Don Lorenzo Milani © santalessandro.org

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Italie: hommage du pape au p. Lorenzo Milani

L’école comme « réponse aux exigences du cœur et de l’intelligence »

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« Croyant, amoureux de l’Église et lui-même blessé, et éducateur passionné avec une vision de l’école qui me semble une réponse aux exigences du cœur et de l’intelligence de nos enfants et de nos jeunes ». C’est en ces termes que le pape François a rendu hommage au prêtre italien Lorenzo Milani (1923-1967), fondateur de l’Ecole de Barbiana en Italie, le 23 avril 2017.
Dans un message vidéo adressé aux participants à la présentation de l’oeuvre intégrale du prêtre (Editions Mondadori) organisée à la Foire de Milan, le pape souligne que malgré son « franc-parler » qui parfois pouvait sembler « trop rugueux » et ses « étincelles » et « incompréhensions » avec les structures ecclésiastiques et civiles, le père Milani avait « une seule préoccupation » : « que ses enfants grandissent avec une pensée ouverte et avec le cœur accueillant et plein de compassion, prêts à se pencher sur les plus faibles et à secourir ceux qui sont dans le besoin ».
« Son inquiétude, assure le pape François, n’était pas le fruit d’une rébellion mais d’un amour et d’une tendresse pour ses enfants (…), alimentée par l’amour pour le Christ, pour l’Évangile, pour l’Église, pour la société et pour l’école qu’il pensait plus comme ‘un hôpital de campagne’ pour secourir les blessés, pour récupérer les marginaux et les délaissés ».
AK
Message vidéo du pape François
« Je ne me rebelle jamais contre l’Église parce que plusieurs fois par semaine j’ai besoin du pardon de mes péchés, et je ne saurais pas vers qui aller le chercher si j’avais laissé tomber l’Église ». C’est ce qu’écrivait don Lorenzo Milani, prieur de Barbiana, le 10 octobre 1958. Je voudrais proposer cet acte d’abandon à la Miséricorde de Dieu et à la maternité de l’Église comme prospective permettant de voir la vie, les œuvres et le sacerdoce de don Lorenzo Milani.
Nous avons tous lu bien des œuvres de ce prêtre toscan, mort il y a tout juste 44 ans et on se rappelle avec une affection particulière sa « lettre à un professeur », écrite conjointement avec ses enfants de l’école de Barbiana, où il a été curé. En tant qu’éducateur et enseignant il a sans aucun doute eu un parcours original, parfois, peut-être, trop pointu et, par conséquent, difficile à comprendre et à accueillir de prime abord.
Son éducation familiale, venant de parents non croyants et anticléricaux, l’avait habitué à une dialectique intellectuelle et à un franc-parler qui parfois pouvaient sembler trop rugueux, quand ce n’était pas qualifié de rébellion. Il maintint cette caractéristique, acquise en famille, même après sa conversion qui advint en 1943 et dans l’exercice de son ministère sacerdotal. On comprend que cela ait créé quelques résistances et quelques étincelles, comme des incompréhensions avec les structures ecclésiastiques et civiles, en raison de ses propositions éducatives, de sa prédilection pour les pauvres et de sa défense des objections de conscience.
L’histoire se répète toujours. J’aimerais que nous nous en souvenions surtout comme croyant, amoureux de l’Église et lui-même blessé, et éducateur passionné avec une vision de l’école qui me semble une réponse aux exigences du cœur et de l’intelligence de nos enfants et de nos jeunes. Par ces mots je m’adressais au monde de l’école italienne, en citant justement don Milani : « J’aime l’école parce qu’elle est synonyme d’ouverture à la réalité. C’est en tout cas ce qu’elle devrait être ! Mais elle n’y parvient pas toujours et alors cela veut dire qu’il faut changer un peu ses dispositions. Aller à l’école signifie ouvrir son esprit et son cœur à la réalité, dans toute la richesse de ses différents aspects, de ses dimensions. Et cela, c’est très beau ! Dans les premières années, on apprend à 360 degrés, puis petit à petit on approfondit dans une direction et à la fin on se spécialise. Celui qui a appris à apprendre – c’est cela le secret, apprendre à apprendre ! – cela lui reste pour toujours, il reste une personne ouverte à la réalité. C’est ce qu’enseignait aussi un grand éducateur italien, un prêtre : le P. Lorenzo Milani. ». C’est ainsi que je m’adressais à l’éducation italienne, à l’école italienne, le 10 mai 2014.
Cependant, son inquiétude n’était pas le fruit d’une rébellion mais d’un amour et d’une tendresse pour ses enfants, pour celui qui était dans son troupeau, pour lequel il souffrait et combattait, pour lui donner la dignité qui parfois était niée. Son inquiétude était spirituelle, alimentée par l’amour pour le Christ, pour l’Évangile, pour l’Église, pour la société et pour l’école qu’il pensait plus comme « un hôpital de campagne » pour secourir les blessés, pour récupérer les marginaux et les délaissés. Apprendre, connaître, savoir, parler avec franchise pour défendre les droits étaient les verbes que don Lorenzo conjuguait quotidiennement à partir de la lecture de la Parole de Dieu et de la célébration des sacrements, tellement qu’un prêtre qui le connaissait très bien disait de lui qu’il avait fait une « indigestion de Dieu ». Le Seigneur était la lumière de la vie de don Lorenzo, je voudrais que la même lumière illumine notre souvenir de lui.
L’ombre de la croix s’est souvent allongée sur sa vie, mais il se sentait toujours participant au Mystère Pascal du Christ, et de l’Église, jusqu’à manifester à son père spirituel, le désir que ceux qu’il aimait « voient comment meurt un prêtre chrétien ». La souffrance, les blessures subies, n’ont jamais masqué en lui la lumière pascale du Christ Ressuscité, parce qu’il avait une seule préoccupation, que ses enfants grandissent avec une pensée ouverte et avec le cœur accueillant et plein de compassion, prêts à se pencher sur les plus faibles et à secourir ceux qui sont dans le besoin, comme l’enseigne Jésus (cf. Lc 10, 29-37), sans regarder la couleur de leur peau, leur langue, leur culture, leur appartenance religieuse. Comme à l’ouverture, je laisse encore la conclusion à don Lorenzo, en rapportant les mots écrits à un de ses enfants, à Pipetta, le jeune communiste qui lui disait « si tous les prêtres étaient comme lui, alors …. », Don Milani répondait : « Le jour où nous aurons détruit ensemble la clôture de quelques parcs, installé la maison des pauvres dans la demeure du riche, souvient toi Pipetta, ce jour-là je te trahirai, finalement ce jour-là je pourrai chanter l’unique cri de la victoire digne du sacerdoce du Christ, bienheureux les pauvres parce que le règne des cieux est à eux. Ce jour je ne resterai pas avec toi, je retournerai dans ta masure pluvieuse et pourrie à prier pour toi devant mon Seigneur crucifié » (Lettre à Pipetta, 1950). Abordons donc les écrits de don Lorenzo Milani avec l’affection de celui qui le regarde comme un témoin du Christ et de l’Évangile, qui a toujours cherché, dans la conscience de son être pécheur pardonné par la lumière et la tendresse, la grâce et la consolation que seul le Christ donne et que nous pouvons rencontrer dans l’Église notre Mère.
Traduction de Zenit, Hugues de Warren

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Hugues de Warren

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