Dimanche 9 novembre 2025
Rite romain
Dédicace de la basilique du Latran
Ézéchiel 47, 1-2.8-9.12 ; Psaume 45 ; 1 Corinthiens 3, 9-11.16-17 ; Jean 2, 13-22
Rite ambrosien
Dernier dimanche de l’année liturgique – Fêtes solennelles
2 Samuel 7, 1-6.8-9.12-14a.16-17 ; Psaume 44 ; Colossiens 1, 9b-14 ; Jean 18, 33c-37
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L’Église est notre maison
Aujourd’hui il aurait fallu célébrer le 32e dimanche du temps ordinaire. Mais, puisque ce dimanche tombe cette année (2014) le 9 novembre, la liturgie nous invite à solenniser la dédicace de la basilique du Latran, église mère de Rome, initialement consacrée au Très Saint Sauveur, puis également à saint Jean-Baptiste et à saint Jean l’Évangéliste.
Les lectures de la messe d’aujourd’hui nous invitent à rechercher une relation d’amour véritable et profonde avec le Seigneur, que l’on rencontre dans les églises-édifices de pierre, consacrées à sa rencontre, et plus particulièrement en Christ, « Temple du Dieu vivant », et dans l’église bâtie par les hommes. Cependant, avant de méditer brièvement sur ces textes, il me semble utile de poser cette question : « Pourquoi est-il important pour les chrétiens de célébrer la dédicace d’une église et l’existence même de l’église, comprise comme lieu de culte ? » Pour y répondre, je m’inspire de ces paroles de l’Évangile : « C’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père » (Jn 4, 23).
Ces paroles soulèvent toutefois d’autres questions : « Pourquoi, alors, nous, les chrétiens, accordons tant d’importance à l’église de pierre, si chacun de nous peut adorer le Père en esprit et en vérité dans son propre cœur, ou chez soi ? Pourquoi cette obligation d’aller à l’église chaque dimanche ?»
La réponse c’est que Jésus-Christ ne nous sauve pas séparément les uns des autres. Il est venu former un peuple, une communauté de personnes qui sont en communion avec Lui et entre elles.
En effet, il faut se souvenir que l’homme religieux a toujours cherché par tous les moyens à rendre la divinité présente et visible, même lorsque la foi affirmait qu’Il était un Dieu invisible, inaccessible aux facultés humaines. Par volonté divine, le peuple élu a construit le célèbre temple de Jérusalem pour offrir à Dieu une demeure, jouir de Sa présence et témoigner de la fidélité mutuelle à l’alliance. Dans le chrétienté, l’église-édifice, en tant que nouveau temple de Dieu parmi nous, a acquis une signification plus profonde : c’est le lieu où les fidèles célèbrent, en communion de foi, les mystères divins. C’est le lieu où Dieu lui-même se rend présent parmi nous pour tisser un dialogue éternel avec nous, ses enfants et où, sous les espèces eucharistiques, Il nous nourrit avec son corps et avec son sang. C’est le lieu où les mystères divins se dévoilent dans les célébrations liturgiques et où l’église, en tant qu’édifice, rend visible la véritable Église, comprise comme communion des fidèles qui, dans le Christ, vivent la fraternité. Donc c’est aussi le lieu de la célébration, qui trouve sa plus haute expression dans la célébration eucharistique, mémorial de la mort et de la résurrection du Seigneur.
Dès nos premières leçons de catéchisme, nous avons appris qu’avec le baptême chacun de nous est devenu temple de Dieu et que Jésus a enseigné que le temple de Dieu est, avant tout, le cœur de celui qui a accueilli sa Parole. Parlant de lui-même et de son Père céleste, il a dit de chaque croyant : « Nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure chez lui » (Jn 14, 23), et saint Paul a écrit aux Corinthiens : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu ? » (1 Cor 3, 16). Si donc le temple de Dieu est le croyant, il ne faut pas oublier que le lieu de la présence de Dieu et du Christ est aussi celui « où deux ou trois sont réunis en son nom » (Mt 18, 20). Depuis le concile Vatican II, la famille chrétienne est appelée « l’Église domestique » (Lumen Gentium, 11), c’est-à-dire le temple divin de la famille, précisément parce que, grâce au sacrement du mariage, elle est, par excellence, le lieu où « deux ou plus » sont réunis en son nom et où Il est présent.
