Romilda Ferrauto dans la salle de presse du Vatican, 4 mai 2025 © Anne van Merris 

Romilda Ferrauto dans la salle de presse du Vatican, 4 mai 2025 © Anne van Merris 

Romilda Ferrauto, une voix incontournable des médias du Vatican

Interview de l’ancienne rédactrice en chef de Radio Vatican et consultante auprès du Dicastère pour la communication

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Ancienne rédactrice en chef de la section francophone de Radio Vatican, Romilda Ferrauto travaille désormais comme consultante au sein du Dicastère pour la communication, à Rome. Elle est notamment chargée des relations du Saint-Siège avec le monde francophone.

La journaliste franco-italienne a passé près de 45 ans au service des médias du Vatican, traversant les pontificats de plusieurs papes et restant une voix essentielle de la francophonie pour l’Église catholique. Elle a reçu le titre d’officier de l’Ordre national du mérite en septembre 2021 pour « le rayonnement du français dans le monde ». Zenit l’a rencontrée à Rome.

 

Zenit : Comment êtes-vous arrivée à Radio Vatican ?
35 ans au service de Radio Vatican © Romilda Ferrauto

35 ans au service de Radio Vatican © Romilda Ferrauto

Romilda Ferrauto : Je suis arrivée en 1981 par le biais d’une rencontre fortuite alors que je cherchais du travail à Rome. On m’a proposé des collaborations à la « rédaction française de Radio Vatican », comme cela s’appelait à l’époque. Dès 1986, mon directeur m’a envoyée régulièrement à l’étranger pour couvrir les voyages du pape Jean-Paul II. Et en 1991, j’ai été nommée rédactrice en chef de la rédaction francophone de la radio, jusqu’à mon départ à la retraite en 2016. J’ai passé en tout 35 ans à Radio Vatican !

En septembre 2019, j’ai été rappelée pour être consultante auprès du directeur de la salle de presse du Saint-Siège. Je m’occupe aujourd’hui essentiellement des relations avec les médias, les journalistes, et plus largement les évêques, les mouvements, les bureaux de presse de l’Église catholique francophone. Je suis également en relation avec les ambassades francophones près le Saint-Siège.

C’est un travail essentiellement de réseau, d’échanges. Je guide les journalistes dans leurs besoins de décryptage et je les aide à obtenir des interviews. Je m’occupe aussi de faire connaître à ma hiérarchie ce qui se dit dans la presse francophone, s’il y a des informations intéressantes ou des critiques à faire remonter.

Zenit : Vous êtes d’ailleurs la première femme à avoir été rédactrice en chef à Radio Vatican…

R. Ferrauto : Oui, ce qui était assez important pour l’époque, car la rédaction française était très prestigieuse : le français était la deuxième langue au Vatican et la langue diplomatique que tout le monde utilisait. Mais l’utilisation du français a ensuite décliné fortement. Aujourd’hui, les communications du Saint-Siège se font d’abord en italien, en anglais et en espagnol.

Cependant, le poste que j’ai occupé au Vatican ne relève pas d’une nomination pontificale. Un rédacteur en chef n’est pas nommé par le pape, il est nommé par son directeur ou par son préfet. Avant le pontificat du pape François, il y a eu très peu de nominations pontificales pour les femmes.

Zenit : Avant le pape Léon XIV, vous avez travaillé sous trois pontificats : comment la communication de l’Église a-t-elle évolué et a été abordée par les papes successifs ?
R. Ferrauto recevant le titre d'officier de l'ordre national du mérite en septembre 2021 © Vatican Media

R. Ferrauto recevant le titre d’officier de l’ordre national du mérite en septembre 2021 © Vatican Media

R. Ferrauto : Les papes ont été ouverts et ont toujours poussé la communication vaticane à s’adapter aux nouvelles technologies. Il n’y a pas eu de rupture. Je suis arrivée au début du pontificat du pape Jean-Paul II, qui était un grand communicant et qui a donné un élan déterminant à la communication du Saint-Siège. Il intervenait énormément sur les sujets de l’actualité internationale et s’est également beaucoup servi des médias institutionnels pour faire passer ses messages.

Le pape Benoît XVI était beaucoup plus réservé, discret, beaucoup moins médiatique et moins aimé des médias. Disons qu’il n’a pas provoqué d’autres changements majeurs, si ce n’est qu’il a accueilli l’arrivée des réseaux sociaux et des sites Internet, et a eu une attention aux nouvelles technologies.

Quant au pape François, il se « communiquait tout seul » ! Il a parlé avec les journalistes du monde entier, a accordé des interviews et est intervenu dans des émissions télévisées. Il a également accepté qu’on l’interroge pour publier des livres. On dit souvent que le pape François a fait sa propre communication et que la communication vaticane ne pouvait que le suivre !

