Elles ont été confectionnées à la main dans des foyers de toute la Slovénie, par toutes les générations, en dépit du confinement, avant d’être apportées à Rome où leur installation a rencontré les intempéries : l’histoire des décorations de Noël spéciales du Vatican, en cette année 2020.
Sur la Place Saint-Pierre, les jardiniers, techniciens et décorateurs du Vatican s’activent entre les averses. Parmi eux, une Slovène de Radovljica, Sabina Šegula. Bien qu’elle ne parle pas l’italien, l’enseignante en art floral fait partie de l’équipe de décoration des grandes fêtes, à Pâques et à Noël, depuis 2011. Chaque année, elle vient deux fois par an dans la Ville éternelle, qu’elle voit comme sa seconde demeure.
L’aventure a commencé avec son collègue Peter, un professeur de jardinage et d’horticulture : tous deux avaient alors obtenu de venir observer le travail des décorations pascales de la basilique vaticane. Mais leur statut d’observateurs ne dure pas longtemps : très vite, on leur demande – par mime – de s’essayer eux-mêmes à l’ornement de l’autel.
L’expérience est concluante : les Slovènes travaillent vite et bien. Ils reviennent l’année d’après, puis la suivante… Une collaboration durable, et non sans responsabilité, souligne Sabina : « Ils nous font confiance. Si quelque chose se passe mal, ce serait un incident international » qui impliquerait l’ambassade de Slovénie.
Crédit © Sabina Segula
Pour la première fois cette année, Sabina s’est vu confier la mission de décorer près d’une cinquantaine de sapins, dont ceux de la Salle Paul VI et de la Salle Clémentine, et le fameux arbre traditionnellement élevé Place Saint-Pierre. En effet, pour les 30 ans de son Indépendance, la Slovénie a offert au Vatican tous ses ornements de fête, des couronnes de l’Avent aux étoiles des cimes.
Deuxième sapin de Saint-Pierre en provenance de ces terres d’Europe centrale (après celui de 1996), l’épicéa est haut d’une trentaine de mètres. Et quarante-deux autres sapins de diverses tailles sont également arrivés pour garnir le petit Etat, dont Sabina a assuré une bonne partie des ornements.
Au pays, c’est un phénomène : plus de 400 personnes, de 3 à 94 ans, ont participé à des petits ateliers disséminés sur le territoire, en se soumettant aux règles strictes imposées pour le temps de pandémie. Grâce à des tutoriels vidéo enregistrés par Sabina, les volontaires ont fabriqué 2200 ornements de paille. Une façon aussi d’unir petits-enfants et arrière-grands-parents, en montrant que « personne n’est seul », explique la décoratrice.
Crédit © Sabina Segula
Dès début décembre, ces anges gardiens, étoiles des neiges en signe de purification, figurines à cinq boucles représentant les 5 continents, colombes du Saint-Esprit, ont envahi le Vatican. Vingt-cinq couronnes de l’Avent – dont une violette pour le pape François et une rouge pour Benoît XVI – aux bougies réalisées avec la cire spéciale de Slovénie, paradis des abeilles, ont également été apportées.
Crédit © Sabina Segula
Les ornements en bois qui se balancent aux branches du sapin de Saint-Pierre se déclinent quant à eux en 120 étoiles filantes d’un mètre de long, symboles d’espérance, et 1760 fleurs en forme d’hexagrammes (880 de 35 cm et 880 de 25 cm), signe multiséculaire de protection. « Tout a été câblé à la main, par mon frère, mon mari et moi-même », raconte Sabina Šegula en s’amusant des cartons qui s’entassaient chez elle, jusque dans les marches d’escalier. Avec le jeu de lumière, l’effet de relief et le mouvement, « je sais que ce sera magique », ajoute-t-elle après des mois de travail.
Le sapin de Noël et la crèche de la Place Saint-Pierre seront inaugurés le 11 décembre.
Crédit © Sabina Segula
Sabina, qui est depuis un an à la tête de sa propre école privée, a appris l’art floral notamment en Suisse, aux Pays-Bas, en Allemagne. « Mon travail et ma vie sont un défi », affirme cette passionnée qui n’hésite pas à se dédier jour et nuit à ses projets en s’appuyant sur son intuition : « Je ne copie jamais, je m’adapte aux personnalités, je fais toujours quelque chose de spécial. »
De confession catholique, la décoratrice dont la fleur préférée est l’héliconia, fait preuve d’un éternel optimisme : « Le plus important ce n’est pas ce en quoi tu crois, c’est la façon dont tu vis… Je ne porte pas de lunettes noires sur la vie. Le soleil arrive après la pluie, même le coronavirus passera, il faut juste prendre patience. »
En outre, l’aventure des décorations du sapin de Saint-Pierre ne s’arrête pas là : avec leur créatrice, elles iront l’an prochain à Strasbourg, où la Slovénie conclura ses six mois de présidence du Conseil de l’Union européenne en décembre 2021.