En créant, Dieu non seulement donne la vie, « mais il en prend soin également », affirme le cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson, préfet du Dicastère pour le Service du développement humain intégral, en présentant le Message pour la 54e Journée mondiale de la Paix lors d’une conférence de presse en direct streaming, ce jeudi 17 décembre 2020.
C’est ce soin de Dieu pour sa création qui « assure la dignité de la personne » créée à l’image de Dieu et à sa ressemblance, « l’appelant de son côté, à prendre soin de ses semblables » et de la terre. La Journée mondiale de la Paix est célébrée chaque année le 1er janvier. En 2021, elle a pour titre : « La culture du soin comme parcours de paix ».
Dieu devient « un exemple, un modèle de soin pour la personne humaine et pour la terre, surtout dans le sens où le soin divin préserve l’harmonie de la création », a poursuivi le cardinal ghanéen. Une harmonie dont les conditions sont la paix et la justice : « Le sommet de la compréhension biblique de la justice se manifeste dans la façon dont une communauté traite les plus faibles en son sein ».
Voici notre traduction de l’intervention en anglais du card. Peter Turkson.
HG
Intervention du card. Peter Kodwo Appiah Turkson
1) « Ces événements et d’autres, qui ont marqué le chemin de l’humanité au cours de l’année écoulée, nous enseignent l’importance de prendre soin les uns des autres et de la création, afin de construire une société fondée sur des relations de fraternité. C’est pourquoi j’ai choisi comme thème de ce message : La culture de l’entraide comme chemin vers la paix ». Ces événements sont la grande crise sanitaire de Covid-19, qui est devenue un phénomène multisectoriel et mondial, et les crises climatique, alimentaire, économique et migratoire, la mort et les formes de nationalisme, le racisme, la xénophobie et même les guerres et les conflits. Ces événements et ces expériences sont la raison immédiate du choix du thème de la culture du soin comme chemin vers la paix. Cependant, le thème vise également à « éradiquer la culture de l’indifférence, du rejet et de l’affrontement qui prévaut souvent aujourd’hui ». La promotion des soins est précisément la promotion intégrale de la personne, qui est la mission de notre Dicastère.
Dieu le modèle du soin :
2) C’est le pape Benoît XVI qui a dit cela : L’amour, en tant que lumière, est le premier acte créé par Dieu. Il signifie que si la création exprime la manifestation de Dieu en dehors de lui-même, la motivation de cette manifestation/action se trouve dans son amour. L’amour de Dieu qui nous est donné crée non seulement notre être (notre vie), mais il en prend soin également. Dans son amour, Dieu nous engendre/créé ; il nous donne la vie et la protège, il en prend soin.
Ainsi, la présentation de la culture du soin commence dès le premier livre de la Bible qui raconte la création de la vie, les premières menaces à son encontre et les interventions de Dieu pour la protéger et assurer sa continuité : un sens renforcé du précepte du Shabbat et du Jubilé (Lév 25, 4 ; Dt 15, 5). Ainsi, le soin divin assure la dignité de la personne et la réalisation du droit-don d’être/exister. Dans la même histoire, la personne humaine, créée à l’image de Dieu et à sa ressemblance, est appelée, de son côté, à prendre soin de ses semblables (Caïn et Abel) et de la terre (jardin à cultiver et à entretenir). Le soin divin devient un exemple, un modèle de soin pour la personne humaine et pour la terre, surtout dans le sens où le soin divin préserve l’harmonie de la création,
– parce que la paix et la violence ne peuvent pas habiter le même lieu.
– Le sommet de la compréhension biblique de la justice se manifeste dans la façon dont une communauté traite les plus faibles en son sein.
Le soin dans le ministère de Jésus et de l’Église naissante :
Dans ses gestes et ses miracles (œuvres), Jésus définit le soin comme :
– Tourner son regard vers l’autre, tendre la main à ceux qui sont dans le besoin : les gens (pauvres, nécessiteux, malades, emprisonnés), mais aussi la nature, l’environnement.
