La petite Sidra, 12 ans, arrivée au Liban depuis la Syrie, a fui la guerre. Elle rêve de devenir médecin, mais elle reconnaît: « J’ai peur que mon rêve ne se réalise jamais parce que peut-être que je mourrais avant ». Elle a un rein malade. L’Osservatore Romanno en italien du 25 mars 2017 publie son histoire, nous la traduisons sans rien changer au récit.
Histoire d’une petite Syrienne qui a fui la guerre
Sidra et son rein malade
Beyrouth. Francesca Mannocchi
Sidra n’a que douze ans, elle est la plus jeune de sept frères et sœurs. Sidra est syrienne ; avec sa famille, ils ont fuit la guerre et vivent comme réfugiés au Liban depuis 2013. Au début, ils ont vécu dans un garage, près de Tripoli, son père avait réussi à trouver un travail de mécanicien mais le travail a peu duré et avec le travail, la maison. Aujourd’hui, ils ont réussi à trouver un logement transitoire près de l’hôpital de Beyrouth.
Sidra est malade, elle a besoin d’une greffe de rein. Mais sa famille ne peut subvenir aux coûts de la santé privée libanaise. C’est pourquoi les conditions de Sidra empirent de jour en jour. « Une fois, raconte Sidra, je me sentais très fatiguée. J’ai un vague souvenir de moi qui perdais conscience et puis de moi, réveillée à l’hôpital. Je me souviens que je voyais par la vitre ma mère parler avec les médecins et pleurer ». Le médecin disait à la mère de Sidra que le rein de la petite fille ne fonctionnait pas. Sidra n’a qu’un rein. Et le seul rein qu’elle a ne fonctionne pas. « J’ai demandé à ma maman ce que signifiait que mon rein ne fonctionne pas et elle m’a expliqué que les reins nettoient le corps et que le mien n’était pas bon, et elle continuait à pleurer, sans s’arrêter. J’entendais derrière la porte les infirmières dire que sans greffe, je mourrais rapidement. C’était le début de mon cauchemar ».
La famille de Sidra a fait une demande pour un « resettlement », le transfert légal et sûr dans un autre pays. Pour elle, cela signifierait la possibilité d’une greffe et d’une vie meilleure. « Ma vie est attachée à la dialyse que j’affronte tous les jours », poursuit Sidra. « Je voudrais seulement vivre comme mes sœurs, jouer. Être insouciante et heureuse. Je vois les enfants qui mangent et je ne parviens pas à manger, je vois les enfants qui jouent et je n’ai pas la force pour le faire ». Sa mère raconte que quand la tristesse domine sa volonté de vivre, Sidra s’enferme dans sa chambre et pleure en silence. Sa mère dit qu’elle l’entend pleurer en silence tous les soirs avant de s’endormir. Chaque soir, elle craint que ce soit le dernier pour cette fille qu’elle aime tant. « On continue de me dire que le cœur de Sidra peut s’arrêter d’un moment à l’autre », dit la mère en larmes. « C’est un déchirement de continuer de la voir souffrir et s’éteindre, et de ne rien pouvoir faire. Je ne peux même pas lui donner un verre d’eau si elle a soif ; tout dans la vie de Sidra doit être contrôlé. Une enfant de douze ans destinée à une existence de pilules et de dialyses ».
Sidra raconte qu’elle se sent épuisée par la dialyse. Chaque fois que sa mère la réveille pour aller à l’hôpital, elle ne pense qu’à la douleur de la dialyse, au déchirement de ses parents qui la prennent dans leurs bras pour descendre les escaliers et qui sont patiemment à ses côtés pendant les thérapies. « Moi, la dialyse, je l’appelle ma mort, dit Sidra, parce qu’autour de moi je vois beaucoup de personnes souffrir et pleurer. Je vois mon père, le dos cassé par la fatigue, qui me porte sur ses épaules même s’il n’en a pas la force, puis j’arrive à l’hôpital et je vois des malades épuisés par la douleur. Pour moi, la dialyse n’est pas la possibilité de me soigner, pour moi, cela équivaut à une mort lente et quotidienne. »
Pendant les sessions de dialyse, souvent la pression de Sidra monte trop et quand les médecins arrivent, leurs visages sont tendus et nerveux. Elle leur répète toujours qu’elle est fatiguée, qu’elle n’y arrive plus. « Pendant chaque session, je sens comme si c’était mon dernier jour ». Sidra ne parvient plus à voir un avenir pour elle, elle perd ses rêves et son espérance. « Quand j’étais en Syrie, j’étais une enfant heureuse, j’aimais l’école, l’étude, mes parents étaient fiers de moi, ils répétaient toujours que j’étais une enfant vive, intelligente et pleine de bonne volonté. De temps en temps, je m’arrête pour me rappeler les jours d’école avec nostalgie, je répète par cœur ce que j’ai appris, et je me souviens qu’à l’école, en Syrie, mes maîtresses étaient satisfaites de ma mémoire et de ma curiosité ».
Quand elle était en Syrie, le rêve de Sidra était de devenir médecin. Elle disait toujours à ses parents : « Quand je serai grande, je m’occuperai de vous ». Puis la guerre a commencé et le destin de sa famille est devenu malheureusement égal au destin de millions d’autres familles, contraintes à fuir, à l’exode, à la pauvreté et au sacrifice. Le Liban, pour tous, a représenté une espérance initiale, mais rapidement Sidra a rencontré les difficultés et les drames de la vie des réfugiés. Pendant deux ans, elle n’a pas pu aller à l’école, parce que dans les écoles libanaises, il n’y avait pas suffisamment de places pour accueillir tous les enfants réfugiés syriens.
Au bout de deux ans, les premiers symptômes de la maladie sont apparus. « J’ai peur que mon rêve ne se réalise jamais parce que peut-être que je mourrais avant », dit la petite fille en pleurant. « Je voudrais me lever le matin et aller à l’école et ne pas me réveiller pour aller aux séances de dialyse. Je rêve de me réveiller avec toutes mes sœurs et d’enfiler nos sacs à dos pour aller à l’école. Courir et jouer. » Pour faire cela, Sidra a besoin d’un rein nouveau, pour remplacer le seul qu’elle a. Mais elle ne peut pas le faire au Liban, parce que sa famille ne peut affronter les dépenses d’une santé privée coûteuse.
© Traduction de Zenit, Constance Roques
Enfants réfugiés de Syrie, capture caritas.org
Sidra et son rein malade, récit, dans L'Osservatore Romano
Une petite Syrienne qui a fui la guerre