Au milieu de l’agitation, l’ordination presbytérale de huit diacres, le 4 novembre au séminaire du Sacré-Cœur de Thrikkakara, est devenue un point de tension. Les candidats ont dû signer des déclarations sous serment, s’engageant à respecter les directives liturgiques uniformes, un acte que de nombreux membres du clergé et des laïcs ont considéré comme coercitif.
Au cœur de l’Église syro-malabare de l’Inde, dans l’archidiocèse d’Ernakulam-Angamaly, les tensions de longue date autour des pratiques liturgiques continuent d’exacerber les divisions. Les conflits, qui portent sur l’orientation des prêtres pendant la célébration eucharistique, ont dégénéré en protestations, boycotts et accusations de gouvernance autoritaire, menaçant l’unité de cette communauté catholique historique.
La racine du conflit
La controverse liturgique remonte à 2021, lorsque le synode des évêques de l’Église syro-malabare a imposé un mode «unifié » de célébration de la Sainte Qurbana (liturgie eucharistique). Selon les nouvelles directives, les prêtres doivent faire face à l’est pendant la consécration mais se tourner vers les fidèles à d’autres moments. Cette directive entre en conflit avec les pratiques de longue date à Ernakulam-Angamaly, où les prêtres font généralement face au peuple tout au long de la messe, reflétant les traditions liturgiques uniques de l’archidiocèse.
Clergé et laïcs de l’archidiocèse ont résisté aux changements. Les manifestants affirment que la liturgie «unifiée » porte atteinte aux coutumes locales et viole l’autonomie pastorale qu’ils considèrent comme essentielle à leur communauté de foi. La résistance a culminé avec une marche vers la résidence de l’archevêque le 13 octobre, exigeant la démission de l’administrateur apostolique Mar Bosco Puthur et dénonçant l’exigence ressentie comme inacceptable de réformes liturgiques centralisées.
Ordinations au milieu de troubles
Au milieu de l’agitation, l’ordination presbytérale de huit diacres, le 4 novembre, au séminaire du Sacré-Cœur de Thrikkakara, est devenue un point de tension. Les candidats ont dû signer des déclarations sous serment, s’engageant à respecter les directives liturgiques unifiées, un acte que de nombreux membres du clergé et des laïcs ont considéré comme coercitif. Malgré la participation massive de près de 200 prêtres, les prêtres nouvellement ordonnés ont dû faire face à une résistance immédiate, leur première messe étant bloquée par les détracteurs des réformes liturgiques.
Le père Kuriakose Mundadan, secrétaire du conseil presbytéral, a souligné la frustration du clergé qui se sent exclu des processus de décision. «L’absence d’organes canoniques dans l’archidiocèse ne nous donne pas droit au chapître», a-t-il fait remarquer.
Appels au changement et boycotts publics
La controverse a suscité une contestation organisée de la part de groupes comme Almaya Munnettam, un important mouvement laïc qui s’oppose aux directives du synode et à l’administration de Mgr Puthur. Après l’ordination, le groupe a annoncé son intention de boycotter toutes les célébrations publiques présidées par Mgr Puthur et a rejeté les récentes nominations à la curie archidiocésaine.
Le mouvement appelle également au rétablissement immédiat des structures de gouvernance canoniques, qui, selon lui, sont essentielles pour garantir la transparence et l’équité dans la prise de décision.
Le rôle de Rome et une paix fragile
Ces différends surviennent alors que le pape François a confirmé l’élection d’un nouvel archevêque majeur pour l’Église syro-malabare, suite à la démission du cardinal George Alencherry en décembre 2023. Cependant, l’approbation papale des réformes liturgiques du synode a laissé de nombreux habitants d’Ernakulam-Angamaly avec le sentiment d’être abandonnés par Rome
Les observateurs craignent que le conflit actuel ne creuse les fractures au sein de l’Église. Si le Synode considère la liturgie unife comme un symbole d’unité, ses détracteurs estiment qu’elle impose le conformisme au détriment de la diversité.
Quelle est la prochaine étape ?
L’avenir de l’archidiocèse d’Ernakulam-Angamaly demeure incertain. Pour l’instant, le débat liturgique continue de polariser les fidèles, opposant des traditions séculaires à la gouvernance moderne. La question de savoir si ces tensions mèneront à la réconciliation ou à une division plus poussée dépendra de la volonté des dirigeants de l’Église d’engager un dialogue avec le clergé et les laïcs.
Comme l’a dit succinctement un prêtre : « Il ne s’agit pas seulement de la façon dont nous nous comportons pendant la messe, mais de l’âme de notre communauté et de la façon dont nous vivons notre foi. »