Liberté d’expression et/ou liberté de parole
Le mot grec parrêsia est composé « pan » = tout et « rhéma » = discours, donc signifie « dire tout ».
Dans la Grèce antique la parrêsia (liberté de parole) était considérée une vertu. Ella a été identifiée avec le droit et le devoir attribué au citoyen, et surtout à l’homme public, de tout dire, de ne pas interposer de filtres ou de distorsions ou de censures entre ce qu’il pense et ce qu’il dit : tout dire, et donc, dire la vérité.
Ce n’est pas toujours commode, au contraire, cela impose des risques et demande donc du courage. Renoncer à enchaîner – donc à plaire, à prendre au piège, et devoir exiler les rusés et les désirables – peut mettre en danger son gain, sa satisfaction flattée, son consentement et la stabilité acquise.
Et cela est vrai autant dans la relation aux autres qu’à soi-même. C’est un choix qui n’est jamais libre : exprimer la vérité a toujours un coût – en amitié, en argent, en votes électoraux ; cependant, c’est aussi un choix dont dépend la liberté.
Dans un monde où des mensonges subtils et accommodants – d’étiquette, d’amour de la paix, de raison d’État – règnent sur la société démocratique, aussi bien ceux qui complotent que ceux qui boivent des mensonges sont des esclaves (même ceux qui gardent la chaîne sont enchaînés).
La parrêsia est une vertu civile, transparente, lumineuse, pudique et sans cérémonie – en un mot, socratique – qui purge les abcès de la société civile.
A propos de la liberté de parole/d’expression, la parrêsia, il est particulièrement intéressant tenir compte du plus ancien texte chrétien disponible (autre que le Nouveau Testament) qui est probablement la Lettre dite de Clément de Rome aux Corinthiens, ou Prima Clementis, dans laquelle le terme parrêsia apparaît explicitement.
La plupart des érudits datent la lettre de 96-97 après le Christ, immédiatement après le meurtre de l’empereur Domitien, qui, dans les dernières années de son règne, s’était déchaîné contre les juifs et contre les chrétiens.
Dans la Lettre, cette franchise ou liberté de parole envers les hommes prend le double visage de la laudatio et de la vituperatio, mais sans atteindre les extrêmes de la flatterie ou de l’injure.
En effet, l’un des concepts clés qui guident la parrêsia chrétienne, et la pensée de Clément en particulier, est celui d’epieikeia, qui signifie « attention à la situation concrète », et donc « compréhension », « douceur » ou « modération ». Il s’agit de voir le bien qui existe déjà, et aussi de mettre en évidence ce qui manque ou qui fait obstacle.
Le Magistère de l’Eglise a toujours continué à proposer et à réfléchir sur ce thème (p.e. Dignitatis humanae et Fides et Ratio) et assez récemment le Pape François a souligné qu’il y avait des limites à la liberté d’expression, en particulier lorsqu’il s’agit d’insulter ou de ridiculiser la foi de quelqu’un.
Le Saint-Père François a affirmé : « Nous avons l’obligation de parler ouvertement. Chacun a le droit et le devoir de dire ce qu’il pense pour aider le bien commun. Avoir cette liberté, oui, mais sans offenser ».