« Pour la toute première fois, des catholiques et des luthériens vont commémorer ensemble, à l’échelle mondiale, l’anniversaire de la Réforme ». Un événement historique salué par le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens et le pasteur Martin Junge, secrétaire général de la Fédération luthérienne mondiale (FLM), dans un document publié en vue de la commémoration qui aura lieu le 31 octobre 2016 avec le pape François à Lund, en Suède.
Au cours des célébrations des 500 ans de la Réforme, expliquent-ils dans ce texte publié en plusieurs langues le 12 octobre, les luthériens et les catholiques « puiseront au plus profond de leur foi commune en le Dieu Trine pour déclarer publiquement » qu’ils vont « aller de l’avant », qu’il est « important de maintenir le dialogue ». Ils lanceront aussi un appel pour rejeter « avec véhémence » la haine et la violence qui ne doivent pas être « justifiées ».
Ainsi le pape François, l’évêque Munib Younan et le pasteur Junge, représentant la communion mondiale des 145 communautés de la FLM, donneront ensemble le coup d’envoi de la commémoration commune. Commémoration, expliquent le cardinal Koch et le pasteur, qui sera structurée « autour de l’action de grâce, de la repentance et d’un engagement en faveur du témoignage commun ».
Cet événement« appelé à faire date », représentera « un immense encouragement pour les catholiques et les luthériens dans leur témoignage commun dans un monde blessé et brisé », écrivent encore les signataires, souhaitant qu’il fournisse « la motivation nécessaire pour s’engager en faveur d’un dialogue encore plus passionné ».
AK
Ensemble dans l’espérance
En l’an 1517, dans la ville allemande de Wittemberg, le moine Martin Luther exprima publiquement son opposition à la pratique courante du commerce des indulgences. Il le fit motivé par ses convictions théologiques et spirituelles. Ses prises de position publiques enclenchèrent un processus de transformation en profondeur dans un contexte déjà complexe de bouleversements sociaux, politiques et économiques. Si Luther n’avait jamais eu l’intention de fonder une nouvelle Église, la tournure que prirent les événements finit par diviser le christianisme d’Occident et faire éclater des conflits et des violences dont les effets s’en ressentent encore aujourd’hui. À chaque centenaire de la Réforme, les commémorations sont sources de polémiques et de confrontation entre les deux confessions.
Cette fois-ci, ce sera différent. Le 31 octobre 2016, le pape François, pour l’Église catholique, et l’évêque Munib Younan et le pasteur Martin Junge, représentant la communion mondiale des 145 Églises de la Fédération luthérienne mondiale, donneront ensemble le coup d’envoi de la commémoration commune de la Réforme à l’occasion de son 500e anniversaire.
Pour la toute première fois, des catholiques et des luthériens vont commémorer ensemble, à l’échelle mondiale, l’anniversaire de la Réforme. Cet événement, qui est appelé à faire date, reflète les progrès réalisés en cinquante ans de dialogue international catholique-luthérien. Établi après les importantes décisions prises par le Concile Vatican II, le dialogue a permis aux deux traditions de mieux se comprendre l’une l’autre. Il a permis de venir à bout de bon nombre d’antagonismes et, surtout, il a instauré la confiance. Il a affirmé la conviction commune que ce qui unit les catholiques et les luthériens compte davantage que ce qui les divise. Il a donné expression à la profonde conviction de foi selon laquelle catholiques et luthériens sont, par le baptême, appelés à faire partie d’un seul et même corps.
Mais cette commémoration est aussi l’expression des relations consolidées et de la meilleure compréhension mutuelle que le service et le témoignage ont permis d’atteindre. Les luthériens et les catholiques se sont rapprochés, souvent dans des contextes extrêmement difficiles marqués par la persécution, l’oppression et la souffrance.
Parmi les nombreux accords conclus au cours de ces décennies de dialogue, la Déclaration commune sur la doctrine de la justification, signée par l’Église catholique et la FLM en 1999, est décisive. Par cette déclaration, les catholiques et les luthériens sont parvenus à surmonter les clivages nés de la principale controverse du 16e siècle. Ce jalon dans l’histoire des relations œcuméniques catholiques-luthériennes constitue le fondement théologique de la commémoration commune, rendant possible l’engagement public à tourner le dos à un passé de conflit pour s’ouvrir à l’unité à laquelle l’Église est appelée.
Le cri de ralliement de la commémoration commune sera «Du conflit à la Communion – ensemble dans l’espérance». Au programme de la commémoration figure une prière commune à la cathédrale de Lund ainsi qu’un rassemblement public à la Malmö Arena, en Suède.
«Du conflit à la communion» est aussi le titre d’un rapport réalisé par la Commission internationale luthéro-catholique romaine sur l’unité. Le rapport raconte l’histoire de la Réforme telle qu’elle est unanimement comprise par les deux traditions, analyse les points théologiques sujets à controverse et dresse la liste des différends qu’on peut aujourd’hui considérer comme résolus grâce au dialogue et à une compréhension mutuelle. Par ailleurs, il répertorie les sujets qui nécessitent une discussion théologique approfondie avant de pouvoir trouver un accord, notamment la conception de l’Église, du ministère et de l’eucharistie. La commémoration commune sera structurée autour de l’action de grâce, de la repentance et d’un engagement en faveur du témoignage commun.
– Action de grâce: pour le don de la Parole de Dieu, qui s’est adressée de nouveau à l’Église et au monde et qui continue de s’exprimer. Mais aussi pour les dons spécifiques de la Réforme, ainsi que les dons que luthériens et catholiques se reconnaissent mutuellement.
– Repentance: parce que les antagonismes ont conduit à la désunion de l’Église. Mais aussi pour les immenses souffrances qu’ont dû subir des gens ordinaires à cause d’un contentieux théologique qui, en étant récupéré par des intérêts politiques hégémoniques, s’est aligné sur ceux-ci. Cela s’est traduit par de longues «guerres de religion» ont ravagé l’Europe aux 16e et 17e siècles.
– Engagement en faveur d’un témoignage commun: Parce que si les luthériens et les catholiques poursuivent leur quête d’unité, rien n’empêche leur témoignage commun de la joie, de la beauté et du pouvoir transformateur de la foi, notamment en étant au service des personnes pauvres, marginalisées et opprimées. La commémoration commune invite les catholiques et les luthériens à donner, car ils reçoivent la grâce en Christ et par le Christ.
Si ces trois éléments auront toute leur place dans la prière commune à la cathédrale de Lund et dans la déclaration commune qui sera signée par le pape François et le président de la FLM l’évêque Munib Younan, le troisième – l’engagement en faveur du témoignage commun – sera particulièrement mis en valeur à la Malmö Arena, qui peut accueillir jusqu’à 10 000 participants. Lors de ce rassemblement public, un accord de coopération sera signé entre le Département d’entraide mondiale de la Fédération luthérienne mondiale, qui est actuellement au service de plus de 2,3 millions de réfugiés dans le monde, et Caritas Internationalis, qui, avec une présence dans 164 pays dans le monde, peut se prévaloir d’un record impressionnant en matière de service diaconal aux personnes dans le besoin. En offrant des témoignages, en chantant des chansons et en échangeant des réflexions, catholiques et luthériens vont ainsi faire comprendre que leur engagement à tourner le dos au conflit ne se cantonnera pas à ces deux communions mais qu’il portera des fruits dans un service empreint de compassion et d’amour à l’égard du prochain dans un monde blessé et fragmenté par le conflit, la violence et la destruction écologique.
Bien que les luthériens et les catholiques soient appelés à laisser le conflit derrière eux et à se tourner vers leur avenir commun, il ne fait aucun doute que cette initiative importante et historique ne saurait avoir lieu isolément, sans tenir compte des nombreuses autres relations œcuméniques.
Des représentants œcuméniques participeront à la commémoration commune, accompagnant les catholiques et les luthériens dans ce moment clé et encourageant par leur présence la suite du processus. Ce contexte œcuménique mettra aussi en valeur la conviction que la Réforme du 16e siècle n’est pas un événement isolé, mais qu’elle a été précédée et suivie par d’autres mouvements réformateurs. Les différentes traditions confessionnelles ont reçu et se sont approprié chacune à leur manière le mouvement de réforme mis en branle par Luther.
Dans un monde aux prises avec des déficits de communication, la récurrence croissante de discours incendiaires et de nature à semer la division et la montée de la violence et du conflit, les luthériens et les catholiques puiseront au plus profond de leur foi commune en le Dieu Trine pour déclarer publiquement:
– Ensemble, catholiques et luthériens vont aller de l’avant, toujours plus près de leur Seigneur et Sauveur commun Jésus Christ;
– Il est important de maintenir le dialogue;
– Il est possible de tourner le dos au conflit;
– La haine et la violence, y compris celles qui sont motivées par la religion, ne doivent pas se banaliser – et, surtout, elles ne sauraient être justifiées –, mais elles doivent être rejetées avec véhémence;
– Les mauvais souvenirs peuvent se dissiper;
– Une histoire douloureuse n’exclut pas un avenir radieux;
– Il est possible de passer du conflit à la communion et d’entreprendre ce cheminement ensemble et dans l’espérance;
– Il y a un pouvoir dans la réconciliation, car celle-ci nous libère pour nous permettre de nous tourner les uns vers les autres mais aussi vers l’extérieur dans l’amour et le service.
La commémoration commune représentera un immense encouragement pour les catholiques et les luthériens dans leur témoignage commun dans un monde blessé et brisé. En outre, elle fournira la motivation nécessaire pour s’engager en faveur d’un dialogue encore plus passionné permettant de venir à bout des différences et de recevoir et célébrer l’unité à laquelle nous aspirons.
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