« Inviter Jésus » auprès des « tombeaux intérieurs » pour ne pas se laisser enfoermer dans la tristesse: c’est l’exhortation adressée par le pape François aux populations italiennes sinistrées lors du séisme de 2012.
Dans son homélie, à Carpi, commentant la prophétie d’Ezéchiel et l’évangile de la résurrection de Lazare, le pape François a insisté sur la libération apportée par le Christ qui permet au chrétien de ne jamais s’enfermer sur sa douleur et ses larmes, mais d’espérer dans le Dieu qui ressuscite les morts et défait les noeuds.
« Face aux grands « pourquoi » de la vie, nous avons deux voies : être à regarder de façon mélancolique les tombeaux d’hier et d’aujourd’hui, ou faire approcher Jésus de nos tombeaux. Oui, parce que chacun de nous a déjà un petit tombeau, cette zone un peu morte dans son cœur : une blessure, un tort subi ou fait, une rancœur qui ne laisse pas de répit, un remord qui revient encore et encore, un péché que l’on n’arrive pas à dépasser », a fait observer le pape.
« Voilà, dit-il, le cœur de Dieu : loin du mal, mais proche de qui souffre ; il ne fait pas disparaître le mal de façon magique, mais il com-patit la souffrance, la fait sienne, et la transforme en l’habitant. »
Voici notre traduction intégrale des paroles du pape François.
AB
Homélie du pape François
Les lectures d’aujourd’hui nous parlent du Dieu de la vie qui vainc la mort. Arrêtons-nous en particulier au dernier des signes miraculeux que Jésus accomplit avant sa Pâque, au tombeau de son ami Lazare.
Là, tout semble fini : la tombe est fermée par une grande pierre ; autour, seulement pleurs et désolation. Jésus aussi est secoué par le mystère dramatique de la perte d’une personne chère : « Il fut profondément ému », et il fut « très troublé (Jn 11, 33). Puis il « éclata en larmes » (v. 35) et il se rendit au tombeau, dit l’Evangile, « une nouvelle fois profondément bouleversé » (v. 38). Voilà le cœur de Dieu : loin du mal, mais proche de qui souffre ; il ne fait pas disparaître le mal de façon magique, mais il com-patit la souffrance, la fait sienne, et la transforme en l’habitant.
Mais notons qu’au milieu de la désolation générale du fait de la mort de Lazare, Jésus ne se laisse pas emporter par le découragement. Tout en souffrant lui-même, il demande que l’on croie fermement ; il n s’enferme pas dans les pleurs, mais, bouleversé, il se met en marche vers le tombeau. Il ne se laisse pas capturer par l’ambiance émotive résignée qui l’entoure, mais il prie avec confiance et il dit : « Père, je te rends grâce » (v. 41). Ainsi, dans le mystère de la souffrance, face auquel la pensée et le progrès se brisent comme des mouches sur la vitre, Jésus nous offre l’exemple de comment nous comporter : il ne fuit pas la souffrance, qui appartient à cette vie, mais il ne se laisse pas emprisonner par le pessimisme. Autour de ce tombeau, advient ainsi une grande rencontre-affrontement.
D’une part, la grande déception, la précarité de notre vie mortelle qui, traversée par l’angoisse de la mort, fait souvent l’expérience de la défaite, d’une obscurité qui paraît insurmontable. Notre âme, créée pour la vie, souffre en sentant que sa soif d’un bien éternel est oppressée par un mal antique et obscur. D’une part, il y a cette défaite du tombeau.
Mais de l’autre côté, il y a l’espérance qui vainc la mort et le mal, et qui a un nom : l’espérance s’appelle Jésus. Il n’apporte pas un peu de bien-être ou quelque remède pour allonger la vie, mais il proclame : « Je suis la résurrection et la vie ; qui croit ne moi, même s’il meurt vivra » (v. 25). C’est pourquoi il dit avec décision : « Enlevez la pierre ! » (v. 39) et à Lazare, il crie avec une grande force : « Vien dehors ! » (v. 43).
