Il y a soixante-quinze ans, le 9 avril 1945, un protagoniste de « l’Église confessante » opposée au nazisme, le théologien luthérien allemand Dietrich Bonhoeffer (1906-1945), avec six autres membres du complot contre Hitler, a été pendu au camp d’exécution de Flossenbürg en Allemagne.
Le Conseil œcuménique des Églises publie ce jeudi 9 avril 2020 un article sur sa vie écrit par Keith Clements, un ancien secrétaire général de la Conférence des Églises européennes et auteur des livres et d’articles sur Bonhoeffer.
Théologien universitaire et enseignant, pasteur, directeur de séminaire et participant volontaire à la résistance allemande, Dietrich Bonhoeffer était membre actif du mouvement œcuménique qui formait « le continu de sa vie », selon les paroles de K. Clements. Cependant, sa vision du mouvement œcuménique se distinguait de la pensée œcuménique de l’époque, souligne le COE.
Pour K. Clements, Bonhoeffer a introduit dans le mouvement sa propre théologie, élaborée dans sa thèse de doctorat et fondée sur son concept fondamental de l’Église, « le Christ existant en tant que communauté ». Bonhoeffer croyait que l’Église est un corps relationnel de personnes rassemblées sous la parole du Christ et dont les membres sont à leur tour liés les uns aux autres dans cette même relation.
L’œcuménisme pour Bonhoeffer était aussi, souligne l’auteur, l’appel à proclamer et à incarner la paix dans le monde. C’est ce qu’il a proclamé en 1934 à la conférence œcuménique de Fanø au Danemark en invitant les Églises du monde, en tant que grand « concile œcuménique » en session, à lancer un appel aux nations à déposer les armes.
Il rappelle que Bonhoeffer était un ami de Willem Visser ‘t Hooft, qui allait devenir le premier secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises, lui rendant visite à Genève pendant les années de guerre et lui apportant des nouvelles de l’opposition à Hitler, mais discutant également de questions œcuméniques.
Il salue dans le pasteur luthérien un membre influant de l’Église confessente (un mouvement au sein des églises protestantes allemandes opposé au nazisme): Bonhoeffer estimait que le mouvement œcuménique et l’Église confessante avaient besoin l’un de l’autre. Il défendait « une compréhension de l’œcuménisme en tant qu’églises et chrétiens de l‘oikoumène engageant un témoignage commun de la vérité du Christ, dans laquelle leur interdépendance est cruciale », explique K. Clements. Le mouvement œcuménique, écrivait Bonhoeffer, « ce n’est pas un idéal qui a été mis en place, mais un commandement et une promesse; ce n’est pas la mise en œuvre ambitieuse de ses propres objectifs qui est requise, mais l’obéissance. »
La résistance politique de Bonhoeffer et de ses camarades pendant les années de guerre « a été fortement imprégnée de valeurs chrétiennes », explique l’auteur. Durant cette période, Bonhoeffer s’intéressait de plus en plus aux questions œcuméniques et inter-ecclésiastiques, à la fois intra-protestantes et catholiques-protestantes.
Dans ses lettres « radicales », écrites en prison, fait-il observer, Bonhoeffer se préoccupait « d’un christianisme incarné dans une église qui s’identifie au monde, un christianisme sans privilèges religieux, prenant la forme du Christ dans son existence pour les autres »: c’est en partageant les souffrances de Dieu dans le monde, pensait-il, que l’on devenait « un être humain, un chrétien ».
La veille de son exécution, dans une salle de classe du village de Schönberg en Bavière, Bonhoeffer a effectué un service à la demande de ses codétenus transportés au sud du camp de concentration de Buchenwald, rappelle K. Clements: sa petite congrégation comprenait des gens de diverses nationalités et de diverses traditions ecclésiastiques.
Bonhoeffer, raconte encore l’auteur, avait à peine terminé lorsque deux officiers de la Gestapo sont entrés: « Prisonnier Bonhoeffer, préparez-vous à venir avec nous. » Tout le monde savait ce que cela signifiait. Bonhoeffer a chuchoté à un officier britannique, Payne Best : « C’est la fin, pour moi le début de la vie », et lui a donné un message pour son ami anglais le plus proche George Bell, évêque de Chichester: « Dites-lui qu’avec lui je crois encore à la réalité de notre confrérie chrétienne qui dépasse les intérêts nationaux et les conflits, et que notre victoire est certaine. »