2) L’Église, lieu d’une présence
Désormais, le nouveau « lieu » où adorer le Père est le corps du Christ ressuscité. Jésus lui-même l’avait déjà évoqué lors de sa discussion avec les Juifs, profondément offensés parc qu’Il avait expulsé du Temple des marchands d’animaux et des changeurs de monnaie. Comme nous le lisons dans l’Évangile d’aujourd’hui, les Juifs demandèrent un signe pour expliquer un acte aussi violent du Messie. Jésus leur répondit par un signe prophétique : « Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai ». Mais il parlait du temple de son corps, comme ses disciples s’en souvinrent après sa résurrection. Cette même idée se retrouve dans sa conversation avec la Samaritaine. Lorsqu’on lui demande où Dieu doit être adoré : sur le mont Garizim ou à Jérusalem, Jésus, sachant pourtant que le salut viendra des Juifs, se place au-dessus de ces questions. Le lieu où l’homme peut entrer en contact avec Dieu n’est ni le mont Sion à Jérusalem, en Judée, ni le mont Garizim en Samarie, mais la personne de Jésus, qui a offert son Corps sur la Croix et dont, depuis lors, tout autel est devenu une montagne sacrificielle. « L’heure vient, et elle est déjà là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité » (cf. l’Évangile d’aujourd’hui). Dieu est Esprit et Vie, comme il est Amour et Lumière. Ses adorateurs ne se prosternent pas avec des sacrifices de sang et d’animaux brûlés (holocaustes), mais s’élèvent vers lui dans Esprit, comme des enfants bien-aimés qui savent aimer.
3) La fête du Christ et la nôtre
Aujourd’hui, nous célébrons le Fils de Dieu qui s’est fait homme, qui a dressé sa tente – son corps – parmi nous. Les églises de pierre témoignent de cette présence : c’est lui qui nous parle, qui se donne en nourriture, qui préside à la communauté réunie en prière. Pendant la fête de la dédicace de la basilique Saint-Jean-de-Latran, chaque communauté locale, en plus d’exprimer sa communion avec le Siège de Pierre, commémore et célèbre la dédicace de sa propre église, qu’elle soit petite ou grande. Jésus enseigne que le temple de Dieu est, avant tout, le cœur de celui qui accueille sa Parole. Et chaque fois que cette Parole est accueillie, Jésus dit : « Nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure chez lui ».
Ainsi, la célébration d’aujourd’hui n’a rien d’étrange, même si elle semble honorer d’anciens et importants « murs », ceux de la basilique Saint-Jean-de-Latran, tandis que les lectures de la messe nous invitent à porter notre attention sur leur signification symbolique. Assurément, cette fête nous rappelle la valeur symbolique de cette cathédrale particulière, qui nous ramène au Siège de Pierre et à ses successeurs, les papes, comme point de référence et garants de l’unité de la foi. Cependant, aujourd’hui, nous célébrons avant tout l’Église comme édifice spirituel, dont, comme nous le rappelle saint Paul dans la deuxième lecture, nous sommes les pierres vivantes, bâties sur le fondement qu’est le Christ. « Si nous sommes nous-mêmes la maison de Dieu, nous sommes édifiés en cette vie pour être consacrés à la fin des temps. L’édification, ou plutôt la construction, exige des efforts ; la consécration est source de joie. Ce qui s’est produit lors de la construction de l’Église se produit maintenant que les croyants sont rassemblés dans le Christ. De même que l’Église est née du bois des forêts et de la pierre des montagnes, de même, par le baptême et la catéchèse, les pierres vivantes ont été taillées, équarries et polies, presque comme par les mains de maçons et d’artisans » (Saint Augustin, Sermon 336, In dedicatione Ecclesiae).
