À la suite de notre publication d’hier concernant l’ordination épiscopale de Mgr Soviguidi, ZENIT vous livre le témoignage de Judicaël Djidjoho Houngnibo, témoin privilégié de cet événement.
Il est des jours où une nation semble son retenir souffle. Ce samedi 15 novembre, à la Paroisse Sacré-Cœur d’Akpakpa, Cotonou, la lumière du matin avait quelque chose de solennel, presque cérémonial. Avant même l’arrivée des délégations, on sentait que Cotonou s’apprêtait à vivre un événement qui dépasserait le cadre d’une simple ordination. Car, c’est un fils du pays, un serviteur de l’Église universelle devenu diplomate du Saint-Siège, qui revenait au bercail pour être envoyé de nouveau désormais nonce apostolique vers deux nations en quête de paix : le Burkina Faso et le Niger. Cette ordination épiscopale de Mgr Éric Soviguidi, la première célébrée au Bénin a été présidée par Son Éminence Pietro Cardinal Parolin, Secrétaire d’État de Sa Sainteté, entouré de deux co-consécrateurs, devant quinzaine d’évêques venus du Bénin, du Burkina Faso, du Niger, du Togo et d’Italie, d’environ 500 prêtres, religieux, religieuses, ainsi qu’une foule de fidèles remplissant la nouvelle grande église du Sacré-Cœur au point d’en faire une mosaïque vivante de foi et d’appartenance.
L’Église béninoise exalte Dieu dans la louange et l’allégresse
« Pour l’Église, famille de Dieu au Bénin, c’est un moment de louange et d’allégresse », a lancé Son Éminence Pietro Cardinal Parolin, donnant d’emblée à la célébration la dimension d’une action de grâce nationale. « La nomination de notre frère Monseigneur Éric Soviguidi est un motif légitime de fierté et d’action de grâce. Elle est aussi, et surtout, un appel précisant à toute notre Église au Bénin : celui d’être toujours davantage une Église missionnaire, annonçant Jésus-Christ à temps et à contretemps, toujours et partout » : déclare Mgr Roger HOUNGBEDJI, archevêque de Cotonou et président de la Conférence épiscopale du Bénin (CEB). Dans son mot d’accueil, le Président de la CEB, a prolongé cette perspective en soulignant que la présence du Secrétaire d’État rend tangible « la sollicitude paternelle du successeur de Pierre », avant de renouveler avec force l’« expression filiale de communion, d’obéissance et de fidélité au Saint-Père ». Ses paroles ont résonné comme une reconnaissance : celle d’une Église béninoise enracinée, consciente du poids symbolique et pastoral de cet envoi.
Fraternité, solidarité et mission pour répondre à l’appel de l’entraide
Au cœur de la célébration, l’homélie du cardinal Parolin. Elle s’est ouverte sur cette sagesse africaine que le cardinal convoque comme un pont entre foi et culture : « Ton frère n’est pas seulement celui qui est né de ta mère, mais celui qui t’aide lorsque tu es dans le besoin. » Un proverbe simple, mais qui dit tout : la fraternité n’est pas une option, elle est le socle de la mission. Par cette citation, le Secrétaire d’État du Vatican a embrassé, dans un même mouvement, les délégations du Burkina Faso et du Niger présentes pour honorer celui qui représentera désormais le Pape auprès de leurs peuples. C’est un message clair : être Église-famille, c’est être solidaire, surtout dans les temps d’épreuve. Avec la précision d’un fin connaisseur du continent, il a rappelé que « l’Afrique n’est plus seulement une terre de mission, mais une terre qui donne ses fils à l’Église universelle ». Une phrase qui, prononcée dans le recueillement, a eu la force d’un diagnostic et d’une promesse.
Foi, espérance et paix : le cœur de la mission confiée
Adoptant un ton plus intime, il a poursuivi :
« Cher Mgr Éric… » Ainsi, tel un père spirituel, le chef de la diplomatie du Saint-Siège lui a confié la beauté et les défis de sa mission, soulignés que les communautés chrétiennes du Burkina Faso et du Niger sont « joyeuses, riches de foi, rayonnantes d’énergie », mais traversées par les blessures de la violence et de l’instabilité. Le message est limpide : être nonce, c’est porter la voix du Pape, mais aussi porter les blessures du peuple. Pour lui tracer une route, il a cité un autre proverbe africain : « Si ton voisin a faim, ton sommeil ne sera pas paisible. » Une formule qu’il a présentée comme une exigence morale, un principe pastoral, un programme diplomatique. Le Secrétaire d’État a détaillé la mission du nonce : favoriser la concorde, dialoguer avec les autorités civiles et religieuses, porter les préoccupations des Églises locales au Saint-Siège, et comprendre la miséricorde d’un Dieu proche. Une nécessité chère au Pape Léon XIV qui, depuis les premiers jours de son pontificat, n’a a arrêté d’inviter chacun à s’engager pour l’édification d’une paix durable : « Personne ne devrait jamais menacer l’existence d’autrui ; il est du devoir de tous les pays de soutenir la cause de la paix, en empruntant des voies de réconciliation et en favorisant des solutions qui assurent la sécurité et la dignité pour tous. » La diplomatie du Saint-Siège n’est donc pas une stratégie politique ; elle est un chemin évangélique, un service de la paix.