– Les situations de fragilité devant lesquelles il convient de s’arrêter et de se pencher pour aider (non pas sous une forme passagère, mais il s’agit de redevenir le protagoniste de sa situation Gal 6, 2 « porter les fardeaux les uns des autres »)
– Le soin comme les différentes diaconies avec lesquelles l’Église s’occupait de ses membres (paroikoi), en vivant et témoignant de la charité du Christ.
– Ces diaconies deviennent les différentes œuvres de miséricorde (spirituelle et corporelle).
– Voyez l’historien Karl Bihlmeyer : « L’esprit chrétien de charité et d’abnégation qui avait tant impressionné le monde païen n’avait certainement pas disparu. Les exigences de l’époque nécessitaient de nouveaux engagements au service de la charité chrétienne. Les chroniques historiques font état d’innombrables exemples d’œuvres de miséricorde concrètes. L’Église était une puissance sociale dans la culture en déclin de l’époque. Les évêques ont dû prendre la relève d’une administration corrompue et décrépie : reprendre les fonctions des responsables de l’assistance publique ; fournir de la nourriture, des vêtements et un abri aux personnes souffrantes et démunies. Aider les pauvres, les esclaves, les prisonniers et les voyageurs devint leur préoccupation. Une partie des revenus de l’Église était réservée à l’aide aux pauvres. Dans les grandes villes comme Constantinople et Antioche, le travail de l’Église auprès des pauvres était en grande partie très organisé. De ces efforts concertés sont nés de nombreux orphelinats, maisons d’enfants, refuges pour les voyageurs, etc., inconnus avant l’ère chrétienne des institutions pour le soulagement de tous les besoins humains : hôpitaux, logements pour les pauvres ».
La culture du soin et les principes de la doctrine sociale de l’Église :
– À l’heure de la culture du rejet, de l’inégalité, prendre soin, c’est savoir valoriser, c’est-à-dire reconnaître l’individu comme une PERSONNE, avec une dignité dont il faut prendre soin, avec un accès au bien commun, parce que les biens de la création sont destinés à tous ;
– C’est pourquoi le soin est la promotion de la dignité et des droits de la PERSONNE
– C’est le souci de toujours prendre soin du bien commun
– Le soin se fait par la solidarité (multilatéralisme), l’action en commun.
– Le soin ne peut pas négliger le « soin de la création/terre/environnement ».
– Ainsi, la culture du « soin » permet à l’humanité de se lever et de marcher vers une société plus juste et plus pacifique. Prendre soin signifie prendre soin des systèmes/structures qui donnent de la valeur.
La culture du soin est donc la boussole qui permet de suivre un chemin commun dans le processus de mondialisation : des principes pour l’humanisation des systèmes et des institutions sociales, politiques et économiques
– Culture du soin comme étant l’expression des relations entre les nations, caractérisées par la justice, le respect et la fraternité.
– Les gouvernements envers les peuples, les politiciens envers les civils : le soin comme étant l’âme de toutes les relations.
– Valeurs opposées : indifférence, désintéressement, observation depuis le balcon
3) Éduquer à prendre soin :
– Sens étymologique de la culture… Indo-germanique kuel (s’efforcer ; se sacrifier pour un objectif)
– L’éducation à la culture du soin trouve son origine dans la famille, en tant qu’agent privilégié. Vient ensuite le monde de l’école, de l’université, etc., la communication sociale et numérique (pour transmettre un système de valeurs qui a perdu en dignité et promouvoir les droits de l’homme et les droits fondamentaux).
– Les religions et les transmetteurs de valeurs (dignité, respect, solidarité)
4) Il n’y a pas de paix sans soin :
– Le soin est un processus de réconciliation, d’acceptation et de respect mutuels qui favorise la paix.
– La culture du soin est la motivation et l’inspiration pour rétablir la justice.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat