Sainte-Suaire de Turin © Wikimedia Commons

Sainte-Suaire de Turin © Wikimedia Commons

Le Saint Suaire de Turin à nouveau au cœur de la controverse

Une étude numérique brésilienne relance le débat, mais soulève de vives critiques scientifiques et ecclésiales

Share this Entry

 

(ZENIT News / Turin, 08.08.2025) – Dans un paysage médiatique de plus en plus dominé par les simulations numériques et les titres accrocheurs, le Saint Suaire de Turin refait surface au centre de la controverse. Cette fois, l’étincelle vient d’une étude générée par ordinateur par le designer brésilien Cicero Moraes, affirmant que l’image du Suaire aurait été produite en pressant du lin contre une sculpture en bas-relief.
La publication, qui coïncide avec le congrès international sur le Suaire à Saint Louis (États-Unis), a immédiatement suscité la réaction d’universitaires et de croyants. Moraes, connu pour ses reconstructions 3D de figures historiques, a présenté ses conclusions dans la revue Archaeometry, tout en reconnaissant lui-même plusieurs limites à son travail : absence d’analyses chimiques, de recherches sur le flux sanguin, ou encore d’étude des propriétés microscopiques du textile.

Des lacunes méthodologiques dénoncées

Le modèle omet complètement l’image dorsale et déforme la posture anatomique de l’homme du Suaire. Même la position des mains et des pieds est inversée pour plus de commodité visuelle. Les critiques jugent l’approche non seulement méthodologiquement faible, mais aussi historiquement imprécise.
La théorie de Moraes ignore des décennies de recherches, notamment celles du Projet de Recherche sur le Saint Suaire de Turin (STURP) de 1978, qui avait exclu la formation d’images par simple contact. L’image n’est ni pigment, ni brûlure : il s’agit d’une oxydation superficielle de la cellulose, si ténue qu’elle ne pénètre qu’une fraction de millimètre — un phénomène compatible avec une radiation ultraviolette, et impossible à reproduire en pressant un tissu sur une sculpture.

Réfutations scientifiques et mise en garde ecclésiale

Le Centre International d’Études sur le Saint Suaire (CISS) a publié une réfutation technique, affirmant que les modèles de Moraes « ne reflètent pas les conditions réelles » et « n’apportent rien de nouveau » aux connaissances existantes. Le CISS rappelle que si les outils numériques peuvent stimuler la réflexion, ils ne remplacent pas l’analyse physico-chimique directe, surtout lorsque l’image contient du pollen du Moyen-Orient, des traces d’aloès et de myrrhe, ainsi que du sang humain correspondant à des blessures de crucifixion.
Le cardinal Roberto Repole, archevêque de Turin et Custode Pontifical du Saint Suaire, a lui aussi réagi. Sans rejeter la recherche scientifique, il met en garde contre les conclusions superficielles qui ne résistent pas à l’examen, et appelle à une « attention critique » face aux publications hâtives.

Un emballement médiatique familier

Ce qui inquiète n’est pas seulement la fragilité de la thèse, mais la manière dont elle a été amplifiée. De grands médias italiens comme La Repubblica et La Stampa ont relayé les affirmations sans esprit critique, les présentant comme des avancées plutôt que comme des spéculations. Certains décrivent même Moraes comme chef d’une « équipe internationale », alors que son travail est essentiellement solitaire.
Cette répétition médiatique non vérifiée a laissé le public dans la confusion, voire induit en erreur. Un scénario déjà vu : en 2018, Matteo Borrini et Luigi Garlaschelli avaient tenté de discréditer les taches de sang du Suaire, mais leurs hypothèses furent rapidement contredites par d’autres expériences.

Un mystère qui résiste au réductionnisme

Le Saint Suaire continue de déranger ceux qui refusent ses implications. Son témoignage silencieux de la souffrance, son image inexpliquée et son mystère persistant défient à la fois le réductionnisme scientifique et le scepticisme culturel.
C’est peut-être pour cette raison qu’il reste si souvent attaqué : non parce qu’il a été définitivement réfuté, mais parce qu’il refuse de se laisser expliquer facilement. À l’ère de la certitude numérique, il demeure une énigme : un lin fragile portant une image impossible à reproduire, une relique qui interroge à la fois la foi et les limites de la compréhension humaine.

 

Share this Entry

Rédaction

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel