Mémorial du génocide arménien, wikimedia commons, Rita Willaert

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Arménie: quand Jean-Paul II dit "génocide"

Déclaration commune avec Karékine II, le 27 septembre 2001

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« L’extermination d’un million et demi de chrétiens arméniens, au cours de ce qui a traditionnellement été appelé le premier génocide du XXème siècle, et l’anéantissement qui a suivi de milliers de personnes sous l’ancien régime totalitaire, sont des tragédies qui continuent de hanter la mémoire de la génération actuelle », dit la Déclaration commune signée par le saint pape Jean-Paul II et le catholicos Karékine II, à Etchmiadzine, le 27 septembre 2001. La veille, le pape Jean-Paul II était allé prier au mémorial du génocide, le 26 septembre 2001.

Le pape François a employé lui-même le terme de « génocide » l’an dernier, à l’occasion de la Proclamation de saint Grégoire de Narek comme Docteur de l’Eglise, le 12 avril 2015, dimanche de la miséricorde, à Saint-Pierre.

Il a de nouveau employé le terme dans son discours devant les autorités arméniennes, hier, vendredi 24 juin 2016 au palais présidentiel d’Erevan. Mais le pape préfère le terme employés par les Arméniens eux-mêmes: le « Metz Yeghern », le « Grand Mal », il emploie aussi le terme de « tragédie » et de « catastrophe effroyable » .

En 2001, Jean-Paul II et Karékine II écrivaient encore: « Ces innocents qui ont été massacrés sans raison n’ont pas été canonisés, mais un grand nombre d’entre eux furent certainement confesseurs et martyrs au nom du Christ. Nous prions pour le repos de leurs âmes, et exhortons les fidèles à ne jamais perdre de vue le sens de leur sacrifice. Nous rendons grâce à Dieu pour le fait que les chrétiens d’Arménie ont survécu aux malheurs des dix-sept derniers siècles, et que l’Eglise d’Arménie est aujourd’hui libre de poursuivre sa mission et de proclamer la Bonne Nouvelle dans la République d’Arménie moderne et dans de nombreuses régions, proches et lointaines, où sont présentes des communautés arméniennes. »

Voici le texte intégral de cette déclaration.
A.B

DÉCLARATION COMMUNE
DU PAPE JEAN PAUL II
ET DE SA SAINTETÉ KARÉKINE II

La célébration du 1700ème anniversaire de la proclamation du christianisme comme religion de l’Arménie nous a réunis – Jean-Paul II, Evêque de Rome et Pasteur de l’Eglise catholique, et Karékine II, Patriarche suprême et Catholicos de tous les Arméniens, – et nous rendons grâce à Dieu qui nous a donné cette joyeuse occasion de nous unir à nouveau dans la prière commune, dans la louange à son Nom très-saint. Béni soit la Sainte Trinité – le Père, le Fils et le Saint-Esprit – maintenant et pour toujours.
Tandis que nous commémorons ce merveilleux événement, nous rappelons avec respect, gratitude et amour, le grand confesseur de notre Seigneur Jésus-Christ, saint Grégoire l’Illuminateur, ainsi que ses collaborateurs et successeurs. Ils ont illuminé non seulement le peuple d’Arménie, mais également d’autres peuples dans les pays voisins du Caucase. Grâce à leur témoignage, leur dévouement et leur exemple, les Arméniens, en 301 après Jésus-Christ, ont été baignés par la lumière divine et se sont tournés avec ferveur vers le Christ en tant que Vérité, Vie, et Chemin de salut.
Ils ont vénéré Dieu comme leur Père, professé le Christ comme leur Seigneur et invoqué l’Esprit Saint comme leur Sanctificateur; ils ont aimé l’Eglise apostolique universelle comme leur Mère. Le commandement suprême du Christ, d’aimer Dieu par dessus-tout et notre prochain comme nous-mêmes, est devenu un mode de vie pour les Arméniens d’antan. Dotés d’une foi profonde, ils ont choisi d’apporter le témoignage de la Vérité et d’accepter la mort lorsque cela était nécessaire, afin de partager la vie éternelle. Le martyre pour l’amour du Christ est donc devenu un héritage important pour de nombreuses générations d’Arméniens. Le trésor le plus précieux qu’une génération pouvait laisser à la suivante était la fidélité à l’Evangile, afin que, par la grâce de l’Esprit Saint, les jeunes deviennent aussi résolus que leurs ancêtres dans leur témoignage de la Vérité. L’extermination d’un million et demi de chrétiens arméniens, au cours de ce qui a traditionnellement été appelé le premier génocide du XXème siècle, et l’anéantissement qui a suivi de milliers de personnes sous l’ancien régime totalitaire, sont des tragédies qui continuent de hanter la mémoire de la génération actuelle. Ces innocents qui ont été massacrés sans raison n’ont pas été canonisés, mais un grand nombre d’entre eux furent certainement confesseurs et martyrs au nom du Christ. Nous prions pour le repos de leurs âmes, et exhortons les fidèles à ne jamais perdre de vue le sens de leur sacrifice. Nous rendons grâce à Dieu pour le fait que les chrétiens d’Arménie ont survécu aux malheurs des dix-sept derniers siècles, et que l’Eglise d’Arménie est aujourd’hui libre de poursuivre sa mission et de proclamer la Bonne Nouvelle dans la République d’Arménie moderne et dans de nombreuses régions, proches et lointaines, où sont présentes des communautés arméniennes.
L’Arménie est à nouveau un pays libre, comme aux premiers jours du règne du Roi Tiridate et de saint Grégoire l’Illuminateur. Au cours des dix dernières années, le droit des citoyens dans la République naissante, à pratiquer la religion de leur choix dans la liberté a été reconnu. En Arménie et dans la diaspora, de nouvelles institutions arméniennes ont été établies, des églises ont été construites, des associations et des écoles ont été fondées. Nous reconnaissons dans tout cela la main bienveillante de Dieu. Car il a fait voir ses miracles tout au long de l’histoire d’une petite nation, qui a préservé son identité particulière grâce à sa foi chrétienne. Grâce à leur foi et à leur Eglise, les Arméniens ont développé une culture chrétienne unique, qui est véritablement une contribution très précieuse au trésor du christianisme tout entier.
L’exemple de l’Arménie chrétienne témoigne que la foi dans le Christ apporte l’espérance dans toute situation humaine, aussi difficile soit-elle. Nous prions pour que la lumière salvifique de la foi chrétienne puisse briller sur les faibles et les puissants, sur les nations développées et en voie de développement dans le monde. En particulier aujourd’hui, les difficultés et les défis de la situation internationale exigent de faire un choix entre le bien et le mal, l’obscurité et la lumière, l’humanité et l’inhumanité, la vérité et le mensonge. Les questions actuelles concernant le droit, la politique, les sciences, et la vie familiale touchent la signification même de l’humanité et sa vocation. Elles appellent les chrétiens d’aujourd’hui – autant que les martyrs d’autres temps – à apporter le témoignage de la Vérité, même au risque d’un coût élevé.
Ce témoignage sera d’autant plus convaincant si tous les disciples du Christ professent ensemble la foi unique et guérissent les blessures de la division parmi eux. Puisse l’Esprit Saint guider les chrétiens, et tous les peuples de bonne volonté sur la voie de la réconciliation et de la fraternité. Ici, à Sainte Etchmiadzine, nous renouvelons notre engagement solennel à prier et à oeuvrer pour hâter le jour de la communion entre tous les membres du troupeau des fidèles du Christ, avec un profond respect pour nos traditions sacrées respectives.
Avec l’aide de Dieu nous ne ferons rien contre l’amour mais, « entourés d’une si grande nuée de témoins, nous devons rejeter tout fardeau et le péché qui nous assiège et courir avec constance l’épreuve qui nous est proposée » (cf. He 12, 1).
Nous exhortons nos fidèles à prier sans relâche afin que l’Esprit Saint nous emplisse tous, comme il l’a fait avec les saints martyrs de toute époque et de tout lieu, de la sagesse et du courage de suivre le Christ, le Chemin, la Vérité et la Vie.
Sainte Etchmiadzine, 27 septembre 2001
© Copyright – Libreria Editrice Vaticana

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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