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Syrie : Entre espoirs de transition et crises multiples

Les chrétiens voient avec inquiétude les massacres de minorités se multiplier

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Première publication le 12 novembre 2025 par l’AED

La Syrie connaît une phase de transition politique depuis la chute du régime d’Assad le 8 décembre 2024. Les chrétiens voient avec inquiétude les massacres de minorités se multiplier.

Tigrane Yégavian, chercheur à l’Institut Chrétiens d’Orient. ©

Tigrane Yégavian, chercheur à l’Institut Chrétiens d’Orient. ©

Le nouveau président Ahmed al-Sharaa, ancien dirigeant d’Hay’at Tahrir al-Sham, a mis en place une Constitution intérimaire le 13 mars 2025, pour une durée de cinq ans, fondée sur la loi islamique comme source principale de législation, tout en promettant de préserver les droits de tous les groupes religieux et ethniques. Plusieurs ministres issus de minorités ont été nommés : un chrétien, une druze, un kurde et un alaouite, marquant une volonté d’inclusion institutionnelle. Par ailleurs, un accord a été signé le 10 mars 2025 avec les Forces démocratiques syriennes (FDS) à dominante kurde, afin d’intégrer progressivement leurs structures au sein de l’État syrien, une étape déterminante vers la réconciliation nationale.

Malgré ces avancées, la Syrie reste fragmentée. Dans le nord-est, les tensions entre l’armée centrale et les FDS se traduisent par des préparatifs de grande envergure pour reconquérir Raqqa et Deir ez-Zor, potentiellement dès octobre 2025. Des milliers de soldats auraient été déployés autour de Palmyre, avec l’appui de tribus arabes locales. Dans les régions côtières et occidentales, des insurrections de nostalgiques du régime d’Assad éclatent, avec des pics de violence entre décembre 2024 et mars 2025 : exécutions extrajudiciaires, affrontements violents et massacres, y compris de civils alaouites.

Minorités et violences sectaires

Depuis la chute du régime d’Assad, les communautés religieuses minoritaires sont fortement ciblées. Une récente enquête de l’ONU révèle des violences systématiques contre la communauté alaouite, notamment des meurtres, tortures et enlèvements – sans preuve d’une orchestration par le gouvernement actuel, mais bien un échec grave de l’État à les protéger efficacement. La communauté druze, concentrée dans le sud (province de Souwayda), continue à subir des violences. Les affrontements entre druzes et tribus sunnites en juillet 2025 ont fait plusieurs centaines de morts et provoqué des déplacements forcés.

Sous ce nouveau gouvernement d’inspiration islamiste mené par Ahmed al‑Sharaa, les chrétiens espéraient une certaine reconnaissance. Pourtant, plusieurs églises ont été vandalisées ou incendiées, notamment celle de Mar Mikhael dans la province de Soueïda en juillet 2025. Le point culminant de cette tension a été l’attentat suicide du 22 juin 2025 contre l’église grecque orthodoxe Mar Elias à Dweilaa (à Damas), qui a fait au moins 25 morts et une soixantaine de blessés. Cet acte, le plus meurtrier contre des chrétiens depuis la chute d’Assad, a profondément ébranlé la confiance de la communauté dans le nouveau régime. Lors des funérailles, le patriarche grec orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient Jean X a publiquement reproché au président Sharaa son insuffisance sécuritaire et son absence de solidarité concrète. Il a insisté sur le fait que « le gouvernement porte la pleine responsabilité » de la protection des chrétiens, une mission jusque-là jugée défaillante.

Une transition en suspens

La Constitution intérimaire de 2025, qui établit la loi islamique comme source principale de législation, a été fortement critiquée par les minorités — en particulier kurde et druze — pour son absence de reconnaissance explicite de leur diversité.

Tout aussi inquiétant est le maintien de 50 000 membres de l’État islamique et leurs familles détenus dans 27 camps du nord-est syrien. Ces établissements sont régulièrement la cible de tentatives d’évasion, certaines réussies, posant une réelle menace à la stabilité future du pays

Désormais soumise à la Turquie,la Syrie est actuellement dans une phase charnière. La transition politique est amorcée, avec une Constitution intérimaire, une tentative d’unification institutionnelle et un partenariat kurde en gestation. Mais la paix reste fragile : conflits internes, violences sectaires, crise alimentaire extrême, enclaves djihadistes toujours actives et interventions géopolitiques multiples grèvent les chances d’une transition aboutie, tant l’insécurité demeure prégnante.

Tigrane Yégavian, chercheur à l’Institut Chrétiens d’Orient. Auteur de « Minorités d’Orient, les oubliés de l’histoire », Le Rocher, 2019.

Cet article a été tiré de notre magazine L’Eglise dans le Monde. Abonnez-vous pour découvrir les visages de l’Église et entendre le message des « sans voix » : 5 numéros, 30 € par an, 36 pages et un carnet de prière : https://aed-france.org/notre-mag/

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L’AED est une fondation pontificale, fondée en 1947 dans un esprit de réconciliation. Elle soutient les chrétiens partout dans le monde, là où ils sont confrontés aux persécutions et difficultés matérielles. https://aed-france.org

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