Le Vatican expédie des masques contre le Coronavirus en Chine © Vincenzo Han Duo

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Pandémie : le Saint-Siège défend les plus démunis

Intervention à l’OSCE (Traduction intégrale)

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Lorsqu’ils traitent des limitations, comme celles qui touchent la liberté de religion ou de croyance depuis le début de la pandémie, les États sont instamment priés « d’engager des consultations avec les communautés religieuses, afin de parvenir à une meilleure compréhension des exigences en matière de liberté religieuse, et de les inclure dans les débats publics sur les initiatives législatives pertinentes », a affirmé Mgr Urbanczyk.

Mgr Janusz S. Urbanczyk, représentant de la Mission permanente du Saint-Siège auprès des Organisations internationales à Vienne, est intervenu au Comité de la dimension humaine sur le thème “Impacts de la crise Covid-19 sur la jouissance des droits de l’homme et sur les libertés fondamentales dans la région de l’OSCE : Défis, réponses et opportunités”, le 12 mai 2020.

Le représentant du Saint-Siège a souligné, dans un second temps, les « inégalités encore plus grandes », entre les riches et les pauvres, mettant en garde : « si les besoins fondamentaux et les mesures sanitaires minimales ne sont pas satisfaits » d’une part,  et s’ils n’ont pas accès à des « possibilités d’apprentissage à distance et de télétravail », d’autre part, « un discours sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales est théorique et illusoire ».

Voici notre traduction de l’intervention de Mgr Urbanczyk.

HG

Intervention de Mgr Janusz S. Urbanczyk

Monsieur le Président,

Ma délégation souhaite tout d’abord exprimer sa satisfaction pour le sujet d’aujourd’hui, que nous considérons comme opportun et pertinent.

Une leçon que nous enseigne la crise du Covid-19 est que l’on ne peut jouir de la liberté sans responsabilité et sans solidarité. Les libertés fondamentales s’accompagnent de responsabilités qui ne peuvent être ignorées. C’est pourquoi les engagements de l’OSCE, ainsi que les documents internationaux relatifs aux droits de l’homme, prévoient leur dérogation ou leur limitation dans des circonstances et des conditions spécifiques.

Les dérogations ne peuvent avoir lieu que pendant l’état d’urgence, qui n’est justifié que par les circonstances les plus exceptionnelles et les plus graves et qui doit être proclamé officiellement et publiquement par un organe constitutionnellement légal (1). Toutefois, il ne peut être dérogé à tous les droits de l’homme pendant un état d’urgence, étant donné leur nature indérogeable. L’un d’entre eux est la liberté de religion ou de croyance.

Les limitations/restrictions à l’exercice, et non à la revendication ou à la possession, des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne sont autorisées que dans des circonstances très spécifiques. (2)

Dans la réponse au Covid-19, la proportionnalité et l’application non discriminatoire sont les exigences qui posent les plus grands défis. Ces restrictions constituent une exception:

– en ce qui concerne la proportionnalité, il doit y avoir un lien rationnel entre le but visé, en l’occurrence la protection de la santé publique, et les moyens mis en œuvre pour l’atteindre ;

– en ce qui concerne l’application non discriminatoire, il convient de souligner qu’une discrimination indue entre différents groupes de personnes ou activités n’est pas admissible.

Tout d’abord, nous voudrions mettre l’accent sur la liberté de religion ou de croyance, à laquelle ma délégation attache une importance centrale car elle constitue le test décisif pour le respect de tous les autres droits de l’homme et libertés fondamentales. Il est bien connu que dans toute la région de l’OSCE, le droit de manifester sa religion dans la pratique et le culte a été limité au cours des dernières semaines et l’est toujours.

Lorsqu’ils traitent de ces limitations, les États sont instamment priés – conformément au principe 16 du Document de Vienne 1989 et à la Déc. MC n° 3/13 – d’engager des consultations avec les communautés religieuses, afin de parvenir à une meilleure compréhension des exigences en matière de liberté religieuse, et de les inclure dans les débats publics sur les initiatives législatives pertinentes.

