Le cardinal Michael Czerny s.j. a ordonné deux prêtres jésuites et dix-huit diacres en vue du sacerdoce, de 12 nationalités différentes, dans l’église du Gesù (église du Saint-Nom-de-Jésus) à Rome (Italie), hier, samedi 27 juin 2020.
Il les a invités à « demandez à Dieu de nous aider à voir le monde comme Jésus le voit, spécialement en ces temps difficiles ».
« En cette période de pandémie, cette ordination est une occasion de célébrer pour la Compagnie de Jésus et l’Église tout entière : c’est un nouveau Dimanche de Pâques! En transmettant ce souffle de vie profond, généreux et transformateur, le Seigneur élève les ministres à un ordre nouveau : pour guérir et réconforter, pour libérer et réconcilier, pour relever et apporter de la joie. Et pour être des ministres de la réconciliation et de la libération, dans le monde d’aujourd’hui et de demain, où tout semble être en mutation rapide », indique un communiqué du cardinal canadien.
Les deux nouveaux prêtres jésuites sont Eric Kambale Kanyali, de République démocratique du Congo, et Vyacheslac Okun, de Pologne, indique la même source.
Les 18 nouveaux diacres ordonnés en vue du sacerdoce viennent de Madagascar (2), du Rwanda (2), de République démocratique du Congo (1), de Chine (1), de l’Inde (6), du Sri Lanka (1), d’Italie (1), d’Autriche (1), de Hongrie (1), de Slovaquie (1), et de République tchèque (1).
Le cardinal Czerny – lui-même né en Tchécoslovaquie – est, depuis 2017, sous-secrétaire de la Section des migrants et des réfugiés du dicastère pour le service du développement humain intégral.
AB
Homélie du card. Czerny
- Paroles de bienvenue et annonce
Bienvenue aux familles, aux amis et aux personnes qui participent par la télévision, sur tablette ou sur smartphone.
Aujourd’hui, votre fils ou petit-fils, votre neveu ou votre cousin, votre compagnon ou ami, va être ordonné diacre ou prêtre.
Et aujourd’hui, l’Évangile de Jean nous emmène directement au cœur de notre ordination et de ce que le Seigneur accomplit de si beau parmi nous.
Le soir de Pâques, les apôtres se sont enfermés dans le lieu où ils se trouvaient par peur de ce qui se passaient » au dehors « . De nos jours encore, notre Église se sent parfois craintive et se referme sur elle-même.
Tout à coup, Jésus devient visible, audible, tangible au milieu d’eux. « Shalom ! » est son premier mot, « La Paix soit avec vous ! ». Il leur montre ses blessures aux mains et son côté transpercé. Ces signes permanents de sa Passion proclament et prouvent l’amour tenace de Dieu. Jésus les envoie au dehors, dans ce monde même qui les effrayait tant.
Comment ? Par un geste formidable : il souffle sur eux. Tout comme au commencement : Dieu insuffla la vie en Adam. En soufflant sur ses disciples et en leur donnant son Esprit, Jésus les élève à un ordre nouveau. En fait, il les ordonne comme hérauts de l’Évangile « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8).
Aujourd’hui, pour la Compagnie de Jésus et pour l’Église d’où que vous soyez et participiez, c’est comme le Dimanche de Pâques. Comme vous le voyez, votre fils ou petit-fils, votre neveu ou votre cousin, votre compagnon ou ami va recevoir ce souffle de vie profond, généreux et transformateur : l’Esprit du Père et du Fils. « L’esprit du Seigneur est sur moi » (Is 61, 1) peut dire chacun, pour guérir et consoler, pour libérer et réconcilier, pour élever et apporter la joie. Et pour être un héraut de l’Évangile, un ministre de réconciliation et de libération, dans le monde d’aujourd’hui et de demain, où tout semble être toujours nouveau, toujours plus rapidement.
- Le renouveau n’a rien de nouveau !