Les Vierges consacrées du monde entier vivent cette consécration avec une intensité particulière, s’offrant corps et âme tout entières au Christ, à l’exemple de la Vierge Marie, Mère de l’Église. Notre-Dame fut la première tente du Verbe de Dieu, celle qui, la première et la seule, donna le corps au Christ. Je propose donc de prier Marie, la très sainte Mère du Christ, de nous permettre de garder fidèlement dans nos cœurs Celui qu’elle a aussi gardé au plus profond de son cœur. Notre prière à Notre-Dame et l’exemple des Vierges consacrées nous aideront à nous abandonner à l’Esprit, car c’est seulement dans l’abandon à l’Esprit Saint que s’accomplit le mystère de ce prolongement de l’Incarnation qu’est la vie chrétienne, ce prolongement de l’Incarnation divine qui est le mystère même de l’Église et de la sainteté de chacun de nous.
Lecture Patristique
Saint Augustin d’Hippone (354-430)
Pour la dédicace d’une Église
(Sermon 336, 1, 6)
La solennité qui nous réunit est la dédicace d’une maison de prière. La maison de nos prières, nous y sommes ; la maison de Dieu, c’est nous-mêmes. Si la maison de Dieu, c’est nous-mêmes, nous sommes construits en ce monde, pour être consacrés à la fin du monde. L’édifice, ou plutôt sa construction, se fait dans la peine ; la dédicace se fait dans la joie.
Ce qui se passait, quand s’élevait cet édifice, c’est ce qui se passe maintenant quand se réunissent ceux qui croient au Christ. Lorsque l’on croit, c’est comme lorsque l’on coupe du bois dans la forêt et que l’on taille des pierres dans la montagne ; lorsque les croyants sont catéchisés, baptisés, formés, c’est comme s’ils étaient sciés, ajustés, rabotés par le travail des charpentiers et des bâtisseurs.
Cependant, on ne fait la maison de Dieu que lorsque la charité vient tout assembler. Si ce bois et cette pierre n’étaient pas réunis selon un certain plan, s’ils ne s’entrelaçaient pas de façon pacifique, s’ils ne s’aimaient pas, en quelque sorte, par cet assemblage, personne ne pourrait entrer ici. Enfin, quand tu vois dans un édifice les pierres et le bois bien assemblés, tu entres sans crainte, tu ne redoutes pas qu’il s’écroule.
Le Christ Seigneur, parce qu’il voulait entrer et habiter en nous, disait, comme pour former son édifice : Je vous donne un commandement nouveau, c’est que vous vous aimiez les uns les autres. C’est un commandement, dit-il, que je vous donne. Vous étiez vieux, vous n’étiez pas une maison pour moi, vous étiez gisants, écroulés. Donc, pour sortir de votre ancien état, de votre ruine, aimez-vous les uns les autres.
Que votre charité considère encore ceci : cette maison est édifiée, comme il a été prédit et promis, dans le monde entier. En effet, quand on construisait la maison de Dieu après la captivité, on disait dans un psaume : Chantez au Seigneur un chant nouveau ; chantez au Seigneur, terre entière. On disait alors : un chant nouveau ; le Seigneur a dit : un commandement nouveau. Qu’est-ce qui caractérise le chant nouveau, sinon un amour nouveau ? Chanter est le fait de celui qui aime. Ce qui permet de chanter, c’est la ferveur d’un saint amour.
Ce que nous voyons réalisé ici physiquement avec les murs doit se réaliser spirituellement avec les âmes ; ce que nous regardons ici accompli avec des pierres et du bois, doit s’accomplir dans vos corps, avec la grâce de Dieu.
Rendons grâce avant tout au Seigneur notre Dieu : les dons les meilleurs, les présents merveilleux viennent de lui. Célébrons sa bonté de tout l’élan de notre cœur. Pour que soit construite cette maison de prière, il a éclairé les âmes de ses fidèles, il a éveillé leur ardeur, il leur a procuré de l’aide ; à ceux qui n’étaient pas encore décidés, il a inspiré la décision ; il a secondé les efforts de bonne volonté pour les faire aboutir. Et ainsi Dieu, qui produit chez les siens la volonté et l’achèvement parce qu’il veut notre bien, c’est lui qui a commencé tout cela, et c’est lui qui l’a achevé.