Clergé et vie consacrée, Gênes 27 Mai 2017 © L'Osservatore Romano

Clergé et vie consacrée, Gênes 27 Mai 2017 © Vatican Media

Aux prêtres et aux consacrés, le pape recommande le «style de Jésus»

La rencontre avec Dieu et avec les personnes

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Aux prêtres et aux consacrés, le pape recommande le « style de Jésus », non pas une vie « mondaine » ou même de « païens » qui n’attirent pas les vocations, mais une vie de « rencontre » authentique avec Dieu et avec les autres, et toujours en mouvement, jamais « statique ».
Le pape François a été accueilli vers 10h dans la cathédrale de Gênes, dans le nord-ouest de l’Italie, par le cardinal archevêque Angelo Bagnasco : il avait rendez-vous avec le clergé et les consacrés de la région.
Le cardinal Bagnasco a mentionné la présence d’un représentant copte et le pape a prié avec toute l’assemblée en silence puis un Ave Maria pour cette communauté victime du terrorisme.
Le cardinal Bagnasco a aussi évoqué la réalité chiffrée de la vie sacerdotale ou consacrée du diocèse : 600 prêtres diocésains, 600 religieux, plus de 2 000 religieuses. Il a souligné : « Nous ne devons pas nous arrêter sur le chemin de la conversion personnelle et pastorale. »
Imiter le style de Jésus
A une première question d’un prêtre, le pape répond en recommandant d’imiter « le style de Jésus », avant de détailler par touches ce qu’il entend par là: « Plus nous imiterons le style de Jésus mieux nous ferons notre travail de pasteurs, c’est fondamental ». Car « Jésus était toujours en marche au milieu des gens, de la foule, comme le dit l’Evangile qui distingue: disciples, foule, docteurs de la loi… La plupart de son temps, Jésus le passait sur la route, cela veut dire la proximité avec les problèmes et le soir il se cachait pour prier. »
Il fait observer qu’être ainsi en route ce n’est pas même chose que d’être « pressé » : « Notre vie contemporaine n’est pas sur la route mais pressée, ce sont deux choses différentes… Cette façon folle de regarder la montre, ce n’est pas la façon pastorale. Jésus ne faisait pas cela. Même s’il ne s’arrêtait jamais. »
« La peur la plus grande à laquelle nous devons penser, insiste le pape, c’est une vie statique, une vie du prêtre qui a tout résolu, tout structuré, à sa place », comme par exemple « les horaires » : « J’ai peur du prêtre statique, même celui qui est statique dans la prière… Je prie de telle heure à telle heure… Mais il ne te vient jamais l’envie de passer plus de temps avec le Seigneur? »
Le pape invite à un examen sur le « style » de la vie de chacun : « Le style chrétien ou un style d’entrepreneur? ». Et il redit : « Jésus a toujours été un homme de route, de marche, ouvert aux surprises de Dieu… Un prêtre tout structuré est fermé aux surprises de Dieu et on perd la joie… »
Surtout, le pape recommande de « ne pas avoir peur de cette tension » : « Etre en route c’est un signe de vitalité… Un papa, une maman est exposé/e à cela et vit la tension. Un coeur qui aime qui se donne, est exposé à cette tension… Même les pères du désert avaient cette lutte, cette tension… »
Un style fait de rencontres
Le pape résume : c’est « la rencontre avec le Père et les rencontres avec les personnes » qui font le « style de Jésus », car « dans la rencontre avec le Père et avec les frères il y a cette tension, on doit tout vivre dans cette clef de la « rencontre ». Pas de mur. »
Pour le pape François il y a aussi le danger de « rester auprès du tabernacle mais sans rencontrer le Seigneur », alors il conseille : « Tais-toi, laisse-toi regarder par le Seigneur, dis un mot, écoute. »
