En ce mois de février 2025, l’intention de prière du pape François est consacrée spécifiquement aux vocations sacerdotales et religieuses dans le monde.
À cette occasion, Zenit a interrogé le P. Brice Petitjean, Délégué France de l’Association cléricale de la communauté de l’Emmanuel. Cette communauté internationale rassemble des laïcs et des prêtres, vivant au cœur du monde et se mettant ensemble au service de la mission de l’Église catholique.
Zenit : Combien y a-t-il de prêtres et de séminaristes dans l’Association cléricale de la communauté de l’Emmanuel, en France et dans le monde?
P. Brice Petitjean : L’Association cléricale comprend actuellement 300 prêtres dans le monde, dont 180 en France. Il y a un gros contingent de prêtres en Afrique et en Europe, mais aussi en Amérique du Nord, en Amérique Latine et en Asie. Nous avons également 32 diacres permanents, 84 séminaristes répartis en France et en Afrique francophone, et 20 jeunes hommes en année propédeutique pour discerner leur vocation.
Zenit : Votre vocation sacerdotale est à la fois diocésaine et communautaire. Pouvez-vous l’expliquer ?

« Au service de ses frères et sœurs et au service des membres de toute l’Église » © Communauté de l’Emmanuel
P. B. Petitjean : Nous sommes tout d’abord des prêtres diocésains. Tous les prêtres de l’Association cléricale sont incardinés dès le séminaire dans des diocèses en France et dans le monde, et leur responsable est l’évêque du lieu. Actuellement en France, nos prêtres sont incardinés dans 33 diocèses.
Au séminaire, le futur prêtre chemine dans une maison de formation en lien avec d’autres séminaristes diocésains. Il s’enracine dans une culture et une histoire spécifiques. Cet attachement va rester tout au long de son parcours de prêtre : le diocèse devient son lieu de ressourcement où il peut retrouver ses bases affectives, humaines, familiales et culturelles.
Mais la spécificité d’un prêtre de l’Emmanuel, c’est qu’il a également un appel à la vie communautaire, qui n’est pas imperméable à la vie diocésaine. Le prêtre est membre de l’Association cléricale de la communauté, qui le soutient et l’accompagne, qui reconnaît en lui cet appel à vivre en fraternité sacerdotale et être en mission avec d’autres états de vie, comme des membres laïcs et des consacrés.
En tant que membre de la communauté de l’Emmanuel, le prêtre est aussi appelé à vivre son engagement communautaire, à savoir la maisonnée – une soirée hebdomadaire de prière et de partage – le week-end communautaire, l’accompagnement communautaire et le service avec des membres de l’Emmanuel, mais pas exclusivement.
Zenit : Quels sont en général les ministères des prêtres de l’Association cléricale ?
P. B. Petitjean : La plupart de nos prêtres ont un pied dans une paroisse. En France, 34 paroisses et 3 sanctuaires sont confiés à des prêtres de la communauté de l’Emmanuel. Le pape François parle de la « plasticité de la paroisse ». Cette plasticité permet à un prêtre d’avoir une variété de ministères en dehors, tout en gardant un équilibre dans le concret, le réel, le pragmatisme de la vie paroissiale.
Certains de nos prêtres ont des temps partiels pour être aumôniers de prison, d’une école ou d’un hôpital, ou se mettent au service des gens du voyage, de la rue ou autres. Nous avons aussi quelques enseignants et formateurs dans des facultés de théologie et des séminaires. Il y a des ministères variés, mais la paroisse reste la base.
Une des particularités des prêtres de l’Emmanuel, c’est aussi la possibilité de servir en dehors du diocèse. Le prêtre peut offrir sa disponibilité missionnaire à l’évêque : c’est une sorte de Fidei donum entre diocèses français ou vers l’étranger. Il y a actuellement une moitié de prêtres en mission dans d’autres diocèses de France. Bien sûr, ils sont en mission pour un temps et ils reviennent dans leurs diocèses par la suite.
Zenit : Comment s’inscrit la branche sacerdotale dans la réalité d’une communauté regroupant différents états de vie ?

