« Soit tu appartiens à Dieu, soit tu appartiens à l’argent »: c’est le début de la réflexion du pape François dans son dialogue avec les colocataires de l’Association « Lazare » qui lui ont posé une question sur la « richesse » dans l’Eglise.
Une délégation de l’association d’origine française et aujourd’hui européenne, accompagnée de l’archevêque émérite de Lyon, le cardinal Philippe Barbarin, est venue lui rendre visite à la maison Sainte-Marthe, le 29 mai 2020. Durant cette rencontre le pape a dialogué avec les différentes « colocations » de Lazare dans le monde, en visioconférence.
« Les Colocataires de « Lazare » ont posé au pape François 10 questions. Voici la traduction, faite par « Lazare », de sa réponse à la 5e question, sur le témoignage.
C’est pourquoi le mot « témoin », « témoigner » est très important. Parce que l’Église ne grandit pas par le prosélytisme mais par le témoignage », a dit le pape François.
Les premiers échanges (questions 1-3) sont ici.
Le second volet, sur la dignité (question 4), est ici.
Le troisième, sur le pardon (question 5), ici.
Le quatrième sur le témoignage (question 6), ici.
AB
François de Valence – Pourquoi l’Église est-elle si riche alors qu’il y a tant de pauvres dans le monde ?
Pape François – A Valence, l’Église est riche ? C’est une belle question. La tentation que tous les chrétiens, la tentation – je dirais – fondamentale, c’est la richesse. Il y a une chose qui me fait penser ça : Jésus, dans l’Évangile, ne parle que de deux maîtres, qui dominent : Dieu et l’argent. Et Jésus dit : soit tu appartiens à Dieu, soit tu appartiens à l’argent. En règle générale, on peut dire que dans la mesure où une personne appartient à la richesse, à l’argent, elle s’éloigne de Dieu. C’est-à-dire qu’elle a son cœur attaché là. Et plus elle se rapproche de Dieu, plus elle s’appauvrit. Ça, dans un premier temps.
Votre question portait sur « l’Église ». L’ »Église » est un mot trop générique. On peut dire l’Église et penser aux grands temples. Que sais-je ? La cathédrale de Strasbourg, par exemple. C’est quelque chose de magnifique, de très riche. Mais c’est un monument où l’on célèbre le culte, ce n’est pas l’Église. Quand on parle de l’Église, on peut parler des fidèles. Et là, oui on peut parler des deux « Seigneurs » dont j’ai parlé avant. Il y a des fidèles qui ont le cœur plutôt attaché à la richesse, d’autres qui l’ont en Dieu. Il y a aussi des fidèles qui ont gagné beaucoup de richesses, qui ont hérité de beaucoup de richesses, mais ils n’ont pas le cœur attaché à la richesse. Ils gèrent la richesse selon l’Évangile, avec un cœur de croyant.
[à la traductrice]Tu veux de l’eau ?
Oui ! Merci beaucoup !
Un peu d’eau s’il vous plait.
[aux membres du Zoom]Il faut qu’elle boive un peu d’eau.
Il y aussi des Mexicains.
Il y a des Mexicains ?! Qu’ils chantent un chant de Mariachi ! ]
Donc, il y a les temples qui sont une richesse artistique, il y a des chrétiens qui peuvent être pauvres ou riches mais qui ont un cœur pauvre, et il y a un troisième niveau qui est celui des ecclésiastiques. Que nous soyons Pape, évêques, prêtres, religieuses, religieux, quand l’une de ces personnes est riche, c’est un scandale pour l’Église. Les personnes qui sont appelées à suivre Jésus de près doivent être des personnes qui sont loin de toute richesse. Avec un cœur pauvre. Si elles doivent administrer des richesses, que ce soit pour le service des autres, de l’Église, et non pour leur propre service. La grande vertu que je souhaite pour toute l’Église, à commencer par le Pape, les cardinaux, les évêques, les prêtres, les religieux et les religieuses, c’est la pauvreté.
Un saint basque, Saint Ignace de Loyola, a dit que la pauvreté pour les ecclésiastiques – ceux dont j’ai parlé avant – est la mère et la muraille de la vie. Pourquoi la pauvreté est une mère ? Parce qu’elle engendre la générosité, le don de soi aux autres, le fait de vivre pour les autres, la louange de Dieu, voilà pourquoi elle est une mère. Et c’est une muraille qui défend notre vie contre le seigneur du monde que sont les richesses. Et si quelqu’un voit un ecclésiastique qui est riche : d’abord qu’il prie pour lui, et ensuite, s’il en a la possibilité, qu’il lui parle. C’est ce que je peux vous dire à propos de cette question complexe, pourquoi l’Église est-elle riche ? Cette question m’a été posée une fois par un grand groupe d’ecclésiastiques. Je leur ai dit : « Dieu est bon, car si l’une de vos institutions est trop riche, il vous envoie un gestionnaire inutile qui la conduit à la faillite ».
(à suivre!)