Jean XXIII © Wikimedia commons / domaine public

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Saint Jean XXIII, un pape abandonné au projet de Dieu, par le card. Parolin

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Homélie à la conclusion du pèlerinage des reliques du pape

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« Le pape Jean a été un homme bon, devenu saint parce qu’il fut un homme entièrement abandonné au projet que Dieu avait sur lui », a affirmé le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État.
Il a prononcé une homélie à l’occasion de la célébration de conclusion du pèlerinage de l’urne contenant les cendres de saint Jean XXIII, samedi 9 juin 2018, à Sotto il Monte, dans le diocèse de Bergame. Ce pèlerinage de 18 jours « a été un moment de grâce », a dit le « numéro 2″ du Vatican.
En évoquant « la foi de roc » du pape Jean XXIII, le cardinal a souligné qu’il avait « dédié toute son existence au Christ et à l’Église, avec zèle et générosité ».
En s’adressant aux fidèles présents, le secrétaire d’État a exprimé « un souhait » : « Confiez-vous complètement au Seigneur, laissez-le entrer dans les maisons, dans les lieux de travail et d’étude … Fiez-vous à Lui, qui peut faire de chacune de nos pauvres âmes un jardin qui répand partout le parfum du bien. »
Voici notre traduction intégrale de l’homélie du card. Parolin.
MD
Homélie du cardinal Parolin
Eminences, Excellences, Respectables autorités,
Révérends prêtres, chers religieux et religieuses, chers frères et sœurs dans le Seigneur,
Avant tout, je voudrais vous apporter la bénédiction et le salut du Saint-Père François, à qui nous adressons nos remerciements cordiaux pour avoir rendu possible ce pèlerinage des cendres du saint pape Jean XXIII.
Je suis reconnaissant envers l’évêque, Mgr Francesco Beschi, de m’avoir invité à présider cette sainte Eucharistie et, aux salutations du pape, j’unis ma joie d’être avec vous en cette heureuse occasion. J’adresse mes cordiales pensées aux cardinaux et évêques ici présents, aux prêtres, aux consacrés et aux consacrées et à chacun d’entre vous.
Ensuite il est juste de dire une parole de gratitude à tous ceux qui ont contribué à l’organisation et au déroulement de cet évènement – qui s’est organisé en l’espace de 18 jours – de manière particulière aux nombreux volontaires qui, avec leur précieuse collaboration et disponibilité, ont assuré sa bonne réussite et aux forces de l’ordre qui ont garanti la sécurité.
Ce pèlerinage a été un moment de grâce, qui a rassemblé une extraordinaire participation des fidèles, parmi lesquels beaucoup se sont approchés des sacrements, en particulier de la Confession. Il s’est agi d’une initiative qui a profondément impliqué tout le diocèse de Bergame dans un joyeux témoignage de foi et d’amour qui donne de bons espoirs pour le futur.
Par conséquent, j’espère qu’elle pourra se révéler une opportunité spéciale de renouvellement ecclésial et civil, dans la direction tracée par votre évêque en préparation du pèlerinage et comme fruit de celui-ci : la pauvreté d’esprit, la profondeur de l’âme, l’éclairage de la cordialité et le courage de l’œcuménisme. Pauvreté, âme, cordialité, œcuménisme qui forment l’acronyme de la paix.
Le pape Jean a été un homme bon, devenu saint parce qu’il fut un homme abandonné entièrement au projet que Dieu avait sur lui. Avec son humilité et sa sagesse, il a dit : « Le Seigneur m’a fait naître chez de pauvres gens et il a pensé à tout. Je l’ai laissé faire » (Journal de l’âme, juin 1957). Il a suivi le souffle de l’Esprit Saint, qui l’a façonné, en le transformant en une présence reconnaissable du Christ parmi ses frères. C’est pourquoi il est devenu un vrai pont entre le ciel et la terre, un pontife dans le sens littéral du terme, voie de communication pour permettre à la liberté humaine de rencontrer la majesté, la bonté et la sainteté de Dieu.
Ses paroles et ses gestes exprimaient l’autorité et la gentillesse, la sereine fermeté et la bienveillance, l’audace et la prudence, la paternité spirituelle et la condescendance fraternelle et le monde en fut stupéfait, parce qu’instinctivement, même les plus lointains et les moins instruits, percevaient que cette simplicité et cette jovialité du trait étaient le résultat d’un travail constant d’affirmation du caractère, étaient l’aboutissement d’un parcours sincère et profond d’une âme à la recherche de l’essentiel, le fruit d’une longue expérience et de nombreuses lectures méditées, étaient le splendide salaire de la prière et de la charité.
