L’Église catholique au Bénin prêche un sursaut moral et citoyen

Élections 2026 au Bénin

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Au Chant d’Oiseau de Cotonou, la Conférence épiscopale du Bénin et l’Aumônerie nationale des cadres politiques appellent à des élections pacifiques et à une refondation du pacte civique.

À quelques mois des élections générales de 2026, l’Église catholique au Bénin remet la paix au centre des convictions et se dresse de nouveau en référence morale. Sous le parrainage de la Conférence épiscopale du Bénin (CEB), l’Aumônerie nationale des cadres et personnalités politiques a organisé une grande conférence-débat au Chant d’Oiseau de Cotonou sur le thème : « Quelle vision politique ? Quel citoyen ? Quel dirigeant et quelles pratiques sociales pour le Bénin de 2026 et au-delà ? ». Une belle initiative qui a réuni clercs, jeunes, intellectuels, acteurs de la société civile et dignitaires des religions endogènes, dans un climat de profond recueillement et de réflexions patriotiques lucides.

Une Église debout : un rempart moral face aux enjeux électoraux 

« Cette journée s’inscrit dans le cadre du suivi de la contribution de l’Église pour l’organisation d’élections inclusives, transparentes et pacifiques. Au-delà du scrutin, nous devons continuer à vivre dans la fraternité et la paix », a déclaré Mgr François Gnonhossou, évêque de Dassa-Zoumé et représentant officiel de la CEB à l’ouverture des travaux. Dans une allocution qui arrime gravité et fraternité, il a resitué cette rencontre dans la continuité du rôle historique de l’Église pour la consolidation de la démocratie du Bénin. En ouvrant le cycle de réflexions citoyennes, la voix de l’Église s’est faite à la fois ferme et apaisante. Loin de sermonner, elle éclaire. Le ton général, porté par plusieurs intervenants, a rappelé que la parole ecclésiale n’est pas qu’un simple discours spirituel : c’est une force morale au service du pays. L’Evêque de Dassa-Zoumé – centre du Bénin –, l’a clairement précisé : « L’Église ne vient pas faire de politique, mais elle ne peut pas se taire lorsque la société perd le sens du bien commun. » Et d’ajouter avec fermeté : « Notre responsabilité n’est pas de juger, mais d’aider à discerner ce qui construit l’homme. »

Pour un renouveau civique : le citoyen au cœur de la République 
Mgr François GONHOSSOU et le Père Nathanaël SOEDE Large © JUDICAËL DJIDJOHO HOUNGNIBO

Mgr François GONHOSSOU et le Père Nathanaël SOEDE Large © JUDICAËL DJIDJOHO HOUNGNIBO

Prenant la parole à sa suite, le Révérend Père Nathanaël Soédé, Aumônier national des cadres et personnalités politiques, a recentré le débat sur la responsabilité individuelle et la transformation intérieure. « Dieu n’a rejeté personne. Nous sommes tous fils et filles du Bénin », a-t-il déclaré d’emblée, avant de lancer un appel solennel au renouveau civique : « Nous parlons trop des dirigeants, mais si le citoyen n’est pas à la hauteur, le dirigeant ne saura pas ce qu’il doit être. Voyons d’abord la poutre qui est dans notre œil. » Pour l’Aumônier des CPP-Bénin, le changement social est tributaire de la reconstruction et de la réconciliation des consciences : « Si nous savons dire non à ce qui n’est pas bon, avec amour et respect, les choses changeront d’abord dans nos familles. […] Ce que nous faisons n’est contre personne. Nous voulons la paix pour tous. » Dans une double tonalité, pastorale et citoyenne, Mgr Gnonhossou a déploré certaines déviances de la vie publique : la perte du sens de l’humain, le matérialisme électoral et l’individualisme. « Ceux qui écrivent leur nom dans l’histoire, ce ne sont pas les riches, mais ceux qui donnent leur vie pour une cause nationale. […] Le développement, ce n’est pas de construire des monuments ou des stades. Le développement, c’est d’abord l’homme », a-t-il martelé. De plus, il a interpellé la conscience collective : « Tant que l’homme est là, on peut tout reconstruire. Mais nous votons pour l’argent. Voilà notre drame. » Et de conclure : « On ne peut pas faire la politique avec la ruse et la rage. La politique doit se faire par amour, par justice et par vérité. »

Replacer l’homme au centre : une éthique du développement pour tous
professeur Rock Mango et Le Père Raymond Goudjo, Directeur CARITAS BENIN © JUDICAËL DJIDJOHO HOUNGNIBO

professeur Rock Mango et Le Père Raymond Goudjo, Directeur CARITAS BENIN © JUDICAËL DJIDJOHO HOUNGNIBO