Notre Église possède une longue histoire et, depuis ses origines, elle s’est adaptée à de nouvelles conditions, par exemple à travers ses Conciles. Vatican II a proclamé que l’Église doit consciencieusement étreindre le monde. Nous devons discerner et « scruter les signes des temps » (GS 4). Le discernement fait partie du style et de la formation jésuites instituées par saint Ignace de Loyola. Nous pouvons aider les autres dans l’Église à pratiquer le discernement, car ce n’est pas une propriété exclusive des jésuites, ni une prérogative de la personne ordonnée !
Pourquoi ? En raison du baptême. Selon Vatican II, chaque membre de l’Église jouit de la dignité d’avoir été baptisé et partage donc ainsi la mission et le ministère de l’Église. Le ministre ordonné ne doit pas restreindre ou monopoliser ce ministère, car l’Église dans son ensemble est » ministérielle » et tous ses membres partagent cette responsabilité. Cela élargit le rôle des laïcs — il y a beaucoup de travail à faire en ce sens, selon de nombreux chrétiens engagés. Aujourd’hui, les ministres sont ordonnés pour favoriser l’insertion active du peuple de Dieu dans la vie et dans les responsabilités de l’Église.
Vatican II conçoit le monde comme un lieu privilégié pour annoncer la Bonne Nouvelle. En faisant cela, elle restitue ses prêtres au monde, en les invitant à quitter leurs zones de confort appelées “ sacristies ” où, comme les disciples de l’Évangile du jour, ils se sont enfermés par peur de ce qui se passe “ au dehors ”. De nos jours, le monde, avec ses problèmes et ses combats, avec ses contradictions et ses valeurs, avec ses opportunités et ses obstacles, est essentiel pour le service de ceux qui vont être ordonnés aujourd’hui.
- Quelques points-clés pour la voie à suivre
Pour les terres inconnues qui se présentent à nous, il n’existe pas de carte. Comme ministres de l’Église, il faut avoir le courage du témoignage, choisir le chemin ascendant de la » nouveauté » et ne pas suivre le chemin descendant de la » sécurité « . Le mieux serait que vos amis, votre famille et vos compagnons puissent vous promettre d’être avec vous en esprit. Permettez-nous de constamment vous » en-courager » !
Ensuite, discerner ce que signifie l’appel du Christ aujourd’hui pour nous dans l’Église tout entière, et non pas pour quelques rares élus. Et ne pas essayer de dominer ou de vous approprier ce discernement ; au contraire, il vous faut accompagner les autres et vous mettre au service du discernement du corps de l’Église.
Ainsi vous participerez à la pratique synodale qui grandit progressivement dans l’Église : essayons de marcher ensemble avec toujours davantage d’enthousiasme ! Votre plus grande contribution dépendra de votre façon de regarder honnêtement et d’écouter sincèrement, sans penser que vous avez déjà la meilleure réponse ou toutes les réponses. Essayer d’attirer de nombreuses personnes et d’écouter de nombreuses voix. Mieux vaut commencer par un petit nombre, puis tisser les liens avec d’autres. Vous verrez que cela exige à la fois humilité et courage, de reconnaître que l’on ne peut pas tout faire tout seul.
Il y a quelque chose pour laquelle il faut prier. Demandez à Dieu de nous aider à voir le monde comme Jésus le voit, spécialement en ces temps difficiles. La pandémie du covid-19 nous fait toucher du doigt la complexité et les contradictions de nos systèmes économiques et sociaux, où le fossé entre l’aisance et la pauvreté ne cesse de se creuser dans des proportions gigantesques et où tant de gens se sentent abandonnés, laissés pour compte. Puissions-nous éclairer le monde par la vérité de l’Évangile et, comme Melchisédech, offrir des solutions géniales et efficaces, non pas face à l’urgence en elle-même, mais pour soulager les énormes souffrances du peuple de Dieu et de notre maison commune.
Le Pape François parle souvent de la joie : Evangelii gaudium (la joie de l’Évangile), Gaudete et exsultate (Réjouissez-vous et exultez). Puissiez-vous faire l’expérience d’une grâce, d’une consolation et d’une joie abondantes en accomplissant la tâche que vous acceptez aujourd’hui ; et « que la paix soit avec vous ! » (Jn 20, 19).
Card. Michael Czerny S.J.