Dans une décision décisive, à la fois de continuité et de correction, le pape Léon XIV a publié sa première lettre apostolique sous la forme d’un « Motu Proprio », intitulée « Coniuncta cura » – un document qui remodèle la gouvernance financière du Saint-Siège et marque le début d’une nouvelle phase de la réforme économique du Vatican.
Signé le 29 septembre, en la fête des archanges Michel, Gabriel et Raphaël, et rendu public le 6 octobre, le texte redéfinit l’équilibre entre la supervision et la collaboration au sein des institutions financières du Saint-Siège.
Le document s’inspire explicitement du principe de la « coresponsabilité dans la communion », pierre angulaire de « Praedicate Evangelium », la constitution apostolique de 2022 du pape François. Léon XIV place cette idée au cœur de sa réforme, affirmant que même la gestion de l’argent et des investissements doit refléter un esprit de service et de confiance mutuelle. Son objectif, écrit-il, est de consolider les normes et clarifier les compétences, tout en favorisant « une dynamique de collaboration mutuelle » entre les organismes vaticans impliqués dans l’administration financière.
« Coniuncta cura » abroge formellement le « Rescriptum ex Audientia » de 2022 du pape François, qui avait centralisé le contrôle de tous les investissements et liquidités du Vatican sous l’Administration du patrimoine du Siège apostolique (APSA). Ce système précédent, conçu pour renforcer la supervision après des années de scandales et de fragmentation, exigeait que tous les dicastères et organismes du Vatican transfèrent leurs avoirs dans des comptes gérés par l’APSA.
La lettre de Léon XIV confirme la compétence générale de l’APSA, mais reconfigure son rôle : dans l’exercice de ses activités d’investissement, l’APSA doit désormais faire un « usage effectif » de la structure interne de l’Institut pour les Œuvres de Religion (IOR), mieux connu sous le nom de Banque du Vatican. Ce changement subtil mais significatif rétablit une fonction opérationnelle pour l’IOR, longtemps marginalisé par la réglementation précédente, tout en permettant une certaine flexibilité pour recourir à des intermédiaires financiers externes « lorsque cela s’avère plus efficace ou avantageux », à condition qu’ils soient approuvés par le Comité d’investissement.
Toutes les opérations d’investissement du Vatican, stipule le Motu Proprio, doivent désormais se conformer aux politiques du Comité d’investissement et adhérer à la stratégie d’investissement approuvée – une stratégie qui intègre la prudence, la durabilité et la cohérence morale.
La mesure va au-delà de la simple efficacité financière, intégrant un discernement éthique dans chaque décision : les investissements doivent servir non pas seulement le profit, mais la mission sociale et pastorale de l’Église.
Les observateurs de la Curie interprètent cela à la fois comme un raffinement et une correction de la centralisation instaurée sous François. Un cardinal de haut rang, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a noté que le Collège des cardinaux avait exprimé des inquiétudes au sujet de la « rigidité idéologique » de certaines directives économiques précédentes. La réponse de Léon XIV, a déclaré le prélat, reflète « un retour à l’équilibre, à une responsabilité partagée qui empêche à la fois la dispersion et la concentration du pouvoir ».
Concrètement, « Coniuncta cura » établit une architecture de gouvernance plus nuancée : elle maintient la responsabilité tout en diffusant la prise de décision à travers des mécanismes de coopération. La transparence, autrefois envisagée principalement comme un moyen de contrôle, est désormais conçue comme une forme de participation.
Publié dans L’Osservatore Romano et destiné à paraître dans les Acta Apostolicae Sedis, le document entre en vigueur immédiatement. Il ne représente pas seulement un ajustement juridique, mais une réorientation : l’économie de l’Église, suggère Léon XIV, doit redécouvrir sa véritable vocation — être un instrument de communion plutôt qu’un terrain de compétition ou de domination.
Derrière le langage technique de la réforme financière se cache une vision pastorale claire. Comme l’a fait remarquer un responsable du Vatican proche du dossier, « le pape a reconnu que certaines choses devaient simplement être remises en ordre ». Avec « Coniuncta cura », Léon XIV semble déterminé à faire précisément cela : rétablir la cohérence, l’intégrité et la finalité morale dans la machinerie qui soutient la mission du successeur de Pierre.
Lettre apostolique en forme de Motu Proprio du Souverain Pontife Léon XIV
Coniuncta cura
Sur les activités d’investissement financier du Saint-SiègeLa coresponsabilité dans la communion est l’un des principes du service de la Curie romaine, tel que voulu par le pape François et établi dans la Constitution apostolique Praedicate Evangelium du 19 mars 2022.
Cette responsabilité partagée, qui concerne également les institutions curiales chargées des activités d’investissement financier du Saint-Siège, exige que soient consolidées les dispositions adoptées au fil du temps et que les rôles et compétences de chaque institution soient clairement définis, afin de permettre la convergence de tous dans une dynamique de collaboration mutuelle.Considérant ces raisons, après avoir examiné attentivement les recommandations approuvées à l’unanimité par le Conseil pour l’Économie et consulté des experts en la matière, par la présente Lettre apostolique en forme de Motu Proprio, j’approuve intégralement lesdites recommandations et j’établis ce qui suit :
- Le Rescriptum ex Audientia SS.mi, intitulé Instruction sur l’administration et la gestion des activités financières et de la liquidité du Saint-Siège et des institutions liées au Saint-Siège, daté du 23 août 2022, est abrogé.
- Les activités d’investissement financier du Saint-Siège, destinées à son usage propre et réalisées conformément à l’article 219 de la Constitution apostolique Praedicate Evangelium, doivent être conformes aux dispositions établies par le Comité pour les investissements, dans le respect de la politique d’investissement approuvée.
- Pour déterminer les activités d’investissement financier du Saint-Siège, l’Administration du patrimoine du Siège apostolique fait généralement usage de la structure organisationnelle interne de l’Institut pour les Œuvres de Religion, à moins que les organes compétents, tels qu’ils sont définis par les statuts du Comité pour les investissements, ne jugent plus efficace ou plus opportun de recourir à des intermédiaires financiers établis dans d’autres États.
Ce qui est établi par la présente Lettre apostolique, j’ordonne qu’il ait pleine et stable valeur, nonobstant toute disposition contraire, même digne de mention spéciale, et qu’il soit promulgué par publication dans L’Osservatore Romano, entrant en vigueur le jour même de sa publication, puis inséré dans le commentaire officiel des Acta Apostolicae Sedis.
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 29 septembre de l’an 2025, en la fête des saints archanges Michel, Gabriel et Raphaël, la première année du Pontificat.
LÉON PP. XIV
© Dicastère pour la Communication – Libreria Editrice Vaticana
Traduction réalisée par ZENIT