L’Église catholique estime que “l’autorité politique doit garantir une vie communautaire ordonnée et droite (…) pour la réalisation du bien commun” et que “l’autorité qui gouverne selon la raison place les citoyens dans une relation non pas tant de sujétion à une autre personne que d’obéissance à l’ordre moral” (3).  En conséquence, le pape François a récemment appelé à la grâce de la prudence et à l’obéissance aux indications fournies par les autorités, afin que la pandémie ne revienne pas. (4)

Deuxièmement, le Covid-19 est un défi pour les sociétés, leurs systèmes de santé et leurs économies. Dans l’histoire, les pandémies ont toujours été tragiques et souvent plus meurtrières que les guerres.

La pandémie de coronavirus a accentué les inégalités qui ont fait que les personnes en situation de vulnérabilité sont les plus exposées au risque de souffrir. En effet, le pape François a récemment souligné que “c’est le moment de voir les pauvres” (5), qui risquent de payer le prix le plus élevé.

Alors que la distanciation sociale est tout à fait possible pour les personnes riches, elle est très difficile, voire impossible, pour celles qui vivent tassées dans des taudis ou des camps de réfugiés, ou qui purgent une peine de prison. Pour ces personnes, si les besoins fondamentaux et les mesures sanitaires minimales ne sont pas satisfaits, un discours sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales est théorique et illusoire.

En outre, la fracture du numérique entre les riches et les pauvres pourrait coûter des vies. En raison du manque de technologie et de ressources en ligne, les communautés à faibles revenus ne reçoivent pas souvent des informations opportunes sur le Covid-19. En conséquence, une cacophonie d’hypothèses non vérifiées peut se répandre au sein des communautés pauvres. Cette lacune peut se traduire par un manque de possibilités d’apprentissage à distance et de télétravail. Ce fossé crée des inégalités encore plus grandes au milieu de souffrances considérables.

En réponse à cette situation d’urgence, le 20 mars 2020, afin d’exprimer la sollicitude et le souci de l’Église pour l’ensemble de la famille humaine confrontée à la pandémie COVID-19, le pape François a demandé au Dicastère pour la promotion du développement humain intégral de créer une Commission ad hoc. Celle-ci a pour mandat de mener des analyses, de réfléchir au nouvel avenir socio-économique et culturel et de proposer des approches pertinentes. La Commission s’est saisie de la préoccupation du pape et a institué cinq groupes de travail. Les activités de ces groupes de travail sont coordonnées par une Direction, qui rend compte directement au pape. L’esprit de cette initiative est “Nous devons agir maintenant. Et nous devons immédiatement penser à ce qui va se passer ensuite” (6).

__________

(1) D’autres conditions sont fixées par les engagements pertinents de l’OSCE, mais il convient de rappeler que, conformément au paragraphe 28.10 du Document de Moscou de 1991, lorsqu’un état d’urgence permettant la dérogation est déclaré dans un État participant, l’État concerné doit immédiatement informer l’OSCE de cette décision, ainsi que de toute dérogation aux obligations internationales de l’État en matière de droits de l’homme, et les autres États participants doivent être informés sans délai par l’OSCE.

(2) si : (i) prescrite par la loi ; (ii) ayant certains buts (y compris la protection de la santé publique) ; (iii) nécessaire à la réalisation du but visé et proportionnée à celui-ci ; et (iv) non imposée à des fins discriminatoires ou appliquée de manière discriminatoire.

(3) Compendium de la doctrine sociale de l’Église, n° 394, 398.

(4) https://zenit.org/articles/we-must-be-prudent-so-pandemic-does-not-return-says-pope-at-santa-marta/

(5) https://www.commonwealmagazine.org/time-great-uncertainty

(6) http://www.humandevelopment.va/en/vatican-covid-19.html

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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