Chers frères et soeurs, nous aussi nous sommes invités à décider de quel côté nous sommes. On peut être du côté du tombeau ou bien du côté de Jésus. Il y a qui se laisse enfermer dans la tristesse et qui s’ouvre à l’espérance. Il y a qui reste piégé par les décombres de la vie et qui, comme vous, avec l’aide de Dieu, soulève les décombres et reconstruit avec une patiente espérance.
Face aux grands « pourquoi » de la vie, nous avons deux voies : être à regarder de façon mélancolique les tombeaux d’hier et d’aujourd’hui, ou faire approcher Jésus de nos tombeaux. Oui, parce que chacun de nous a déjà un petit tombeau, cette zone un peu morte dans son cœur : une blessure, un tort subi ou fait, une rancœur qui ne laisse pas de répit, un remord qui revient encore et encore, un péché que l’on n’arrive pas à dépasser. Identifions aujourd’hui les petits tombeaux que nous avons à l’intérieur de nous et là, invitons Jésus. C’est étrange, mais souvent, nous préférons être seuls dans les grottes obscures que nous avons en nous, en ruminant et en sombrant dans l’angoisse, en se léchant les plaies, au lieu d’aller à Lui, qui dit : « Venez à moi, vous qui êtes fatigués et oppressés et moi je vous donnerai le repos » (Mt 11,28).
Ne nous laissons pas emprisonner par la tentation de rester seuls et découragés à pleurer sur nous-mêmes pour ce qui nous arrive ; ne cédons pas à la logique inutile et peu concluante de la peur, à nous répéter, résignés, que tout va mal et que rien n’est plus comme autrefois. C’est l’atmosphère du tombeau ; le Seigneur désire au contraire ouvrir la voie de la vie, cette de la rencontre avec Lui, de la confiance en Lui, de la résurrection du cœur, la voie du « Lève-toi ! Lève-toi, viens dehors ! » Voilà ce que le Seigneur nous demande et il est à nos côtés pour le faire.
Entendons alors comme adressées à chacun de nous les paroles de Jésus à Lazare : « Viens dehors ! » Sors de l’embouteillage de la tristesse sans espérance ; défais les liens de la peur qui font obstacle sur le chemin ; aux liens des faiblesses et des inquiétudes qui te bloquent, répète que Dieu défait les nœuds. En suivant Jésus, apprenons à ne pas nouer nos vies autour des problèmes qui s’y enchevêtrent : il y aura toujours des problèmes, toujours, et quand on en résout un, il en arrive ponctuellement un autre. Mais nous pouvons trouver une stabilité nouvelle, et cette stabilité c’est justement Jésus, cette stabilité s’appelle Jésus, qui est la résurrection et la vie : avec lui, la joie habite le cœur, l’espérance renaît, la douleur se transforme en paix, la peur en confiance, l’épreuve en offrande d’amour. Et même si les poids ne manqueront pas, il y aura toujours sa main qui relève, sa Parole qui encourage et nous dit à tous, à chacun de nous : « Viens dehors ! Viens à moi ! » Il nous dit à tous : « N’ayez pas peur ».
A nous aussi, aujourd’hui comme alors, Jésus dit: « Enlevez la pierre ! » Si lourd que soit le passé, si grand que soit le péché, si forte que soit la honte, ne barrons jamais l’entrée au Seigneur. Enlevons devant Lui cette pierre qui L’empêche d’entrer : voici le temps favorable pour enlever notre péché, notre attachement aux vanités mondaines, l’orgueil qui nous bloque l’âme, tant d’inimitiés entre nous, dans les familles… Voici le moment favorable pour enlever toutes ces choses.
Visités et libérés par le Christ, demandons la grâce d’être des témoins de vie dans ce monde qui en est assoiffé, des témoins qui suscitent et ressuscitent l’espérance en Dieu dans les cœurs fatigués et alourdis par la tristesse. Notre annonce, c’est la joie du Seigneur vivant, qui dit encore aujourd’hui comme à Ezéchiel : « Voici que j’ouvre vos tombeaux, je vous fais sortir de vos tombeaux, ô mon peuple » (Ez 37,12).
[Texte original: italien]
© Traduction de ZENIT, Anita Bourdin
Messe, Carpi, capture CTV
Comment ne pas se laisser enfermer dans la tristesse et la souffrance: remède du pape François
Homélie de Carpi (traduction complète)