Avant ces trois papes, il n’y avait que deux outils majeurs de communication au Vatican : le quotidien Osservatore Romano qui existe depuis environ 150 ans, et Radio Vatican qui a été créée en 1931. Mais c’est avec le Concile Vatican II que le Saint-Siège a commencé à vraiment communiquer avec les médias. 

Jusqu’en 2015, il y avait un Conseil pontifical pour les communications sociales, qui servait de conseil au magistère du pape en matière de communication. Mais il s’est transformé en une direction théologique et pastorale suite à la création du Dicastère pour la communication par le pape François. Ce nouveau Dicastère regroupe toutes les entités qui travaillaient auparavant de manière séparée et autonome, notamment l’Osservatore Romano, Radio Vatican – avec Vatican News – et la salle de presse du Saint-Siège.

Zenit : Comment a été vécu le regroupement des différents médias du Vatican en un seul Dicastère pour la communication ? 

R. Ferrauto : À la fois positivement et difficilement. En entrant dans la Curie romaine, tous les médias du Vatican ont été, d’une certaine manière, institutionnalisés. Cela s’est fait progressivement, mais il était évident qu’il fallait éviter les doublons et le gaspillage. Nous avons aujourd’hui tous le même responsable, Paolo Ruffini, le premier laïc à avoir été nommé préfet d’un dicastère. 

Cette réforme a cependant suscité énormément de réticences. Toutes ces entités avaient l’habitude de travailler séparément. Il y a 10 ans, c’était encore difficile d’accepter de mettre ensemble la communication institutionnelle et le journalisme. La communication institutionnelle transmet un message de l’institution ; le journaliste pose des questions.

Aujourd’hui, tout n’est pas terminé. Mais que de pas incroyables ont été accomplis ! Le problème principal est le manque de moyens financiers. Il y a environ 570 employés au sein du Dicastère pour la communication : Radio Vatican a le gros des troupes en diffusant des émissions en 50 langues, et l’Osservatore Romano a des éditions en 6 langues.

Zenit : Avez-vous un souvenir fort où la communication du Vatican a été mise à l’épreuve ? 
Romilda Ferrauto avec le pape Benoît XVI lors de sa visite à Radio Vatican, en 2006 © I.medias.com

Romilda Ferrauto avec le pape Benoît XVI lors de sa visite à Radio Vatican, en 2006 © I.medias.com

R. Ferrauto : Le premier moment qui me vient à l’esprit est la mort de Jean-Paul II. Cet évènement a suscité un élan mondial, avec 3 millions de personnes dans les rues de Rome. On a eu du mal à sortir de nos bureaux parce que les rues étaient bloquées, et il a fallu faire face à un afflux incroyable de journalistes, ce qui est rare. La communication a donc été très exigeante.

L’autre moment très difficile à gérer a été la renonciation du pape Benoît XVI en 2013, un événement inédit depuis 7 siècles. Nous avons été pratiquement pris au dépourvu. J’étais alors rédactrice en chef et je rentrais tout juste de vacances. Et j’entends hurler dans le couloir : « Le pape a démissionné ! » La rédaction italienne avait été la première à comprendre ce qu’il se passait. Il était midi et nous avions un journal à 13h. Je me souviens avoir été en direct une heure plus tard, avec un brouillon griffonné !

Zenit : Vous avez une vision large et internationale de la communication d’Église. Quels seraient vos souhaits pour l’avenir ? 

R. Ferrauto : L’Église catholique a encore du mal à communiquer avec les médias, alors qu’elle communique très bien la Parole de l’Évangile ! Elle a toujours un temps de retard. Il y a encore un peu de frilosité ou de peur à l’égard des journalistes. Mais quand la communication est trop réticente ou contrôlée, les journalistes vont chercher ailleurs, car ils ont horreur du vide. Et le problème est qu’ils ne vont pas avoir forcément la bonne réponse. C’est ce que je regrette le plus.

Cependant, un peu de discrétion et de réserve peut être aussi une qualité dans le panorama médiatique actuel. Les réseaux sociaux, par exemple, occupent une place prépondérante et sont à la merci des « fake news ». Le professionnalisme et l’éthique journalistique sont menacés par toutes sortes de pressions. Avec l’expérience, je me dis qu’il faut savoir se taire à temps, et que le silence peut être meilleur que la parole à certains moments : il faut parfois prendre le parti de se taire. 

 

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Anne van Merris

Journaliste française, Anne van Merris a été formée à l'Institut européen de journalisme Robert Schuman, à Bruxelles. Elle a été responsable communication au service de l'Église catholique et responsable commerciale dans le privé. Elle est mariée et mère de quatre enfants.

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