Les clercs de l’Emmanuel participent régulièrement aux sessions d’été à Paray-le-Monial © Communauté de l’Emmanuel
P. B. Petitjean : Aujourd’hui, un membre de l’Association cléricale de la communauté de l’Emmanuel est forcément membre de la communauté de l’Emmanuel. Cette association cléricale est comme à l’intérieur de l’Association publique de fidèles.
Le regard des laïcs sur les prêtres est très formateur : c’est une chance ! Pour avancer ensemble, c’est tout un enjeu et cela fait bouger l’Église. On a beaucoup à gagner à avancer ensemble. Il peut bien sûr y avoir des divergences de perception, et cela demande une intelligence de communion pour soigner la relation.
Nos frères et sœurs laïcs nous rappellent que nous ne sommes pas prêtres pour nous-mêmes. Ils nous remettent sans cesse devant notre identité sacerdotale profonde : le prêtre est un homme pour les autres, au service de ses frères et sœurs et au service des membres de toute l’Église. Ce n’est jamais acquis.
Pour nos paroisses, cela implique qu’il ne faut pas qu’elles soient pilotées à 100 % par l’Emmanuel. Il faut garder cette variété, et ce n’est pas toujours simple, car nous n’avons pas toujours les mêmes angles de vue. On le constate encore plus aujourd’hui : l’entre-soi est quelque chose qui peut parfois déraper. La paroisse est une chance pour être avec tous.
Zenit : Les prêtres de l’Emmanuel vivent en fraternité. Pourquoi est-ce si important ?
P. B Petitjean : La charité entre prêtres doit être vécue d’abord dans la cellule fraternelle, qu’on appelle « équipe de vie » ou « fraternité sacerdotale ». La charité ne se vit pas seulement dans la mission mais aussi dans le quotidien, et la vie fraternelle nous offre un regard les uns sur les autres. Elle nous donne un rythme, c’est indéniable : un cadre de prière et un cadre de vie. Elle est une garantie sur notre générosité et nous stimule à la mission.
Vivre en fraternité est aussi un encouragement à prier mieux et plus, à être davantage abandonné au Saint-Esprit. En fonction de sa fragilité, chacun peut, d’une manière ou d’une autre, trouver un soutien dans la fraternité sacerdotale. Tout seul, on ne peut pas y arriver. C’est ce que disait notre fondateur, le vénérable Pierre Goursat : « On est tous des pauvres types ! »
Nous avons tous des faiblesses, des lieux de conversion que nos frères peuvent nous aider à vivre. Nous vivons également cette fraternité avec les membres laïcs dans la maisonnée, mais aussi dans des liens d’amitié ou des liens fraternels.
Zenit : Avez-vous des lieux de formation spécifiques pour les séminaristes ?

ll y a actuellement dans le monde 300 prêtres membres de l’Association cléricale © play.emmanuel.info
P. B. Petitjean :La France reste un pays important pour les vocations des prêtres au sein de la communauté, avec en moyenne cinq ordinations chaque année.
Il y a deux maisons de formation propédeutique : l’une à Namur, en Belgique, et l’autre à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Nous avons aussi une maison de formation à Paris, la maison Notre-Dame de l’Emmanuel à l’abbaye de la Source, qui accueille généralement les séminaristes de l’étape 2, ce qui correspond aux deux premières années de séminaire.
Enfin, une toute nouvelle maison de formation va être inaugurée prochainement à Abidjan. Elle accueillera une trentaine de séminaristes africains venant d’une dizaine de pays.
Zenit : Après trois ans de responsabilité pour la France, quel est votre regard sur le sacerdoce et les vocations ?
P. B. Petitjean : C’est en effet ma troisième année dans cette mission, et j’ai un regard encore assez neuf. Avant cela, j’ai été pendant 9 ans curé de deux paroisses au Québec. Ma fonction ici est exigeante parce que je vois bien qu’il y a des déceptions. Je vois qu’il y a des modèles qui ne fonctionnent plus, qu’il y a des phénomènes de décroissance, des choses qui s’effondrent. C’est donc exigeant d’oser regarder cette réalité en face.
Mais ma fonction est également enthousiasmante, parce qu’il y a une Église qui est en train de s’inventer, de changer. Il y a une sorte de poussée par le bas, qui fait que la structure va devoir s’adapter : des morceaux vont tomber, et autre chose pousse lentement et puissamment, pour donner un nouveau visage. On a l’impression que tout est possible. Je trouve cela assez stimulant !
Cela demande aussi de prendre soin de soi, de prendre soin des prêtres et de les accompagner dans leur ministère. On attend beaucoup d’eux, on leur demande beaucoup ! Mon rôle est précisément de veiller à ce qu’ils soient heureux dans leur ministère, et qu’ils puissent porter le fruit que le Seigneur attend. Et que la gloire de Dieu continue à se répandre !