Si l’institution du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE), en 1971, « a été un signe de l’attention de l’Église au monde en mutation », sa mission est aujourd’hui « renforcée » et sa présence « discrète mais efficace » encore plus « importante » : en effet, « plus Dieu semble disparaître de la vision de l’homme moderne et plus l’agitation existentielle, les peurs et les pressions qui divisent semblent s’accroître, plus l’Église est appelée à proclamer le Christ, notre espérance, et à témoigner de la voie de la communion et de la collaboration ».
C’est la conviction exprimée par le cardinal Angelo Bagnasco, archevêque émérite de Gênes et président du CCEE, ainsi que par Mgr Stanislaw Gadecki, archevêque de Poznan (Pologne), et le cardinal Nichols, archevêque de Westminster, vice-présidents du CCEE, dans un Message publié ce jeudi 25 mars 2021 à l’occasion du 50e anniversaire de l’institution de ce Conseil. Après un bref « bilan » des cinquante années de son histoire, la Présidence compare l’Europe à un « désert » qui « fleurit ».
Malgré la « déchristianisation » du continent, la pandémie, la « progression d’une culture individualiste » avec « des répercussions sur les peuples, les États et les continents », « le “désert spirituel“ qui semble définir le continent, contient en profondeur des semences naissantes » de ceux « qui cherchent le sens de l’existence et ressentent un désir de Dieu » : « c’est l’heure du réveil des consciences, un réveil qui est peut-être lent mais inéluctable », signe « que l’Esprit du Seigneur ressuscité souffle toujours sur la barque de l’Église ».
Voici notre traduction de ce message.
Chers frères dans l’épiscopat,
C’est avec joie que la Présidence du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE) s’adresse à vous pour le cinquantième anniversaire de son institution. En la fête de l’Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie, le 25 mars 1971, la Congrégation pour les évêques a approuvé les Normes pour les Orientations ad experimentum. Ces normes ont ensuite été affinées et rendues définitives par saint Jean-Paul II en 1995. Ce Corps est né sous le regard de la Mère du Christ et de l’Eglise, qui sera par la suite vénérée comme Reine de l’Europe.
Le vent du Concile Vatican II a continué de souffler sur la barque de l’Eglise conduite par le Successeur de Pierre, saint Paul VI, et le sens de la collégialité épiscopale, « cum et sub Petro », a donné un nouvel élan à la mission apostolique. Sur tout le continent européen, le besoin se faisait également sentir de renforcer les efforts d’évangélisation face aux grands défis que le changement culturel de 1968 avait déclenchés.
En favorisant la rencontre des Conférences épiscopales, la connaissance réciproque, l’échange d’expériences, une nouvelle annonce du Christ, la pastorale et son avenir, se sont présentés comme des étapes nécessaires face à de nouvelles façons de penser et d’agir. Dans cette perspective, le CCEE a été un signe de l’attention de l’Église au monde en mutation. La vision de l’ensemble du continent, d’ouest en est, était aussi une prophétie de ce qui se passerait en 1989 avec la réunification de l’Europe : une unification non pas extérieure, mais inhérente à sa culture et à sa spiritualité.
La composition du Conseil s’est élargie au fil des ans. Les présidents des 33 conférences épiscopales ont été rejoints par les évêques qui n’appartenaient pas à une conférence spécifique : les archevêques du Grand-Duché de Luxembourg, de la Principauté de Monaco, de Chypre maronite et les évêques de Chisinau en République de Moldavie, de l’Administration apostolique d’Estonie et de l’Éparchie de Mukachevo.
Le réseau s’est rapidement consolidé et est devenu une partie vivante des deux Synodes des évêques européens en 1991 et 1999. La vie et la vitalité du CCEE sont nourries par la prière et par des rendez-vous consolidés. Il n’est pas possible de faire un bilan complet de toutes ces années, mais nous ne pouvons passer sous silence dix symposiums, trois assemblées œcuméniques, cinq forums catholiques-orthodoxes, cinquante assemblées plénières (avec les Présidents des Conférences épiscopales depuis 1995), des rencontres avec les secrétaires généraux, les attachés de presse et les porte-parole, des réunions de commissions sur des thèmes émergents. Avec des documents et des communiqués opportuns, la proximité cordiale et attentive de l’Église avec notre cher continent européen a ainsi été exprimée. En cette occasion, il est juste et bon pour nous de remercier tous les Présidents, Vice-présidents, responsables des Commissions, Secrétaires généraux et tous ceux – prêtres et laïcs – qui ont généreusement servi le CCEE. Tout est écrit dans le livre de Dieu.