Le 1er octobre 1959, il écrivait dans Journal d’une âme : « On commence de la terre où je suis né et ensuite on continue jusqu’au ciel ». À l’imitation du Fils de Dieu – qui depuis Bethléem et Nazareth déroula sa mission jusqu’à son retour au ciel, une fois effectuée parfaitement la volonté du Père – Jean XXIII fit ses premiers pas, apprit et intériorisa les valeurs fondamentales de l’existence dans son bourg natal de Sotto il Monte, à l’intérieur du noyau familial, pauvre en moyens matériels, mais riche pour la vie chrétienne qu’il y respira. Il écrivait à ses proches le 20 décembre 1932 : « J’ai beaucoup oublié ce que j’ai lu sur les livres, mais je me souviens très bien de ce que j’ai appris chez mes parents et chez les plus âgés. C’est pour cela que je ne cesse d’aimer Sotto il Monte et me réjouis d’y retourner tous les ans. Ambiance simple, mais pleine de bons principes, de profonds souvenirs et d’enseignements précieux ».
Pour comprendre l’œuvre du prêtre, de l’évêque et du cardinal Joseph Roncalli, comme ensuite celle du pontife Jean XXIII, il faut partir de sa foi solide, active, tranquille, confiante en Dieu, en sa Mère Marie et dans les Saints, apprise à Sotto il Monte. C’est sa stabilité inébranlable dans la foi qui lui apporta en même temps patience et audace.
En raison, précisément, de sa scrupuleuse fidélité au Christ, précisément pour répandre au maximum la lumière de l’Évangile, il ne s’épargna aucun effort pour trouver les paroles qui intéresseraient, impliqueraient et ainsi toucheraient toutes les personnes de bonne volonté, même au-delà des limites visibles de l’Église. Il s’appuya sur les choses qui unissent, afin de promouvoir un climat propice à l’instauration de relations de respect mutuel et de cordialité, même envers les plus lointains ou les plus anciens adversaires. « Jésus est venu pour abattre ces barrières ; il est mort pour proclamer la fraternité universelle ; le point central de son enseignement est la charité », affirma-t-il lors de l’homélie de Pentecôte 1944.
Jean XXIII laissait transparaître un langage et une action prophétiques. Il ne mesurait pas la bonté des résultats dans l’immédiat, mais il se proposait de répandre la graine qui ensuite aurait donné des fruits. La sereine et souveraine liberté intérieure de son âme était perceptible par ses interlocuteurs qui discernaient en lui l’homme de Dieu, qui pense et agit avec magnamité, qui suscite et encourage le bien, qui, dans un monde divisé et déchiré, veut être signe de concorde, qui n’a pas d’autre programme à réaliser que celui de la vérité, du bien et de la paix.
Il incarnait avec autorité et crédibilité la bonne nouvelle apportée par le Christ, et par là il sut redonner l’espérance même dans les situations humainement difficiles. Que l’on pense par exemple à l’épisode qui se déroula pendant sa visite à la prison romaine Regina Coeli, quand un détenu se mit à genoux devant lui et lui demanda : « Les paroles d’espérance que vous avez prononcées, valent-elles aussi pour moi qui suis un grand pêcheur ? » recevant l’accolade du pape, suscitant la stupeur et l’émotion de tous.
Le pape Jean lisait dans les évènements de l’histoire non seulement la funeste liste des drames et des tragédies provoquées par les péchés des êtres humains, mais en premier lieu la puissance et la grandeur miséricordieuse des desseins de salut de Dieu. Les hommes et les femmes de son temps furent ainsi exhortés à s’engager résolument et avec une espérance motivée à allumer des petites flammes de bien, au lieu de s’attarder à se lamenter des ténèbres.
En pleine seconde guerre mondiale (11 février 1918), il écrivait : « Je n’ai jamais connu un pessimiste qui ait accompli quelque chose de bien. Et comme nous sommes appelés à faire le bien plus qu’à détruire le mal, à construire plus qu’à démolir, pour cela il me semble… que je dois poursuivre sur ma voie de la recherche perpétuelle du bien ».
Sa foi de roc se transformait en un courage intrépide. Sûr de la présence et de l’assistance durable de l’Esprit Saint pour son Église, il put assumer la responsabilité de convoquer un Concile œcuménique qui réunit toute l’Église afin de renouveler la manière de proposer la vérité évangélique, de trouver les langages et les méthodes adaptées pour permettre à l’homme contemporain de rencontrer les vérités intangibles de l’Évangile, en facilitant la rencontre de l’homme et de son Sauveur.
Angelo Giuseppe Roncalli a passé près de 20 ans dans les missions diplomatiques, en Bulgarie et ensuite en Turquie et en Grèce, avant de rejoindre celle de Paris et il a eu pendant ces années le moyen de connaître à fond les effets de la tragique division entre les Églises catholique et orthodoxe.
