« Les périphéries existentielles sont le centre du cœur de Dieu », a affirmé le pape François aux membres de l’association Lazare : « Jésus a voulu venir dans nos périphéries existentielles. Lui-même s’est fait périphérie existentielle. »
Une délégation de l’association d’origine française et aujourd’hui européenne, accompagnée de l’archevêque émérite de Lyon, le cardinal Philippe Barbarin, est venue lui rendre visite à la maison Sainte-Marthe, le 29 mai 2020. Durant cette rencontre le pape a dialogué avec les différentes « colocations » de Lazare dans le monde, en visio-conférence.
Après des témoignages, introduits par Loïc Luisetto, délégué général, le pape a répondu à 10 questions. Nous publions ci-dessous les témoignages et son introduction au dialogue ainsi que les questions 1, 2 et 3.
Témoignages
Loïc Luisetto – Très Saint Père,
Santísimo Papa,
Si cher Pape François,
Merci, merci du fond du cœur de recevoir aujourd’hui Lazare.
Lazare anime des colocations entre des personnes de la rue et des jeunes actifs. Nous n’avons pas d’autre d’ambition que de vivre ensemble, tout simplement.
Dans nos maisons, l’Abîme qui sépare les gens en fonction de leurs origines sociales est d’ores et déjà comblé par cette forme d’habitat partagé.
Au fond, par-delà les drames de l’actualité et de l’épidémie, la grande question qui est posée à notre génération, c’est de savoir qui acceptera de demeurer auprès de ceux qui souffrent.
Les colocataires de Lazare ne partagent pas seulement un peu de leur temps, mais ils partagent leur vie, leur appartement, leur cuisine, leur salle de bain.
Nous devions être 200 avec vous ce matin, toutes nos maisons. Et ils sont tous là. Grâce au voyage préparé par Béatrice, mon épouse que je salue tendrement. Nous devions être les familles engagées, les colocataires de France, de Belgique et d’Espagne, mais le Covid-19 en a décidé autrement !
Qu’à cela ne tienne, vous avez l’audace d’accepter de vivre ce que de si nombreuses personnes ont vécu pendant ce confinement, une vidéo-conférence !
Merci encore d’avoir su vous adapter très Saint Père, merci de votre proximité, quel cadeau pour nos 10 ans !
Je suis heureux de vous présenter Alain et Charlotte qui vont vous partager quelques mots.
Charlotte
« J’étais sans logement et sans emploi. Je suis arrivée à Lazare il y a 1 an et demi. Lazare représente pour moi une écoute, une sécurité, une force. A Lazare, j’ai trouvé non seulement des colocs, mais aussi une véritable famille. On se sent écouté et compris, sans jugement. Avec ces piliers, j’ai pu me reconstruire. Après 15 ans de traitement, je ne prends plus rien. J’ai retrouvé une activité professionnelle. Lazare c’est créer son avenir et le vivre »
Alain
« Lazare m’a recueilli après 5 années dehors. Grâce à Lazare, j’ai guéri de mes problèmes de poumons. Car, à force de dormir sous la tente, une gangue m’empêchait de respirer. Aujourd’hui je respire à nouveau ! J’ai découvert un appartement blanc, tout propre, dont j’aime nettoyer le sol. J’ai mieux découvert mes colocs pendant le confinement, leur esprit chrétien. Un de mes colocs a eu le Covid-19 mais nous sommes restés unis. Mes 5 colocs ont un gros caractère, mais j’aime rencontrer leur personnalité, et leur volonté d’aller de l’avant. »
Oui, soyez remercié très Saint Père, cher Pape François, d’être un Pape pauvre pour les pauvres, vous qui avez toujours partagé votre rêve d’une Église pauvre pour les pauvres, vous inspirez le style de nos maisons, car nous aimons la sobriété.
Pour notre dixième anniversaire vous avez accepté de répondre aux questions de 10 de nos colocs. A l’issue de cet échange, nous voulons aussi prier avec vous, une prière préparée par nos colocs, qui viendra conclure notre office des laudes que nous disons chaque matin.
Merci au cardinal Barbarin d’avoir le premier, accueilli une maison Lazare dans son diocèse, au cœur même de son archevêché. Merci à tous les évêques et aux communautés qui, à sa suite, nous font confiance. Merci enfin à tous ceux qui par leur temps, leur personne, leur don soutiennent l’action de Lazare.
Soyez assurés qu’avec vous, Très Saint Père, nous voulons sortir de nos canapés, rejoindre les périphéries existentielles des Lazare de notre temps, goûter la joie de l’Évangile, faire mentir la parabole de Lazare en construisant dès maintenant des ponts.
Enfin, avec François d’Assise et avec vous, nous voulons chanter :
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour ceux
qui pardonnent par amour pour toi ;
qui supportent épreuves et maladies :
heureux s’ils conservent la paix,
car par toi, le Très Haut, ils seront couronnés.
Dialogue (1)
Pape François – Tout d’abord, je tiens à vous saluer et à vous remercier pour cette visite très chaleureuse. La distance se réduit non seulement en regardant les visages, mais aussi en écoutant les histoires que vos colocataires, ici, ont racontées. Pierre (Durieux, directeur, ndlr) a parlé de « périphéries existentielles ». Et les périphéries existentielles sont le centre du cœur de Dieu. Jésus a voulu venir dans nos périphéries existentielles. Lui-même s’est fait périphérie existentielle. Je vous remercie pour cette rencontre, et nous pouvons commencer maintenant le dialogue.
1- Très Saint-Père, nous sommes nombreux, très nombreux avec vous sur cette visioconférence. Avec plus de 40 caméras, de France, de Belgique, d’Espagne, de Mexico et de Suisse. Nous avons quelques questions à vous poser. Roland, de Lille, va vous poser la première question.
Roland – Alors, bonjour, Très-Saint Père, comment allez-vous ?
(En français) Ça va bien, et vous ? (applaudissements). (En espagnol) Merci beaucoup, merci beaucoup.
2-Domitille et Timothée de Nantes – Très Saint Père, Bonjour et surtout un très grand merci de la part de tous les colocataires de Nantes. Notre nom d’association fait référence à la parabole du pauvre Lazare et de l’homme riche expliquée par Jésus. Que représente Lazare pour vous ?
Pape François – Dans la parabole où Jésus parle de Lazare, il est le seul à avoir un nom. Notre père Abraham a aussi un nom. Mais les autres ont des adjectifs, ils n’ont pas de nom : le riche, ceux qui allaient au banquet, ceux qui ne manquaient de rien… Tous ont des adjectifs. Le chien, on ne sait pas non plus comment il s’appelait. Donc, ce ne sont que des gens qui n’ont pas de nom. Le seul qui a un nom est Lazare. Pour moi, Lazare signifie l’offrande. L’offrande de l’humanité, de ce qu’elle a de meilleur, la conscience des limites. Et l’une des limites est le mépris, la pauvreté, le fait d’être mis de côté. C’est pourquoi Lazare pour moi signifie la capacité d’une personne à recevoir un nom. Je me demande : où est Lazare en moi, celui que je porte en moi, l’authentique ? C’est la recherche de son propre nom dans la limite. Et c’est curieux, généralement lorsque nous sommes dans la limite, à la périphérie – disons – nous sommes capables de trouver le vrai nom que nous avons. C’est ce que Lazare signifie pour moi.
3- Nous allons en Belgique, à Bruxelles, avec Angela qui va vous poser la troisième question.
Angela – Bonjour Saint-Père. Saint-Père, demain vous décidez de venir habiter dans une maison Lazare. Quel plat allez-vous préparer à vos collocs ?
Pape François – Ce serait bien de faire une « minestra di ceci », une soupe de pois chiches.
(à suivre!)