Aujourd’hui, notre organisation voit sa mission renforcée et sa présence discrète, mais efficace, devenir plus importante. Nous sommes confrontés à la déchristianisation persistante de l’Europe, à laquelle s’ajoute la pandémie pernicieuse qui affecte les personnes dans leur santé, dans la famille, dans l’économie, au travail, dans les relations sociales et même dans la vie religieuse. À cela s’ajoute la progression d’une culture individualiste qui conduit à un repli sur des micro-mondes, avec des répercussions sur les peuples, les États et les continents : il suffit de penser aux mouvements migratoires et à un certain scepticisme devant l’effort de marcher ensemble.
Plus Dieu semble disparaître de la vision de l’homme moderne et plus l’agitation existentielle, les peurs et les pressions qui divisent semblent s’accroître, plus l’Église est appelée à proclamer le Christ, notre espérance, et à témoigner de la voie de la communion et de la collaboration d’une manière qui n’annule pas nos différences, mais les respecte et les valorise dans une harmonie supérieure.
Aujourd’hui, il semble y avoir une certaine hésitation envers la raison, ce qui explique en partie la difficulté de la foi à trouver de l’attention dans les esprits et de l’espace dans les cœurs. En conséquence, l’identité de la personne humaine se perd, avec des répercussions éthiques et sociales importantes. Cela se manifeste également dans la crise démographique généralisée, dans une culture incertaine de la vie dans tout son cours, dans la perception de la liberté comme un absolu individualiste, et dans la nécessité d’une éducation intégrale et harmonieuse.
De manière particulière en ce moment, il est nécessaire de prêter attention au dialogue entre toutes les religions comme base pour la construction d’un monde fraternel, ainsi qu’à un engagement urgent envers la création dont nous sommes tous les gardiens. Ce sont des défis sur lesquels le pape François attire l’attention et propose des orientations opérationnelles. Proclamer la personne du Christ signifie ouvrir le cœur de l’humanité et son intelligence à l’ensemble de la réalité et redécouvrir le vrai visage de chaque personne, fondement ultime de sa dignité et de son droit. C’est annoncer son avenir et donc aussi le sens du présent.
Dans cette perspective, les rencontres et la collaboration avec d’autres confessions chrétiennes sont des dimensions précieuses et nécessaires que le CCEE a poursuivies et intensifiées au fil des ans au nom du Seigneur Jésus lui-même et avec le salut de l’humanité au centre de ses préoccupations. Les relations établies avec les autres religions ont également le même objectif et sont soutenues par une grande confiance.
Nous ne pouvons pas taire, à la louange de Dieu et pour notre encouragement, que même le désert fleurit. Le « désert spirituel » qui semble définir le continent, contient en profondeur des semences naissantes qui nous émeuvent ; elles insufflent confiance et enthousiasme dans l’annonce intégrale de l’Évangile. Sous la surface, en effet, vit une foule de personnes de tous âges qui cherchent le sens de l’existence et ressentent un désir de Dieu. L’urgence pandémique nous pousse également à redécouvrir le caractère éphémère de l’être humain, la fugacité du temps, et aiguise notre désir de cet « au-delà » qu’est Dieu, et que Jésus a révélé. Le désir de la Parole de Dieu, de la foi, de l’Eucharistie, de la prière, de la dévotion à la Sainte Vierge, de la communauté chrétienne, circule dans de nombreux cœurs qui, par des voies mystérieuses, se rencontrent, se relient et se soutiennent mutuellement pour le bien de tous. En ce sens, c’est l’heure du réveil des consciences, un réveil qui est peut-être lent mais inéluctable. C’est l’un des signes que l’Esprit du Seigneur ressuscité souffle toujours sur la barque de l’Église.
Dans cet horizon d’espérance, nous voudrions inviter tous les pasteurs à prier les uns pour les autres, et à faire prier les communautés chrétiennes avec une intention particulière un dimanche pendant la messe. Notre prière sera soutenue par les saints patrons de l’Europe : Catherine, Brigitte, Thérèse Bénédicte de la Croix, Benoît, Cyrille et Méthode.
Tout en renouvelant notre communion avec le Saint Père François, nous regardons Marie qui accueille l’annonce du Verbe fait chair, et nous posons un acte de foi unifié dans le Ressuscité. Il est à nos côtés comme sur le chemin d’Emmaüs : Il nous écoute, Il nous éclaire, Il nous invite à dîner avec Lui, Il nous restaure par sa présence. Nous faisons nôtre l’appel des disciples : « Reste avec nous, Seigneur, car le soir vient », et Il continue de nous dire : « Ne crains pas, je suis avec toi ».
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat