Chers frères et sœurs,
Je suis particulièrement heureux de présider cette Eucharistie dans la paroisse pontificale de Sainte-Anne. Je salue avec gratitude les religieux augustiniens qui y accomplissent leur service, en particulier le curé, le père Mario Millardi, ainsi que le nouveau Prieur Général de l’Ordre, qui est ici avec nous aujourd’hui, le père Joseph Farrell ; et je souhaite également saluer le père Gioele Schiavella, qui a atteint récemment l’âge vénérable de cent trois ans.
Cette église se trouve dans une position particulière, qui est aussi une clé du ministère pastoral qui s’y exerce : nous sommes, pour ainsi dire, « à la frontière », et devant Sainte-Anne passent presque tous ceux qui entrent et sortent de la Cité du Vatican. Certains passent pour le travail, d’autres comme hôtes ou pèlerins, d’autres encore pressés, ou bien dans l’inquiétude ou la sérénité. Que chacun puisse expérimenter ici des portes et des cœurs ouverts à la prière, à l’écoute et à la charité !
À ce propos, l’Évangile qui vient d’être proclamé nous invite à examiner attentivement notre lien avec le Seigneur et, par conséquent, entre nous. Jésus établit une alternative très nette entre Dieu et la richesse, nous demandant de prendre une position claire et cohérente : « Aucun serviteur ne peut servir deux maîtres », donc « vous ne pouvez pas servir Dieu et la richesse » (cf. Lc 16,13). Il ne s’agit pas d’un choix contingent, comme tant d’autres, ni d’une option révisable au gré des situations. Il faut décider d’un véritable style de vie. Il s’agit de choisir où placer notre cœur, de clarifier qui nous aimons sincèrement, qui nous servons avec dévouement, et quel est vraiment notre bien.
C’est pourquoi Jésus oppose la richesse à Dieu : le Seigneur parle ainsi parce qu’il sait que nous sommes des créatures indigentes, que notre vie est pleine de besoins. Depuis notre naissance, pauvres et nus, nous avons tous besoin de soins et d’affection, d’un foyer, de nourriture, de vêtements. La soif de richesse risque de prendre la place de Dieu dans notre cœur, lorsque nous croyons qu’elle seule peut sauver notre vie, comme le pense l’intendant malhonnête de la parabole (cf. Lc 16,3-7). La tentation est de penser que, sans Dieu, nous pourrions encore bien vivre, tandis que sans richesse nous serions malheureux et accablés de mille besoins. Devant l’épreuve, nous nous sentons menacés, mais au lieu de demander de l’aide avec confiance et de partager fraternellement, nous nous mettons à calculer, à accumuler, devenant soupçonneux et méfiants envers les autres.
Ces pensées transforment le prochain en concurrent, en rival, ou en quelqu’un dont tirer profit. Comme le prophète Amos l’avertit, ceux qui veulent faire de la richesse un instrument de domination n’attendent que le moment d’« acheter pour de l’argent les indigents » (Am 8,6), exploitant leur pauvreté. Au contraire, Dieu destine les biens de la création à tous. Notre indigence de créatures témoigne alors d’une promesse et d’un lien dont le Seigneur prend soin personnellement. Le psalmiste décrit ce style providentiel : Dieu « abaisse son regard sur les cieux et sur la terre » ; il « relève le faible de la poussière, il retire le pauvre du fumier » (Ps 113,6-7). Ainsi agit le Père bon, toujours et envers tous : non seulement envers ceux qui manquent de biens matériels, mais aussi envers ceux qui sont accablés par la misère spirituelle et morale, qu’ils soient puissants ou faibles, pauvres ou riches.
La Parole du Seigneur ne divise pas les hommes en classes rivales, mais elle pousse chacun à une révolution intérieure, une conversion qui commence dans le cœur. Alors nos mains s’ouvriront : pour donner, non pour saisir. Alors nos esprits s’ouvriront : pour concevoir une société meilleure, non pour chercher les meilleures affaires. Comme l’écrit saint Paul : « Je recommande avant tout que l’on fasse des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les rois et pour tous ceux qui exercent l’autorité » (1 Tm 2,1). Aujourd’hui, en particulier, l’Église prie pour que les dirigeants des nations soient libérés de la tentation d’utiliser la richesse contre l’homme, en la transformant en armes qui détruisent les peuples et en monopoles qui humilient les travailleurs. Celui qui sert Dieu devient libre de la richesse, mais celui qui sert la richesse en reste esclave ! Celui qui cherche la justice transforme la richesse en bien commun ; celui qui cherche la domination transforme le bien commun en proie pour sa propre avidité.
Les Saintes Écritures éclairent cet attachement aux biens matériels, qui trouble notre cœur et déforme notre avenir.
Très chers, je vous remercie parce que, de différentes manières, vous contribuez à maintenir vivante la communauté de cette paroisse et vous exercez aussi un généreux apostolat. Je vous encourage à persévérer avec espérance en un temps gravement menacé par la guerre. Des peuples entiers sont aujourd’hui écrasés par la violence et plus encore par une indifférence éhontée qui les abandonne à un destin de misère. Face à ces drames, nous ne voulons pas être passifs, mais proclamer par nos paroles et par nos œuvres que Jésus est le Sauveur du monde, Celui qui nous libère de tout mal. Que son Esprit convertisse nos cœurs afin que, nourris par l’Eucharistie, trésor suprême de l’Église, nous devenions des témoins de charité et de paix.
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