« Protéger la dignité de la fin de vie signifie exclure tant l’anticipation de la mort que son report par ce qu’on appelle l’“acharnement thérapeutique” »: c’est ce que rappelle un document du Saint-Siège d’une vingtaine de pages sur « le soin des personnes dans des phases critiques et terminales de la vie ».
Il présente un refus net de l’euthanasie et de la logique du « rejet » comme de l’acharnement thérapeutique. Il réfléchit à des questions délicates comme la vie pré-natale et des états de conscience réduite. Il réaffirme le droit à l’objection de conscience du personnel soignant.
Cette nouvelle « lettre » de la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur la fin de vie s’intitule « Le Bon Samaritain ». Elle a été publiée et présentée à la presse mardi 22 septembre 2020. Elle a été approuvée par le pape François le 25 juin dernier et il en a ordonné la publication. Le dicastère avait adopté le texte le 29 janvier.
« Samaritanus Bonus » est en date du 14 juillet, mémoire liturgique de S. Camille de Lellis (+1614), prêtre italien, saint patron du personnel soignant. Il disait : « La musique que je préfère, c’est celle que font les pauvres malades lorsque l’un demande qu’on lui refasse son lit, l’autre qu’on lui rafraîchisse la langue ou qu’on lui réchauffe les pieds. »
C’est bien l’esprit des soins palliatifs, quand il reste « beaucoup à faire ». Le document réaffirme de fait une « éthique du prendre soin », avec ce principe: « quand guérir est impossible, soigner l’est toujours ».
Après l’interdiction de l’euthanasie et du suicide assisté, il y a cette seconde réaffirmation du magistère de l’Eglise : « l’obligation morale d’exclure l’acharnement thérapeutique » (ch. 5 §2).
2. L’obligation morale d’exclure l’acharnement thérapeutique
Le Magistère de l’Église rappelle que, lorsqu’approche la fin de l’existence terrestre, la dignité de la personne humaine se précise comme le droit de mourir dans la plus grande sérénité possible et avec la dignité humaine et chrétienne qui lui est due.[53] Protéger la dignité de la fin de vie signifie exclure tant l’anticipation de la mort que son report par ce qu’on appelle l’“acharnement thérapeutique”.[54]La médecine actuelle a les moyens de retarder artificiellement la mort, sans que le patient en retire parfois un réel bénéfice. Dans l’imminence d’une mort inévitable, il est donc légitime, sur le plan de la science et de la conscience, de prendre la décision de renoncer à des traitements qui ne feraient qu’entraîner une prolongation précaire et pénible de la vie, sans toutefois interrompre les soins normaux dus au malade dans de tels cas.[55] Cela signifie qu’il n’est pas permis de suspendre des soins efficaces pour soutenir des fonctions physiologiques essentielles tant que l’organisme est capable d’en tirer profit (soutien à l’hydratation, à la nutrition, à la thermorégulation ; et aussi aides à la respiration et autres, adéquates et proportionnées, dans la mesure requise pour soutenir l’homéostasie corporelle et réduire la souffrance des organes et du système). La suspension de toute obstination déraisonnable dans l’administration des traitements ne doit pas être un abandon thérapeutique. Cette clarification est essentielle aujourd’hui à la lumière des nombreux cas juridiques qui ont conduit ces dernières années à l’abandon des soins – et à la mort précoce – de patients en condition critique, mais non terminale, à qui on a décidé de suspendre les soins de soutien vital, du fait qu’ils ne présentaient plus de perspectives d’amélioration de leur qualité de vie.
Dans le cas spécifique de l’acharnement thérapeutique, il convient de rappeler que le renoncement à des moyens extraordinaires et/ou disproportionnés « n’est pas équivalent au suicide ou à l’euthanasie; il traduit plutôt l’acceptation de la condition humaine devant la mort »[56] ou le choix réfléchi d’éviter la mise en place d’un dispositif médical disproportionné par rapport aux résultats que l’on peut espérer. La renonciation à de tels traitements, qui ne conduiraient qu’à une prolongation précaire et pénible de la vie, peut également signifier le respect de la volonté du mourant, exprimée dans ce qu’on appelle les déclarations anticipées de traitement, mais excluant tout acte d’euthanasie ou de suicide.[57]
La proportionnalité, en effet, fait référence à la totalité du bien du malade. Jamais le faux discernement moral du choix entre des valeurs (par exemple, la vie versus la qualité de la vie) ne peut être appliqué ; cela pourrait conduire à exclure de la réflexion la sauvegarde de l’intégrité personnelle et de la qualité de vie et le véritable objet moral de l’acte accompli.[58]Tout acte médical, en effet, doit toujours avoir comme objet et comme intention l’accompagnement de la vie et jamais la poursuite de la mort.[59]Le médecin, dans tous les cas, n’est jamais un simple exécutant de la volonté du patient ou de son représentant légal et conserve le droit et le devoir de se soustraire à des volontés s’opposant au bien moral tel que sa propre conscience le perçoit.[60]
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