Et il propose la même attitude envers les personnes : « La même chose dans la rencontre avec les gens… Celui qui est pressé ne rencontre jamais… »
Il donne l’exemple d’un prêtre, ancien professeur à la retraite, qui a demandé à son supérieur de l’envoyer dans les bidonvilles « avec générosité » et une fois par semaine cet ancien professeur revenait dans sa communauté. Il pensait, raconte le pape : « A ces théologiens, il manque quelque chose. »
Au contraire, le pape François recommande : « Pense à Jésus qui est entouré de la foule et qui dit « quelqu’un m’a touché ». Il ne faut pas trop défendre sa tranquillité. »
Alors il interroge : « Je continue à confesser jusqu’à la fin ou je dis aux gens, je suis désolé, au revoir? Rencontrer les gens, c’est une croix… En paroisse, les drames fatiguent l’âme, mais te portent à la prière, à l’intercession… »
La vie plus que les structures
Pour affiner le discernement, le pape offre un repère : « Un signe que cela ne va pas, c’est lorsque le prêtre parle de ce qu’il fait… en auto-référence : ce n’est pas un homme de la rencontre mais du miroir. »
Il reconnaît qu’un « prêtre qui a une vie de rencontre avec le Seigneur et avec les gens finit la journée « crevé ». Cette fatigue c’est de la sainteté s’il y a la prière. Examinez-vous: est-ce que je suis homme de rencontre, de tabernacle, d’écoute? »
Le pape fait observer qu’il « n’y a pas de formule » : « Jésus avait une claire conscience que sa vie était pour les autres, pour le Père et pour les autres. Jésus se donnait, se donnait. Il était en mission: Je suis envoyé par le Père. »
Puis il ajoute : « Cela fait du bien au prêtre de se souvenir que c’est Jésus le Sauveur, il n’y a pas d’autre Sauveur. »
Le pape donne un autre critère de discernement, d’examen de conscience : « Jésus ne s’est jamais lié aux structures… Si on est trop lié aux structures, il y a quelque chose qui ne va pas. Jésus était lié aux relations. »
Et il cite un prêtre « en cours de béatification » qui souhaitait « le minimum de structures pour le maximum de vie ». (C’était peut-être le père Joseph Kentenich, fondateur des instituts de Schönstatt auquel le pape pensait.)
Et puis, sous les applaudissements, le pape conclut sa réponse en disant : « Ce sont les vieux critères de l’Eglise, qui sont ultra-modernes. »
La fraternité n’est pas cotée en bourse
A la question d’un curé d’une paroisse de 7 000 habitants, sur la mer, à propos de la « fraternité sacerdotale », le pape répond d’abord par une question : « Vous avez quel âge? » « 81 ans ! » « On a le même âge ! Je vous en aurais donné vingt de moins! »
« On ne cote pas en bourse la « fraternité », c’est tellement difficile, c’est un travail de tous les jours », répond ensuite le pape, faisant observer qu’on a « créé l’image du prêtre qui « sait tout » » et que cette réalité « fait du mal à la vie presbytérale », ce qu’il appelle « l’auto-suffisance ». Par exemple, dit le pape, pendant les réunions « je  suis en orbite » préoccupé d’autre chose. Il ajoute : « Il faut se demander pourquoi je ne m’intéresse pas à celui qui parle? Il parle de sa vie c’est une richesse pour moi ! »
Pour le pape, la fraternité c’est une « ascèse de la vie sacerdotale » : il encourage à ne pas hésiter à prier ensemble, pour les plus jeunes à jouer au football, déjeuner ensemble car « cela fait du bien ». Il invite à se comporter justement comme on se comporte avec ses propres frères.
Ainsi, « récupérer le sens de la fraternité » c’est une chose « très sérieuse ». Il salue les « discussions » qui surgissent dans les réunions sacerdotales : « S’il y a discussion, il y a confiance, amour, fraternité. »
Il déplore que, lorsque l’on demande des informations aux prêtres, aux fidèles, aux consacrés, sous le secret, sur tel ou tel prêtre pressenti pour une nomination, on trouve parfois « des calomnies » : « On comprend qu’il y a compétition, envie » et il conclut : « S’il n’y a pas de fraternité, il y a trahison… »
« L’ennemi de la fraternité, assène le pape, c’est cela: murmures, jalousies, quand l’idéologie est plus importante que la doctrine, que la fraternité. »
Sans chercher à avoir le dernier mot
Il revient à l’exemple des réunions : « Demandez-vous : combien de fois ai-je écouté des frères prêtres qui pensent différemment ou ne me plaisent pas ? Ou ai-je fermé l’oreille ? »
Il suggère cette attitude : « Je dis ce que je pense et j’écoute les autres, sans chercher à avoir le dernier mot… »
Et puis lorsqu’un prêtre est malade non pas physiquement ni psychologiquement mais moralement il demande : « Mais si ce pauvre est tombé victime de satan, toi aussi tu veux l’écraser? Cela arrive… »
Dès le séminaire
Par ailleurs, le pape recommande de s’habituer dès le séminaire à cette prise de conscience : « Aucun de nous n’est le « tout »… Nous sommes tous partie d’un corps. Cela s’apprend dès le séminaire, c’est très important. »
Pour illustrer son propos, le pape cite le cardinal Giovanni Canestri (1918-2005), qui a été archevêque de Gênes de 1987 à 1995 : il disait quelque chose comme « l’Eglise est comme un fleuve et l’important c’est d’être à l’intérieur », peu importe la place à l’intérieur.
Puis le pape donne cette consigne sévère : « Si vous voyez un bon séminariste mais qui fait des racontars, chassez-le tout de suite, ce sera une hypothèque sur la fraternité sacerdotale. »
Il donne cet autre exemple à l’intérieur des paroisses : « Le curé et le vicaire sont parfois très différents: dans le fleuve l’un est de ce côté l’autre de l’autre, mais l’important, c’est de chercher unité. »
« Les pères du désert nous enseignent sur la fraternité », continue le pape en citant une anecdote de l’un des pères qui dit à ses disciples : « J’ai vu un homme dans la boue jusqu’aux genoux. Des frères voulaient l’aider, ils l’ont enfoncé jusqu’au cou ». Et le pape diagnostique l’effet du « murmure » contre l’autre.
Comment se prémunir du « murmure » ? Le pape propose cette solution : « Se demander: « Combien de fois n’ai-je pas été pardonné? » Cela nous aide. »
Le concret du diocèse
A la question d’une religieuse – « comment vivre notre vie avec une intensité croissante? » – le pape répond par le « concret » du « diocèse ».
Pour le pape, « l’appartenance au diocèse… est ce qui nous sauve d’une foi un peu gnostique ou qui vole en l’air… Le diocèse c’est la part du peuple de Dieu qui a un visage… Le diocèse nous aide à ce que notre foi ne soit pas théorique mais pratique et vous, avec votre charisme, vous êtes un cadeau pour l’Eglise… C’est dans le diocèse que naît le charisme, qui a une origine concrète: quand on pense aux Franciscains on pense à Assise… »
« Cela nous enseigne à aimer les gens concrets de lieux concrets, le caractère concret de l’Eglise c’est le diocèse qui la donne », insiste le pape : « Cela ne tue pas le charisme, mais l’aide à être plus concret, plus proche… Quand l’universalité d’un institut religieux oublie de s’insérer dans les diocèses concrets, cet ordre à la fin oublie où il est né. »
Le pape annonce que l’on travaille à Rome « à un projet sur les relations mutuelles entre religieux et évêques ».
Cultiver la disponibilité
« Un autre aspect que je veux souligner c’est la disponibilité pour aller où il y a plus de risque, de besoin, de nécessité », ajoute le pape : « Je dis (disponibilité pour) toutes les périphéries, pas seulement de la pauvreté, mais aussi de la pensée, toutes… »
Il invite les communautés à s’interroger : « Notre charisme est nécessaire dans ce diocèse? Dans ce lieu du diocèse? » Il recommande : « Etre disponible pour aller au-delà… Ces deux choses sont importantes: le caractère diocésain et la disponibilité pour grandir et s’insérer. »
Un franciscain pose ensuite la question de la diminution des vocations sacerdotales et à la vie consacrée.
« Il y a un problème démographique… S’il n’y a pas de jeunes il n’y aura pas de vocations », répond tout d’abord le pape qui encourage à lire positivement ce phénomène: « A chaque époque on doit voir les choses comme un passage du Seigneur et on doit se dire: « Qu’est-ce qui se passe? » »
Deuxième point, le pape fait observer que toutes les vocations chrétiennes sont touchées : « La crise des vocations touche toutes les vocations, sacerdotales, religieuses, matrimoniales… C’est une crise transversale… Il faut demander au Seigneur : « Que devons-nous faire, que devons-nous changer ? » Il faut chercher une réponse, apprendre à partir des problèmes. »
Non à la « traite des novices » oui à la créativité
Il signale un abus des années 90, constaté durant le synode de 94 : « Je me souviens de la lettre pastorale des évêques des Philippines: la formation initiale devait désormais se faire dans le pays » après l’abus de transfert dans des pays où les communautés étaient vieillissantes, ce qui a entraîné des sorties des communautés et même des jeunes qui se sont retrouvées à la rue : « C’était un scandale. Le Corriere della Sera a titré « la traite des novices ». »
Le pape invite à la « créativité » dans la pastorale des vocations et au « témoignage »: « Si nous voulons des consacrés, des prêtres, il faut témoigner que nous sommes heureux, de la joie, de la vie. »
C’est pourquoi le pape fustige l’exemple des consacrés qui vivent « comme des païens »: les jeunes « ne viendront pas ».
Il insiste aussi sur le caractère missionnaire qui attire les jeunes : un signe que l’on ne vit pas « pour soi-même mais pour les autres », que l’on « donne sa vie ».
Il évoque le cas d’un collège très riche de Buenos Aires: la maison des soeurs avait besoin d’être refaite, mais elle l’a été « comme un palais de luxe avec une TV dans chaque chambre » : le pape parle de « mondanité spirituelle » car les sœurs disparaissaient dans leurs chambres et regardaient les feuilletons à la TV.
Il reconnaît sans ambages : « Le « crises vocationnelles », nous les avons provoquées », et il invite à « une conversion missionnaire », à une « conversion pastorale ».
Car le pape affirme qu’ « il y a des vocations » mais que parfois « le prêtre n’a pas le temps d’écouter ». Or, « les jeunes sont toujours en mouvement, il faut les mettre en mission. »
Le pape insiste donc ce qu’il appelle la « clef » du « témoignage » pour les vocations, et fait observer qu’ un témoignage qui se fait parfois « sans paroles » et le jeune se dit: « Je voudrais être comme lui/elle. »
« On peut aussi témoigner sans parole » insiste le pape avant d’affirmer la fécondité de l’Eglise: « Le Seigneur est grand et il nous donnera des enfants et des petits-enfants dans nos diocèses et nos congrégations. Allez de l’avant avec courage. »
Il conclut en demandant aux consacrés et aux prêtres de prier pour lui.
Après cette rencontre avec les prêtres et les consacrés dans la cathédrale de Gênes, le pape avait rendez-vous avec les jeunes. Auparavant il avait rencontré le monde du travail.
Ensuite, il devait déjeuner avec les évêques de la région et rendre visite aux enfants d’un hôpital pédiatrique.
A 17h, le sommet de la visite du pape est la messe Place Kennedy. Le pape doit repartir à 18h45 et il est attendu à Rome vers 19h30.
 
 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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