« Ne nous laissez pas seuls dans notre douleur », a demandé Mgr Sviatoslav Shevchuk, archevêque-majeur de Lviv et primat de l’Église grecque catholique ukrainienne, en s’adressant aux participants de la vidéoconférence qui a été organisée en liaison en direct de Kiev, à l’Institut pontifical oriental de Rome: « Personne n’est préparé à la guerre, sauf les criminels qui la planifient et la mettent en œuvre. »
Paix et réconciliation
C’est la première fois depuis le début du conflit en Ukraine que Mgr Shevchuk a pris la parole lors d’un événement public, indique l’agence italienne Sir le 29 mars 2022. Le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, ainsi que l’ambassadeur d’Ukraine près le Saint-Siège, Andriy Yurash, ont également participé à cette conférence. Le cardinal Sandri a souligné que le monde « semble n’avoir pas appris de l’histoire, même récente, l’horreur causée par les ravages de la guerre, la folie aveugle et destructrice des armes ». Le cardinal a exprimé aussi l’espoir que la paix sera bientôt atteinte, « une paix, faite de cessation de l’usage des armes, de respect de la justice et du droit international, de cicatrisation progressive des blessures et aussi de réconciliation ».
La guerre de la Russie contre l’Ukraine a causé « un choc », a expliqué Mgr Shevchuk : « Mais il était clair que c’était une invasion bien planifiée. »
Il a fait le point sur la situation en Ukraine, énumérant les zones les plus critiques : Kharkiv, à 40 kilomètres de la frontière russe, a été rasée, a-t-il dit. Tous les monuments et bâtiments historiques ont été détruits. La ville de Tchernihiv a également été rasée et ceux qui sont restés sont sans lumière ni chauffage et la destruction du pont empêche à la fois l’arrivée de l’aide humanitaire et le début des couloirs humanitaires.
Le martyre de Marioupol
Le primat de l’Église grecque catholique ukrainienne a parlé de Marioupol, la « ville martyre », selon l’expression du pape François, dont les images de destruction généralisée ont fait le tour du monde. La ville est couverte non seulement de décombres, mais aussi de morts, a-t-il noté: des corps ont été jetés dans des fosses communes. Pour pouvoir sortir de la ville, il faut parfois payer 1 000 $. Seuls ceux qui ont de l’argent peuvent prendre leur voiture. « Ils sont aussi venus nous déshabiller », a souligné Mgr Shevchuk.
Dans le Donbass, a-t-il dit, une véritable « déportation forcée » de personnes a lieu: des personnes ont été expulsées de force vers la Russie, leurs passeports ont été confisqués, des documents temporaires leur ont été délivrés. « C’est ce qui s’est passé à l’époque de Staline », a rappelé Mgr Shevchuk.
Il a révélé aussi que son nom ainsi que celui d’autres chefs religieux avaient été mis sur la liste des personnes à « éliminer » : « Nous avons alors découvert que des gens s’étaient infiltrés dans la communauté paroissiale de la cathédrale de Kiev et avaient formé un groupe d’assaut prêt à attaquer. » Ils s’étaient infiltrés dans la chorale et les groupes de jeunes, selon Mgr Shevchuk : « Ils avaient des noms, des prénoms, des adresses. » Même la cathédrale avait été « marquée » par des émetteurs-récepteurs pour être attaquée par des missiles.
Le « miracle » de Kiev
« Mais aujourd’hui je vous parle de Kiev et c’est un miracle », a noté le primat de l’Église grecque catholique ukrainienne: « Nous voyons que la force du peuple ukrainien s’avère être un miracle qui surprend le monde. »
À son tour, l’ambassadeur d’Ukraine près le Saint-Siège, Andriy Yurash, a parlé des conséquences pour l’Église de ce premier mois de la guerre : selon les chiffres cités, soixante églises sont partiellement ou totalement détruites ; trois prêtres de l’Église orthodoxe ukrainienne sont morts et deux prêtres de l’Église orthodoxe liée au Patriarcat de Moscou ont été tués.
L’ambassadeur a salué la « grande mission » que les Eglises d’Ukraine accomplissent aux côtés du peuple: des évêques, des prêtres, des religieux et des religieuses qui ont décidé de rester dans leurs villes, même au risque des bombardements et des attentats. Des cathédrales ont accueilli des femmes, des enfants et des personnes âgées dans leurs sous-sols et leurs cryptes. « Dans de nombreuses villes, les portes des églises sont restées ouvertes », a assuré Andriy Yurash, rappelant aussi le rôle important que jouent les aumôniers militaires dans le soutien aux soldats et les messages quotidiens de Mgr Shevchuk qui sont « une source de connaissance et d’explication de ce que se passe en Ukraine ».