Les Saints De Fra Angelico © Wikimedia Commons / Sampo Torgo

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La communion entre l’Église du ciel et celle de la terre, par Mgr Follo

Méditation sur les Évangiles des 1er, 2 et 3 novembre 2024

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Avec l’invitation à vivre les journées du 1er au 3 novembre en essayant d’avoir une seule nostalgie : celle de ne pas être des saints et de comprendre que la vie d’un bon chrétien consiste dans le saint désir.

 

Fête de la Toussaint – Commémoration des Défunts – Dimanche II du Temps Ordinaire – Année B – 1er, 2 et 3 novembre 2024

Rite Romain : Ap 7,2-4.9-14; Ps 23; 1 Jn 3,1-3; Mt 5,1-12a

Rite Ambrosien : Is 56,3-7; Ps 23; Eph 2,11-22; Lc 14,1a.15-24

 

II Dimanche après la Dédicace de la Cathédrale de Milan.

1) Concitoyens et familiers du ciel

La liturgie du 1er novembre qui célèbre la Solennité de tous les Saints ainsi que celle du 2 novembre en souvenir de tous les morts, nous fait vénérer la mémoire des saints non seulement pour les avoir comme modèles ou protecteurs mais pour nous faire vivre en leur compagnie, avec une familiarité qui devient prière et qui consolide l’union de toute l’Église dans l’Esprit Saint, par l’exercice de la charité fraternelle. Pour aider à comprendre et vivre davantage la prière de louange à Dieu pour les Saints, la charité envers les défunts, et la loi de l’amour comme don (XXXIème dimanche du Temps ordinaire) je propose donc des réflexions sur la communion des saints et sur la vie éternelle.

A- Croire et vivre la communion des saints, cela veut dire croire et vivre la vie mystérieuse mais réelle que nous partageons avec les saints : la vie du Christ en nous est la même vie que celle qui est en eux. Comme notre communion et notre chemin sur cette terre nous rapproche du Christ, ainsi la communion des saints nous unit au Christ de qui, telle une source, arrive toute la râce et toute la vie du Peuple de Dieu. Rien n’est plus beau que ce partage opéré en nous par l’Esprit Saint dans les Saints et en nous. Grâce à cet amour de partage, nous pouvons vivre dans la Communion des Saints qui débute à la maison, à l’usine, au bureau, aux champs, partout où la personne humaine exécute à travers son travail le dessin de la charité divine. L’amour transperce nos œuvres de vie provisoire et les transforme en œuvres de vie éternelle. La Communion des Saints est une communion d’amour qui rend frère dans la prière tous les fidèles du Christ : ceux qui sont des pèlerins sur cette terre, les défunts qui se purifient, et ceux qui sont heureux au ciel.

Tous ensemble nous formons une seule église : « une communauté immense de frères et sœurs qui disent Notre Père dans le Frère » (cf. Clemente Rebora – prêtre et poète italien).

B- Croire et vivre la vie éternelle pour nous, chrétiens, ne signifie pas seulement croire en une vie qui dure pour toujours, mais aussi en une nouvelle qualité d’existence, pleinement immergée dans l’amour de Dieu qui libère du mal et de la mort. Cette qualité d’existence nous met en communion sans fin avec tous les frères et sœurs qui participent au même amour.

L’Éternité, donc, peut déjà être présente au centre de la vie terrestre et temporelle, lorsque l’âme est jointe à Dieu par la grâce. « Tout passe : Dieu seul reste » (Sainte Thérèse d’Avila). Un psaume dit : « Ma chair et mon cœur sont usés mais le roc de mon cœur, c’est Dieu pour toujours. » (Ps

72/73,26).Tous les chrétiens, appelés à la sainteté, sont des hommes et des femmes qui vivent solidement ancrés à ce « roc ». Ils ont les pieds sur terre, mais le cœur, déjà au ciel, demeure définitivement parmi les amis de Dieu.

2) Nostalgie du ciel et communion joyeuse

Si je souhaite que ces trois fêtes liturgiques réveillent en nous une nostalgie du ciel, je désirerais aussi inviter à cultiver non seulement le désir de la compagnie des saints, mais aussi la prière parce que le Christ, notre vie, se montre à nous comme il s’est montré aux saints. Il nous enracine toujours plus en Lui. Dans cette joyeuse communion des saints, rien n’est plus utile et nécessaire que la prière : celle qui recommande à la miséricorde de Dieu, les défunts qui sont vivants en lui, qui nous ont précédés et qui nous attendent. La prière est une garantie de consolation, comme nous le rappelle Saint-Augustin qui écrit : « Une larme pour les défunts s’évapore, une fleur fane sur la tombe, une prière, au contraire, arrive jusqu’ au cœur du Très- Haut » qui nous rachète par le don de son Fils sur la Croix.

Pour cela, nous avons la certitude que personne ne sera perdu : l’amour du Christ pour nous a transpercé Ses mains et nous a « cloués » pour toujours au Christ. Ces plaies sont maintenant glorieuses et remplissent d’espérance chaque fragment de notre vie qui est ancré en Lui pour l’éternité. A cet égard, le pape François a rappelé que « les premiers chrétiens représentaient l’espérance avec une « ancre », comme si la vie était l’ancre jetée sur ce rivage, tous tirant la corde liée à l’ancre. C’est une belle image, cette espérance : Avoir le cœur ancré là où se trouvent tous nos êtres chers, parents et amis : là où sont nos ancêtres, là où sont les saints, là où est Jésus. Là où est Dieu. C’est cela l’espérance. L’espérance ne déçoit pas. C’est une espérance sûre qui provient de la foi qui nous assure elle-même que rien ne se perd au ciel où nous serons réunis avec notre père, notre mère, nos frères et sœurs et tous nos amis ».

