, la synthèse des « briefings » quotidiens est faite en accord avec le collège, le doyen », le cardinal Angelo Sodano, a-t-il ajouté.

Devant l’insistance de la presse, le P. Lombardi a précisé: « Je n’ai pas à donner d’indication aux cardinaux sur la façon dont ils doivent se comporter: c’est le devoir des cardinaux dans leur Collège, ils doivent trouver eux-mêmes leur cheminement vers leur but qui est l’élection du Saint-Père dans le conclave. Je ne suis pas étonné que chacun se soit ouvert, ait partagé, et puis ensuite, peu à peu, en entendant la sensibilité et les indications du Collège dans son ensemble, ait adapté sa façon d’intervenir ».

Un type de conclave nouveau     

Enfin, certes, des cardinaux ont déjà l’expérience d’un conclave (85 sur 155 ont été « créés » par Benoît XVI), mais c’était le premier conclave sans décès d’un pape : cette grande nouveauté explique peut-être aussi la difficulté des cardinaux à « trouver leurs marques », à s’ajuster.

Devant la mort d’un Jean-Paul II, avec les manifestations d’affection de millions de personnes et des grands de ce monde, les neuf jours de prière les « novemdiales », en quelque sorte le ton était donné. Même si le départ de Benoît XVI a ouvert pour l’Eglise une période de deuil spirituel, avec la vacance du siège apostolique, ce n’est pas le deuil solennel de 2005. Benoît XVI a d’ailleurs tout fait pour qu’il n’y ait rien de solennel ou de théâtral dans son départ.

Trouver le diapason semble plus difficile dans ces circonstances nouvelles et cela explique aussi que les cardinaux évitent désormais et la précipitation et la « communication » avec l’extérieur : chaque cardinal doit être libre de parler sans craindre que ses déclarations soient diffusées voire déformées ou manipulées et que lui même soit de ce fait soumis à des pressions.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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