Le card. Pietro Parolin à l'ONU © compte facebook de la Mission du Saint-Siège aux Nations Unies

Le card. Pietro Parolin à l'ONU © compte facebook de la Mission du Saint-Siège aux Nations Unies

L'objection de conscience suppose la formation de la conscience (traduction complète)

Print Friendly, PDF & Email

Message du card. Parolin à un congrès à la Chambre des députés italiens

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

L’objection de conscience a-t-elle des limites? C’est en quelque sorte la question posée par le cardinal Secrétaire d’Etat Pietro Parolin, qui a adressé un message, en date du 19 octobre 2016, au prof. Mauro Ronco, président du Centre Livatino, à l’occasion d’un congrès, organisé à la chambre des députés de Rome, le 21 octobre,  sur le thème: « Conscience sans droits? »
Le cardinal Parolin affirme à la fois la nécessité de « se réapproprier une vision intégrale de l’homme et de sa dimension transcendante », et le fait que « la défense de la conscience passe par la promotion d’une formation correcte de celle-ci ».
« Le vrai problème posé par l’objection de conscience n’est pas seulement celui de son affirmation mais aussi celui de sa limitation, afin d’éviter qu’une affirmation sans discernement du droit d’objection ne comporte une anarchie de fait et une soustraction arbitraire aux obligations de la loi », fait observer le cardinal italien.
Et la question de la limite se pose, au nom de la sauvegarde de l’objection de conscience même: « Le thème est réel et il est juste de le poser, précisément afin d’éviter que l’incapacité à l’affronter ne conduise à un refus a priori de n’importe quelle objection même dans les cas, comme celui que le congrès se propose d’affronter spécifiquement, où le choix de conscience implique de profondes convictions de nature éthique et/ou religieuse dont le système juridique ne peut se désintéresser. »
Voici notre traduction intégrale du message du cardinal Parolin.
AB
Message du card. Parolin
Monsieur le Président,
À l’occasion du Congrès annuel organisé par le Centre d’Études Rosario Livatino, je suis heureux de vous faire parvenir, ainsi qu’aux organisateurs et aux participants, mes salutations cordiales, avec le vœu d’un débat profitable sur le thème choisi, dont le traitement réclame une attention et une profondeur particulières.
L’objection de conscience, en effet, n’est pas seulement une des nombreuses frontières le long desquelles se décide la confrontation entre une vision structurée et éthique de la personne humaine et une vision beaucoup plus fluide, sinon carrément « liquide » (pour reprendre l’adjectif qu’a appliqué Zygmunt Baumann à la société contemporaine) d’un homme détaché de solides points de référence, selon une idée mal comprise de la liberté.
L’objection de conscience est aussi le lieu où l’on mesure le fondement de la dignité humaine et où, en même temps et en négatif, se manifestent les contradictions consécutives à une prolifération incontrôlée des droits, souvent produite en négligeant les devoirs correspondants et le fondement des uns et des autres, que l’Église reconnaît dans la dignité inaliénable de l’être humain en tant que créé par Dieu.
La question, proposée par votre Centre d’études, « Conscience sans droits ? » est symptomatique de cette contradiction, et pas seulement provocatrice. Il serait vraiment étrange, pour ne pas dire paradoxal, qu’à une époque où la volonté humaine s’arroge le « droit de créer des droits » – en abattant l’une après l’autre les limites que la nature, l’éthique, la religion et la culture humaniste elle-même avaient jusqu’ici indiquées – qu’en ce même temps l’homme soit blessé aussi dans l’intime de sa conscience.
Il est connu en effet que l’enseignement catholique valorise de manière particulière le jugement de la conscience, indiquant en elle« le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre »(Concile Vatican II, Const. Past. Gaudium et spes, 16) ; mais aussi dans une perspective simplement philosophique et morale, la conscience revêt un rôle décisif, en tant que lieu central d’exercice de la liberté humaine, comme application à l’univers éthique de la fonction générale de la capacité humaine de connaissance. Elle est l’instance, au fonds, où l’homme discerne le bien du mal et se détermine à l’action en conséquence.
D’autre part, il faut considérer que, comme cela a été plusieurs fois souligné, le vrai problème posé par l’objection de conscience n’est pas seulement celui de son affirmation mais aussi celui de sa limitation, afin d’éviter qu’une affirmation sans discernement du droit d’objection ne comporte une anarchie de fait et une soustraction arbitraire aux obligations de la loi. Le thème est réel et il est juste de le poser, précisément afin d’éviter que l’incapacité à l’affronter ne conduise à un refus a priori de n’importe quelle objection même dans les cas, comme celui que le congrès se propose d’affronter spécifiquement, où le choix de conscience implique de profondes convictions de nature éthique et/ou religieuse dont le système juridique ne peut se désintéresser.
Il existe des cas où l’on perçoit concrètement que la protection de la conscience postule deux actions de fond préliminaires, convergentes et interdépendantes. D’un côté, il est nécessaire de se réapproprier une vision intégrale de l’homme et de sa dimension transcendante, sans laquelle il n’est pas possible d’opérer un équilibre d’intérêts qui en respecte et en garantisse la liberté, ni d’éviter la pente le long de laquelle la conscience perd ses caractéristiques d’aiguillon et de stimulant qui lui sont propres, jusqu’à devenir une conscience « isolée », comme le dénonce le pape François (cf. exh. ap. Evangelii gaudium, nn.1, 8 e 282) enfermée dans ses propres intérêts et où il n’y a de place ni pour l’Autre ni pour les autres.
D’un autre côté, il est nécessaire que la défense de la conscience passe par la promotion d’une formation correcte de celle-ci. « Une conscience bien formée est droite et véridique » (CEC n.1783) ; c’est seulement ainsi, à travers ce travail de formation constant et engageant, que la conscience devient un sanctuaire, moment de dialogue et de confrontation, évitant la dérive commode d’un « isolement » dangereux et d’une confusion avec l’arbitraire individuel.
Sous cet angle, je considère précieux le souvenir de ce qu’a affirmé saint Jean-Paul II dans le message envoyé à l’occasion de la Journée mondiale pour la paix de 1991 et intitulé : « Si tu veux la paix, respecte la conscience de tout homme ». À cette occasion, le Saint-Père, outre qu’il a reconnu le rôle fondamental de la famille et de l’école dans le domaine de la formation de la conscience, a affirmé en même temps que « tout individu a le grave devoir de se former la conscience à la lumière de la vérité objective… [qui] doit… être poursuivie passionnément et vécue au mieux des capacités de chacun. Cette recherche sincère de la vérité conduit non seulement à respecter la recherche des autres mais aussi à désirer chercher ensemble ».
Ces paroles me semblent constituer un vœu aussi pour les travaux de ce congrès afin que puisse s’exprimer, pendant ces travaux et grâce à eux, le désir de cette commune recherche ; une recherche passionnée et « vécue au mieux des capacités de chacun » comme celle qui a caractérisé la profession, et plus généralement la vie, du serviteur de Dieu Rosario Livatino et dont je désire donner en exemple la conduite généreuse et courageuse.
C’est avec ces sentiments que je vous adresse, Monsieur le Président, ainsi qu’à tous les participants au congrès, mes salutations cordiales et mes vœux de bon travail.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

Share this Entry

Constance Roques

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel