Au lendemain de la clôture de la 2e assemblée du Synode sur la synodalité à Rome, Mgr Roger Anoumou, représentant de la Conférence épiscopale du Bénin à ces assises dresse un bilan du processus synodal, avec une attention particulière portée à l’Afrique et à la manière dont ce synode pourrait transformer l’Église sur le continent. De retour de Rome, il met en lumière les défis et les espoirs suscités par ce synode, soulignant notamment l’importance de l’Afrique dans la mission de l’Église universelle.
Ils sont plus de 360 participants, dont des évêques, des cardinaux, et des experts théologiens venus des quatre coins du monde à prendre part à cette 2e assemblée générale du synode sur la synodalité qui a duré quasiment un mois (2-27 octobre 2024) à Rome. Au cours de cette phase, les participants ont réfléchi en groupes sur les grands axes de l’Instrumentum laboris. Ces ateliers ont permis d’élaborer un document final structuré en cinq parties qui explore des enjeux cruciaux pour l’Église et que le pape François a validé sans nécessiter une exhortation post-synodale, une décision inédite.
Selon Mgr Roger Anoumou, cette absence d’exhortation post-synodale pourrait témoigner de la satisfaction du pape face aux travaux réalisés. « Le pape est peut-être tellement satisfait du travail que nous avons produit qu’il n’a pas estimé nécessaire de compléter cette réflexion par un texte supplémentaire. Cela montre que l’Esprit Saint a travaillé et que le Saint-Père est convaincu de la solidité des conclusions du synode » estime l’évêque de Lokossa.
Les consultations paroissiales : une richesse pour l’Église en Afrique
Aux yeux du prélat, l’un des grands apports de ce synode a été les consultations paroissiales et diocésaines, qui ont permis de faire remonter les préoccupations des fidèles. Ce processus, qui a permis d’entendre la voix du peuple de Dieu, a mis en lumière des réalités et des défis spécifiques, notamment en Afrique. Mgr Anoumou souligne que, contrairement à d’autres régions du monde, l’Afrique doit faire face à des situations particulièrement complexes, comme celle de la polygamie. « La polygamie est une réalité que nous ne pouvons pas ignorer en Afrique. Dans nos Églises, il y a beaucoup de femmes issues de la polygamie qui souffrent. Ces femmes sont de bonne volonté, elles sont prêtes à recevoir le baptême, mais leur situation matrimoniale est un obstacle. C’est une souffrance pour elles », explique Mgr Anoumou. Il n’hésite pas à partager son expérience personnelle quand il était curé de paroisse : « Dans ma paroisse, il n’y avait que deux couples mariés, le reste étaient des couples non mariés, des polygames, et ainsi de suite. Je devais être attentif à leur situation. ». La question de la polygamie a donc été posée lors du synode, et l’évêque estime que cette question ne peut être tranchée de manière dogmatique. « Ce n’est pas une question totalement tranchée, mais c’est une question que nous avons posée, car elle nous confronte. Le pape appelle au discernement, et c’est exactement ce que nous devons faire », indique-t-il. Cette ouverture au discernement, en particulier pour les pasteurs et curés en Afrique, implique d’être créatifs tout en restant fidèles aux enseignements du Christ. « Cela appelle à une créativité pastorale », insiste-t-il.
Après le synode : la synodalité doit se vivre dans la réalité
Bien que le synode sur la synodalité ait pris fin avec la clôture des travaux à Rome fin du mois d’octobre 2024, Mgr Anoumou rappelle que la véritable mission commence maintenant, au niveau des paroisses et des communautés locales. « Le synode est bouclé dans sa partie théorique, mais la partie pratique commence maintenant. Ce qui compte, c’est la mise en œuvre concrète de la synodalité. Les curés et les pasteurs doivent apprendre à travailler avec les laïcs, à leur confier des responsabilités dans la gestion des paroisses. C’est maintenant qu’il faut voir si ce synode a réellement changé l’Église », explique-t-il. Dans cette optique, le prélat appelle à une évaluation des fruits du synode dans le temps pour en mesurer les effets tangibles dans la vie des chrétiens. « Il faudra évaluer dans un an ou deux. Qu’est-ce que ce synode a apporté à la vie des chrétiens en Afrique, au Bénin ? C’est là que l’on verra si cette démarche a eu un impact réel », poursuit-il.
Appel à un affermissement de la foi catholique en Afrique
« La foi catholique en Afrique doit devenir une foi solide », déclare Mgr Anoumou. Pour lui, l’Afrique doit prendre conscience de sa responsabilité dans le maintien de la foi chrétienne à l’échelle mondiale. « La foi est en souffrance dans certaines parties du monde, mais en Afrique, nous avons un rôle à jouer. Dieu compte sur nous pour maintenir le flambeau de la foi, et c’est pour cela que ce synode est si important pour l’Afrique. ». Mgr Anoumou fait également référence aux récentes discussions au sujet de l’homosexualité et des unions entre personnes de même sexe. Il souligne que, bien que l’Église dans certains pays ait évolué sur ces questions, l’Afrique reste attachée à des valeurs traditionnelles. « En Afrique, notre culture ne permet pas certaines pratiques. Nous avons une vision différente de la famille et du mariage, et cela se reflète dans nos enseignements. Le Saint-Père a bien compris cela et a respecté notre position », précise-t-il. Plus loin, il partage une déclaration récente selon laquelle « l’Église en Afrique sauvera l’Église universelle ». Bien qu’il précise que cette phrase ne provient pas directement du synode, il la considère comme une reconnaissance du rôle central de l’Afrique dans l’avenir de l’Église. « Cette phrase montre que le Seigneur veut compter sur l’Afrique pour redynamiser la foi chrétienne. Ce n’est pas une position de rejet, mais de fidélité aux valeurs chrétiennes », conclut-il.
Ainsi, après la clôture du synode, Mgr Roger Anoumou appelle à un renforcement de la foi catholique sur le continent, à un renouveau dans la pratique de la synodalité, et à un engagement renouvelé des chrétiens d’Afrique. La mission commence maintenant, et l’Église en Afrique, selon lui, a un rôle clé à jouer dans l’avenir de l’Église universelle.