« Si les jeunes ne prophétisent pas, l’Eglise ne respire plus », affirme le pape François à la revue jésuite La Civiltà cattolica. Religions, terrorisme, vigueur des Eglises, relation personnelle avec Jésus : le pape aborde de nombreux thèmes dans un long entretien publié le 28 octobre 2016, trois jours avant son voyage en Suède.
Il revient notamment sur la rencontre interreligieuse d’Assise du 20 septembre, qui a été « très respectueuse et sans syncrétisme ». « Tous ensemble nous avons parlé de la paix et nous avons demandé la paix. Nous avons dit ensemble des paroles fortes pour la paix ».
Le pape évoque aussi sa rencontre avec les rescapés de l’attentat de Nice (France) le 24 septembre : « ce fou qui a commis ce massacre croyait le faire au nom de Dieu. Pauvre homme, c’était un déséquilibré ! Avec charité nous pouvons dire que c’était un déséquilibré qui a cherché à utiliser une justification dans le nom de Dieu ». Mais « on ne peut pas faire la guerre au nom de la religion, de Dieu : c’est un blasphème, c’est satanique », redit le pape.
« Les véritables religions développent la capacité de l’homme à se transcender vers l’absolu », explique le pape François. Et l’ouverture à la transcendance ne peut « absolument pas être cause de terrorisme », car elle est « toujours unie à la recherche de la vérité, de la beauté, de la bonté et de l’unité ». Au contraire des idolâtries « simulacres de religions », telle l’idolâtrie de l’argent, qui « attaquent les religions comme un mauvais virus ».
Un terrorisme sournois
L’évêque de Rome fustige également un terrorisme « intérieur », « sournois », « caché », un vice « difficile à extirper » : celui « des murmures et des calomnies », qui sont « une forme de violence profonde dont nous avons tous la disposition dans l’âme et qui exige une conversion profonde ».
« Le problème de ce terrorisme est que tous peuvent le pratiquer », a-t-il déploré, « en jetant des paroles comme des ‘bombes’ » ou du « poison mortel ». Pour le pape, cette « forme de criminalité » qu’il critique souvent est « une façon de gagner de la place pour soi en détruisant l’autre ».
Si les jeunes ne prophétisent pas
La vigueur des communautés ecclésiales ne dépend pas du lieu où elles se trouvent mais de « l’esprit », estime encore le pape argentin dans cette interview réalisée par Ulf Jonsson, directeur de la revue des jésuites suédois Signum. Si certaines Eglises « semblent vieillir », c’est que l’esprit y est « enfermé dans une structure, de façon rigide ». « Il faut éviter les effets d’un mauvais vieillissement des Eglises, enfermées dans les programmations », insiste le pape.
« L’esprit, explique-t-il, se trouve dans la capacité de rêver et dans la capacité de prophétiser ». C’est l’union entre jeunes et personnes âgées qui permet de développer cet esprit : « L’Eglise rajeunit davantage quand les jeunes parlent avec les plus vieux et quand les plus vieux savent rêver de grandes choses, car cela permet aux jeunes de prophétiser. Si les jeunes ne prophétisent pas, l’Eglise ne respire plus ».
La grâce de la honte
Au terme de l’entretien, le pape François prend un ton plus personnel pour décrire sa relation avec le Christ : « Jésus pour moi est Celui qui m’a regardé avec miséricorde et m’a sauvé. Ma relation avec Lui a toujours ce principe et fondement. Jésus a donné sens à ma vie ici sur cette terre, et espérance pour la vue future. Et il m’a donné une grâce importante: la grâce de la honte ».
Le pape jésuite voit sa vie spirituelle écrite dans le chapitre 16 d’Ézéchiel, spécialement les versets finaux : « Alors tu sauras que Je suis le Seigneur. Ainsi tu te souviendras, tu seras couverte de honte. Dans ton déshonneur, tu n’oseras pas ouvrir la bouche quand je te pardonnerai tout ce que tu as fait ».
« La honte est positive, affirme-t-il, : elle te fait agir, mais elle te fait comprendre quelle est ta place, qui tu es, empêchant tout orgueil et gloriole ».