Le professeur Rock Mango, sociologue, a livré, pendant la conférence inaugurale, une analyse sans détour des dérives sociales, : « Nous avons confondu progrès matériel et développement humain. Le premier se mesure aux infrastructures, le second à la dignité des hommes. » Pour l’enseignant-chercheur à l’Université d’Abomey-Calavi, « Nos pratiques sociales quotidiennes nous donnent l’allure d’une société déshumanisée. […]. Nous avons fini par normaliser la déshumanisation », a-t-il regretté. Selon lui, la décadence morale découle directement des faiblesses des trois grandes institutions sociales : la famille, la religion et l’État. « Les États, par manque d’action, ont laissé s’installer des pratiques qui compromettent la cohésion nationale. Il faut rompre avec le modèle colonial d’État-appendice pour bâtir un projet social fondé sur la dignité, la justice et la solidarité. » Et à Maître Robert Dossou, ancien Président de la Cour Constitutionnelle du Bénin, de renchérir : « Nous n’avons pas d’Etat au Bénin. Nous avons juste une perception patrimoniale du pouvoir public, politique et la fonction publique. […]  On a que des organes ». Le Prof Rock a également condamné la banalisation de l’injustice et la normalisation de l’indifférence sociale : « On s’habitue à la corruption, à la tricherie, à la violence verbale… Et pourtant, un pays qui perd le sens de la honte perd aussi le sens du futur. » Pour sa part, Mgr Gnonhossou a rappelé que le développement véritable est celui qui « place l’homme au centre, car une route sans conscience n’est qu’un détour vers la ruine morale ».

Replacer l’homme au centre : une éthique du développement intégral 

Du côté des acteurs civiques, Gustave Assah, représentant des organisations de la société civile, a mis l’accent sur la nécessité d’un contrôle citoyen permanent : « Les pratiques sociales inclusives sont la clé d’une démocratie participative et d’un développement durable. […]   La société civile doit jouer pleinement son rôle de contre-pouvoir pour garantir la transparence et la redevabilité. ».

De la foi à la politique : la paix comme exigence intérieure

Au-delà du seul cadre religieux, l’appel à la paix a parcouru toutes les interventions. Le Père Soédé a résumé la philosophie de cette rencontre en une phrase : « La paix n’est pas un mot, c’est une discipline intérieure. » Un message conforté par le Père Raymond Goudjo : « Nous rêvons d’un Bénin pacifique, mais chacun entretient la guerre dans son langage, dans ses réseaux, dans son cœur. Si chacun change, le pays changera. » Ce lien entre foi et politique, entre conscience et citoyenneté, apparaît comme une exigence de cohérence pour un peuple qui aspire à une stabilité et à une justice durables.

L’Église, gardienne de la mémoire démocratique
Photo de famille de quelques responsables religieux et participants à la fin des traveaux © JUDICAËL DJIDJOHO HOUNGNIBO

Photo de famille de quelques responsables religieux et participants à la fin des traveaux © JUDICAËL DJIDJOHO HOUNGNIBO

Depuis la Conférence nationale de 1990, l’Église catholique béninoise est reconnue comme un repère de stabilité morale. Gustave Assah, figure de la société civile, a loué ce rôle avec conviction : « Lorsque la parole politique vacille, la parole spirituelle redonne le cap. L’Église reste ce miroir où la nation se regarde pour ne pas se perdre. » Le Père Goudjo, quant à lui, a remis sous éclairage la mission d’édification citoyenne de l’institution religieuse : « Chacun de nous est acteur, à son niveau. L’Église ne parle pas à la place du peuple, elle parle avec lui. » Cette fidélité au rôle de conscience sociale permet à l’Église de conserver, parmi les autres institutions, une crédibilité incontestée et pérenne.

2026 en ligne de mire : pour une nation unie et responsable 

À l’approche des élections générales, les voix mobilisées au Chant d’Oiseau s’accordent sur un point essentiel : le Bénin ne peut préserver son modèle démocratique qu’en renouant avec la culture du respect, de la vérité et de la responsabilité partagée. « Si chacun de nous commence par changer dans sa propre famille, le dirigeant changera à son tour », disait le Père Soédé. « La politique doit se faire par amour », ajoutait Mgr Gnonhossou. Deux appels, un même écho : celui d’une foi active, au service d’une démocratie apaisée et d’un Bénin rassemblé. Dans un contexte de tensions et d’espérances, l’Église Catholique au Bénin invite le pays à se réconcilier avec lui-même dans la vérité, la justice et la paix pour un horizon électoral porteur d’attentes positives.

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Judicaël DJIDJOHO HOUNGNIBO

Diplômé en journalisme Reporter d'Images, je mets en lumière le monde à travers mon objectif. Passionné de rédaction et de communication, je capture l'instant avec une perspective unique pour partager des histoires captivantes. Mon engagement envers le journalisme visuel me guide dans la recherche constante de vérité et d'émotion à travers mes reportages.

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