Plante de coca © UNODC

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ONU: pour combattre le trafic de drogue, promouvoir la justice économique

Intervention de Mgr Urbanczyk à l’UNODC (traduction complète)

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« L’absence de justice économique (…) obligeant les individus, les familles et les communautés à produire et fournir des drogues illégales, et à en faire le trafic, la correction de cette marginalisation et de cette exclusion pourrait constituer un outil important » de lutte. Mgr Janusz Urbanczyk, observateur permanent du Saint-Siège à l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), est intervenu en ces termes à la sixième session de la Commission des stupéfiants, à Vienne (Autriche), le 14 mars 2017.
Au fil de son discours, Mgr Urbanczyk a recommandé d' »étudier les causes profondes de l’offre et de la demande de drogues illégales » pour mieux les combattre : La demande, a-t-il notamment déclaré, « devrait être combattue par une éducation accrue » et dirigée « vers les plus vulnérables de la société, comme les enfants et les jeunes ».
Quant à la réponse aux crimes liés à la drogue, il a plaidé pour « une justice véritable et authentique » : « Les sociétés modernes ont la capacité de contrôler efficacement la criminalité sans enlever définitivement à un criminel la chance de se racheter ». Pour le Saint-Siège, « le recours à la peine de mort pour les infractions liées à la drogue ne peut jamais être toléré car la vie de chaque personne vient de Dieu ».
Mgr Urbanczyk a aussi appelé à mettre en place « un traitement intensif et une réadaptation sociale » à « tous ceux qui sont esclaves de la toxicomanie ». La famille, a-t-il souligné, est la « pierre angulaire des stratégies de prévention, de traitement, de réhabilitation, de réinsertion et de santé ».
Voici notre traduction complète de la déclaration du représentant du Saint-Siège.
AK
Déclaration de Mgr Janusz Urbanczyk
Madame la Présidente,
Le Saint-Siège est heureux de participer à cette 60ème session de la Commission des stupéfiants. De plus, ma délégation voudrait vous féliciter, vous et le Conseil de la Commission des stupéfiants, pour le travail considérable que vous avez accompli en préparant et en dirigeant maintenant cette session.
Près d’un an après la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée au problème mondial de la drogue, le Saint-Siège saisit cette occasion pour prendre note de l’engagement et des efforts des États, individuellement et en commun, pour commencer la mise en œuvre du document final de l’UNGASS. Comme le souligne le document final, la réalité multiforme du problème mondial de la drogue exige des solutions multiples pour promouvoir « la santé et le bien-être de tous les individus, des familles, des communautés et de la société dans son ensemble, et faciliter des styles de vie sains à travers des initiatives, efficaces et globales, de réduction de la demande fondées sur des données probantes scientifiques à tous les niveaux » (1).
Alors que la Commission des stupéfiants se réunit une fois de plus, cherchant à s’appuyer sur six décennies d’expérience et d’efforts concertés, le Saint-Siège tient à rappeler les termes de la Convention unique de 1961 sur les stupéfiants : « La dépendance aux stupéfiants constitue un mal grave pour l’individu et représente un danger social et économique pour l’humanité » (2). Alors que la vérité de ces paroles nous oblige à réagir avec une vigueur toujours renouvelée, le Saint-Siège demande une attention plus approfondie et continue sur les trois questions suivantes.
Premièrement, il faut étudier les causes profondes de l’offre et de la demande de drogues illégales, en augmentant la connaissance et la compréhension de ces facteurs, qui doivent à leur tour être traités par les efforts coordonnés des États et de la communauté internationale. L’absence de justice économique et d’opportunités économiques (3) obligeant les individus, les familles et les communautés à produire et fournir des drogues illégales, et à en faire le trafic, la correction de cette marginalisation et de cette exclusion pourrait constituer un outil important pour lutter contre l’approvisionnement en drogues illégales. La demande de drogues illégales – « entraînée par l’absence d’une famille, les pressions sociales, la propagande des trafiquants de drogue et le désir de nouvelles expériences » (4) – devrait être combattue par une éducation accrue, ou plus exactement, par une formation humaine intégrale, centrée non seulement sur l’apprentissage scolaire, mais aussi sur la compréhension et le discernement sociaux, sanitaires et éthiques. Cette formation devrait être dirigée principalement vers les plus vulnérables de la société, comme les enfants et les jeunes, mais il est également bon de l’étendre aux familles et à ceux qui souffrent d’une certaine marginalisation.
Deuxièmement, la réponse aux crimes liés à la drogue, tant de la part des forces de l’ordre que de la justice – établies comme les piliers de la lutte contre les drogues illicites dans les trois Conventions sur le contrôle des drogues – doit être conforme aux obligations universelles en matière de droits humains et tendre vers une justice véritable et authentique. À cet égard, le Saint-Siège se sent obligé encore une fois de demander l’abolition complète de la peine de mort. Le commandement « tu ne tueras pas » a une valeur absolue et concerne aussi bien l’innocent que le coupable. En fait, les sociétés modernes ont la capacité de contrôler efficacement la criminalité sans enlever définitivement à un criminel la chance de se racheter. La question se situe dans le contexte d’une perspective sur un système de justice pénale toujours plus conforme à la dignité de l’homme et au dessein de Dieu pour l’homme et pour la société. Et aussi un système de justice pénale ouvert à l’espoir de réintégration dans la société » (5). Une éthique de vie cohérente signifie que le recours à la peine de mort pour les infractions liées à la drogue ne peut jamais être toléré car la vie de chaque personne vient de Dieu.
Troisièmement, comme l’a souligné le pape François, « tout toxicomane a une histoire personnelle unique et doit être écouté, compris, aimé et, dans la mesure du possible, guéri et purifié. Nous ne pouvons pas nous abaisser à l’injustice de catégoriser les toxicomanes comme s’il s’agissait de simples objets ou de machines brisées » (6). Par conséquent, la lutte contre le problème mondial de la drogue ne sera efficace que si un traitement intensif et une réadaptation sociale sont mis à la disposition de tous ceux qui sont esclaves de la toxicomanie. À cet égard, le Saint-Siège ne peut pas assez souligner l’importance de la famille comme pierre angulaire des stratégies de prévention, de traitement, de réhabilitation, de réinsertion et de santé.
Ma délégation se félicite donc de l’attention portée à la famille dans les projets de résolution présentés pour cette 60ème session, notamment le projet de résolution sur « la promotion des programmes et stratégies communautaires, familiaux et scolaires visant à prévenir la consommation de drogues chez les enfants et les adolescents ». Ma délégation espère que la Commission sur les stupéfiants poursuivra ses travaux sur l’engagement avec les communautés locales, y compris les communautés religieuses et la famille en tant qu’alliés importants dans la lutte contre les stupéfiants.
 
1 Assemblée générale des Nations Unies (2016 UNGASS), Document final, art. 1.
2 Convention unique sur les stupéfiants de 1961 modifiée par le protocole de 1972, Préambule.
3 Cf. pape François, Exh. apost. Evangelii Gaudium, 24 novembre 2013, 53.
4 Pape François, Discours aux participants à la réunion organisée par l’Académie pontificale des sciences sur « Stupéfiants : problèmes et solutions à ce problème mondial », 24 novembre 2016.
5 Pape François, Angelus, 21 février 2016.
6 Pape François, Discours aux participants à la réunion organisée par l’Académie pontificale des sciences sur « Stupéfiants : problèmes et solutions à ce problème mondial », 24 novembre 2016.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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