Pour lui l’œcuménisme devint donc une nécessité pour rester fidèle au Seigneur dans l’action quotidienne.  Il était bien conscient de la complexité et des difficultés du parcours dédié à rétablir la pleine communion, sachant que les temps et les moyens étaient réservés à la Providence. Cependant il était certain qu’il fallait commencer un nouveau chapitre fait d’attentions inédites et réciproques, de gestes symboliques et d’actes fraternels qui, à partir de la valorisation du trésor de ce qui unit, ouvrirait un itinéraire destiné à conduire à la pleine unité visible, pour être vraiment de brillants témoins de la résurrection du Christ.
Le scandale de la séparation et parfois de l’hostilité ouverte de ceux qui se professent chrétiens ne pouvaient trouver de réponse que dans la prière. Cette dernière en revanche devait susciter une série d’initiatives destinées à changer les cœurs, en ouvrant une ère nouvelle, non pas d’éloignement de quelques points de doctrine afin de satisfaire un irénisme quel qu’en soit le coût, mais d’apaisement des âmes, de collaboration possible, d’actions responsables vers la concorde.
Aujourd’hui nous n’avons pas encore atteint l’unité visible entre chrétiens, toutefois quel chemin a été accompli ! Combien d’obstacles ont été enlevés du chemin, combien de malentendus ont été dissipés ! L’œcuménisme de la charité, ainsi que la connaissance et la fréquentation réciproques nous font désormais voir aussi les aspérités du chemin d’une manière toute nouvelle. Une partie considérable du mérite est certainement due à votre concitoyen, le pape Jean, à son courage serein, à sa capacité à mettre en évidence les voies d’un authentique dialogue.
Saint Jean XXIII, imitant le Bon Pasteur dont nous avons parlé dans la lecture de ce jour, a cherché les brebis dispersées et en a pris soin, les rassemblant et les faisant paître par amour du Seigneur. Il a dédié toute son existence au Christ et à l’Église, avec zèle et générosité, ne s’épargnant pas les fatigues et ne prétendant pas avoir de résultats immédiats, mais offrant un témoignage indélébile de sainteté. Il se fia complètement à Jésus et le Seigneur lui confia son troupeau afin qu’il le confirme dans la vérité et le guide dans le chemin du salut.
En voulant être un pont de réconciliation entre les hommes et Dieu, le pape Roncalli devint aussi un facteur de réconciliation entre les Nations et un monde miné par les armes de destruction massive et par la tension aiguë de la « guerre froide ». Ainsi se réalisa pleinement cet itinéraire qui, de Sotto il Monte, le conduisit jusqu’à être un agent efficace de paix pour le monde entier.
Chers frères et chères sœurs, le pèlerinage vous a fait rencontrer de plus près un compatriote illustre qui est devenu une grande âme, un signe transparent de la bonté et de la paternité de Dieu. Quelqu’un qui « de frère devient père par la volonté de Notre Seigneur », ainsi qu’il l’affirme dans le célèbre discours à la lune, au cours de cette mémorable soirée du 11 octobre 1962, jour de l’ouverture du Concile œcuménique Vatican II.
Au cours de cette splendide soirée me vient spontanément le souhait, pour chacun d’entre vous et pour vos familles, de faire vôtres les paroles que le jeune père Giuseppe Roncalli écrivit dans le Journal d’une âme en mai 1919 : « Oh, combien il est vrai qu’il suffit de se fier complètement au Seigneur pour se sentir pourvu de toutes choses ».
Confiez-vous complètement au Seigneur, laissez-le entrer dans les maisons, dans les lieux de travail et d’étude, qu’il habite aussi les sentiments, les projets et les distractions, pour qu’il vous bénisse et vous donne sa grâce, sans laquelle il n’est pas possible de faire le bien. Fiez-vous à Lui, qui peut faire de chacune de nos pauvres âmes un jardin qui répand partout le parfum du bien.
Ensuite, n’oubliez jamais ces autres paroles prononcées par le pape Jean qui vous ont conduits pendant ces journées de pèlerinage, comme thèmes spirituels, pas à pas : « Fils de Bergame, de cette Église que j’aime, soyez courageux, faites-vous honneur… Je vous rappelle à tous ce qui vaut le plus : Jésus-Christ, l’Église, l’Évangile ». « Je vous exhorte à progresser dans la bonté, dans la vertu, dans la générosité, afin que les Bergamasques soient toujours plus dignes de Bergame ».
Saint Jean XXIII, priez pour nous, afin que nous puissions avancer dans la lumière et dans la grâce du Seigneur chaque jour de notre vie et bien accomplir notre pèlerinage terrestre, notre saint pèlerinage.
Ainsi soit-il.
© Traduction de Zenit, Hugues de Warren 

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Hugues de Warren

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