Devant les « tensions et les divisions », ainsi que le « sentiment général d’incertitude et d’instabilité », le pape invite à « retrouver le sens de notre identité commune en tant qu’unique famille humaine » et à s’interroger sur le rôle de la diplomatie multilatérale .
Dans son long discours de début d’année devant le Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, ce lundi 10 janvier 2022, dans la Salle des Bénédictions, le pape François a évoqué, entre autres questions préoccupantes, le « multilatéralisme », qui est, a-t-il souligné, « le style diplomatique qui a caractérisé les relations internationales depuis la fin de la seconde guerre mondiale ».
La crise du multilatéralisme
« La question migratoire, ainsi que la pandémie et le changement climatique, montrent clairement que personne ne peut se sauver tout seul, c’est-à-dire que les grands défis de notre époque sont toujours mondiaux » a déclaré le pape, inquiet de constater que « face à une plus grande interconnexion des problèmes, les solutions sont de plus en plus fragmentées ».
« La diplomatie multilatérale traverse depuis quelque temps une crise de confiance, due à la baisse de crédibilité des systèmes sociaux, gouvernementaux et intergouvernementaux », observe le pape François. Il déplore l’absence de « véritables négociations » lors de la prise de décisions « importantes » dans lesquelles tous n’ont pas « voix au chapitre », entraînant à une « désaffection de la part de nombreux États à l’égard des organismes internationaux » et une « inefficacité pour relever les défis mondiaux ».
Le pape regrette également un « manque d’efficacité » des organisations internationales qu’il attribue à « une forme de colonisation idéologique qui ne laisse pas de place à la liberté d’expression et qui, aujourd’hui, prend de plus en plus la forme de la cancel culture qui envahit de nombreux domaines et institutions publiques ». Les agendas, dénonce-t-il, sont « de plus en plus dictés par un mode de pensée qui nie les fondements naturels de l’humanité et les racines culturelles qui constituent l’identité de nombreux peuples »
« Au nom de la protection de la diversité, on finit par effacer le sens de toute identité », fait observer le pape François, qui s’inquiète du développement d’une « pensée unique », « avec le risque de faire taire les positions qui défendent une idée respectueuse et équilibrée des différentes sensibilités ». Le danger, souligne-t-il, serait de « nier l’histoire, ou pire encore, de la réécrire sur la base de catégories contemporaines, alors que toute situation historique doit être interprétée selon l’herméneutique de l’époque et non selon l’herméneutique actuelle ».
Regagner en crédibilité et en efficacité
Afin de regagner en « crédibilité et en efficacité », la diplomatie multilatérale « est appelée à être véritablement inclusive, non pas en effaçant mais en valorisant les diversités et les sensibilités historiques qui distinguent les différents peuples », explique le pape François. Pour « relever les défis à venir », poursuit-il, l’humanité doit être capable de « se rassembler comme une grande famille » et « en partant de points de vue différents », de trouver des solutions communes pour le bien de tous ». Dans la « confiance réciproque » et la « disponibilité au dialogue ».
Citant Fratelli tutti, le pape réaffirme que « le dialogue est le chemin le plus adéquat pour parvenir à reconnaître ce qui doit toujours être affirmé et respecté, au-delà du consensus de circonstance ». Il existe « des valeurs permanentes », « fondamentales », rappelle-t-il, qui « sont au-dessus de tout consensus » et qui donnent « solidité et stabilité à une éthique sociale ». Et le pape de nommer « le droit à la vie, de la conception jusqu’à la fin naturelle, et le droit à la liberté religieuse ».
Si le pape salue la « prise de conscience collective » croissante concernant « l’urgence de prendre soin de notre maison commune qui souffre d’une exploitation continue et aveugle des ressources » et les pas récemment faits « dans la bonne direction », lors de la COP26 à Glasgow, il partage ses préoccupations devant « l’ampleur du problème à traiter » : « la route à parcourir pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris est complexe et semble être encore longue, alors que le temps à disposition se réduit. Il reste encore beaucoup à faire », prévient-il.
Le pape François évoque, à titre d’exemple récent, les Philippines, frappées par un violent typhon, et « d’autres nations du Pacifique vulnérables aux effets négatifs du changement climatique qui mettent en péril la vie des habitants dont la plupart dépendent de l’agriculture, de la pêche et des ressources naturelles ».
La communauté internationale « dans son ensemble » doit donc « trouver des solutions communes » et « les mettre en pratique », exhorte le pape pour qui « personne ne peut s’exempter d’un tel effort parce que nous sommes tous concernés et engagés au même titre ».
« 2022 sera donc une autre année cruciale pour vérifier dans quelle mesure et comment ce qui a été décidé à Glasgow peut et doit être encore renforcé, dans la perspective de la COP27, prévue en Égypte en novembre prochain », avertit encore le pape.