La joie, moteur intérieur de la mission
Pour le cardinal Parolin, la mission diplomatique ne peut se vivre sans une disposition intérieure fondamentale. Surtout, ce don que rien ni personne ne peut voler au chrétien : la joie. « Vous devrez demeurer dans la joie : non pas une joie superficielle, mais la joie profonde du chrétien ressuscité » : conseille le représentant du Pape. Une joie nourrie par la prière constante, la gratitude et la docilité à l’Esprit. « Vivez immergé dans la prière… Laissez-vous guider par son souffle doux et fort », a-t-il insisté.
L’humilité de Dieu comme fil rouge
Au terme de la célébration, dans une ton à la fois humble, vibrante et contemplative, Mgr Éric Soviguidi laissa jaillir un témoignage saisissant, construit autour d’un leitmotiv théologique : l’humilité de Dieu. « Dieu est grand, Dieu est tout-puissant, mais sa grandeur se manifeste dans l’amour, la patience et l’abaissement. Il appelle des serviteurs sans mérite particulier pour les placer au service de son œuvre. [..] Oui, Il est fidèle Celui qui nous a appelés. » Rendant hommage au Pape François et à ses antérieurs qui ont accompagné sa maturation diplomatique, il conclut sa profession spirituelle en définissant le cœur de son futur ministère : « Notre mission ne se mène ni par la pression ni par la force, mais par la persuasion douce, la soft power. C’est ainsi que je m’efforcerai d’accomplir ma mission, humblement et discrètement. » Il n’a pas manqué de solliciter la prière de chacun. « Confiez-moi sans cesser au Seigneur, car je le sais : Il est fidèle Celui qui nous a appelés, et Il n’abandonne jamais ceux qui se confient à Lui. » exhorte le nouveau nonce bien confiant.
Les voix du peuple : gratitude, fierté, espérance
Dans la foule, les réactions traduisent une émotion collective, symbole d’un peuple qui se reconnaît dans ce sacerdoce. « C’est plus qu’un honneur pour notre Église ; c’est une preuve que quand Dieu visite un peuple, il le fait jusqu’à l’élever auprès des nations. » confie Clarisse, catéchiste à la paroisse St Martin de Cotonou. Emmanuel Kouton, jeune étudiant en théologie, voit en cette ordination un appel : « ceci montre que le service de Dieu n’a pas de frontières. Nous devons nous former, servir et nous tenir prêts à être envoyés. » Et à Janvier Kouassi, séminariste d’ajouter : « Quand le Cardinal a dit que l’Afrique donne désormais ses fils à l’Église universelle, j’ai senti que c’était un appel pour nous, la jeunesse. On doit porter quelque chose. » Quant à Paul, venu du Niger, son regard brillait de gratitude : « Nous traversons des moments difficiles chez nous. Savoir que quelqu’un comme Mgr Soviguidi arrive, humble et formé à Rome, c’est comme une lumière qui se lève . » « Que Dieu l’envoie vers nous comme un apôtre de paix. Nous avons besoin d’un pasteur qui porte nos douleurs, nos espoirs, nos combats » : renchérie Nestor N’ka du Burkina.
Un tournant pour l’Église du Bénin et du Sahel
Au-delà de l’événement liturgique, ce 15 novembre marque une étape majeure dans la maturation ecclésiale de l’Afrique de l’Ouest.
Le cardinal Parolin l’a affirmé avec force : les Églises du Bénin, du Burkina Faso et du Niger partagent « le même combat de foi » et sont appelées à bâtir une Église « vraiment solidaire et fraternelle ». Les Conférences Épiscopales du Burkina Faso et du Niger ont également exprimé leur joie, espérant que ce nouveau nonce devienne un artisan de paix dans l’épreuve que traverse leurs peuples.