En effet, l’amour plus fort que la mort est la garantie qu’il y aura la réunion de famille tant désirée. Le cœur passionné du Christ est « notre demeure stable et définitive », où nous nous retrouverons pour toujours unis dans l’Amour, pour l’Amour et par l’Amour. Pour cela, le 2 novembre, nous commémorons nos frères défunts : souvenons-nous d’eux, du même amour qui nous a rejoints et unis dans la grande famille de Dieu. La liturgie ne nous rappelle pas tant la mort que la résurrection. Elle parle de larmes essuyées par la main de Dieu. La prière liturgique pour les défunts nous fait nous demander : « admet-les pour jouir de la lumière de ton visage ». Voici un verbe humble et fort, désarmé et humain : jouir. L’Éternité fleurit dans la joie d’un amour apprécié pour toujours parce que rien ne peut nous séparer de lui, comme nous l’apprend l’apôtre Paul : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? Ni les anges, ni les démons, ni la vie, ni la mort, rien ne pourra nous séparer de l’amour » (Rm 8,35-37). Prions alors avec toute l’église, qui dans la collecte de la messe, nous fait demander : « Écoute, ô Dieu, la prière que la communauté des chrétiens présente à toi dans la foi du seigneur ressuscité, et confirme en nous l’espoir et qu’avec nos frères défunts, nous ressusciterons dans le Christ pour une nouvelle vie! Amen ».

C’est ce que je propose pour vous inviter à vivre la fête des Saints, la commémoration des défunts et le XXXIe dimanche qui nous rappelle que l’amour de Dieu et du prochain ce n’st pas qu’un commandement, mai un don à vivre avec un esprit chrétien authentique, c’est à dire dans la lumière qui vient du mystère pascal. Le Christ est mort et ressuscité et nous a ouvert le passage vers la maison du Père, le Règne de la vie et de la paix. Qui suit Jésus dans cette vie est accueilli là où Il nous a précédés et nous attend.

L’Évangile de ce XXXI dimanche (Mc 12,28-34) nous présente l’enseignement de Jésus sur le plus grand commandement : le commandement de l’amour, qui est double : aimer Dieu et aimer les autres. Les saints, que nous avons très récemment célébrés tous ensemble dans une seule fête solennelle, sont précisément ceux qui, confiants dans la grâce de Dieu, s’efforcent de vivre selon cette loi fondamentale. En effet, le commandement de l’amour peut être pleinement mis en pratique par celui qui vit dans une relation profonde avec Dieu, tout comme l’enfant devient capable d’aimer à partir d’une bonne relation avec sa mère et son père. Saint Jean d’Avila  écrit ainsi au début de son Traité sur l’amour de Dieu : « La cause – dit-il – qui pousse le plus notre cœur à aimer Dieu est de considérer profondément l’amour qu’Il avait pour nous… Ceci, plus que des bienfaits, pousse le cœur à aimer ; parce que celui qui rend un bien à autrui lui donne quelque chose qu’il possède ; mais celui qui aime se donne avec tout ce qu’il a, sans rien avoir à donner » (n. 1). Je le répète : l’amour ne peut pas être réduit à un commandement, c’est un don, une réalité que Dieu nous fait connaître et expérimenter, pour que, comme une graine, il puisse germer aussi en nous et se développer dans notre vie.

3) Vie de sainteté

Je conclus ces réflexions avec quelques pensées sur la sainteté parce que c’est le thème unifiant des deux jours que nous sommes appelés à vivre comme membres de la Communion des saints.

La sainteté, nous le savons bien, est pour tous, comme nous l’apprend la Bible, déjà dans l’Ancien Testament : « Soyez saints, parce que moi, le Seigneur, Votre Dieu, je suis saint » (Lv19,2). Dans le Nouveau Testament, Saint-Paul écrira : « C’est la volonté de Dieu que vous soyez saints » (1 Ts 4,3) en suivant le Christ qui, dans le discours de la montagne avait dit : « Soyez parfaits comme votre père céleste est parfait » (Mt 5,48).

En quoi consiste cette perfection, cette sainteté de Dieu ? Elle consiste en la plénitude de l’amour qui est Dieu. Saint est celui qui croit en l’amour et a confiance en Jésus, qui a révélé la miséricorde de Dieu. Miséricorde gratuitement offerte, continuellement offerte et offerte à tous.

La sainteté n’est pas une chose extraordinaire et ne concerne pas seulement un nombre restreint d’élus, « la sainteté est pour chacun de nous un devoir simple » (Ste M. Teresa de Calcutta). Les saints sont ceux qui sont sauvés, ceux qui ont répondu à l’amour avec amour, jusqu’ à donner leur vie pour le Seigneur.

Outre le martyr, la façon la plus grande de donner sa vie au Seigneur est celle de la virginité. Les femmes qui consacrent leur virginité pour le Règne de Dieu, en restant dans le monde, montrent que le don de soi-même et de toute leur existence est possible chaque jour, dans l’humilité de la vie quotidienne orientée constamment vers Dieu, aimé au-dessus de tout, dans les joies et dans les souffrances.

Les qualités qui sont l’ornement de cette vie sont : la virginité consacrée et spirituellement féconde, la charité passionnée, la modestie réservée, la douceur discrète, l’humilité mariale, en bref : la sagesse du cœur. 

Pour cela, le jour de leur consécration, l’Église demande à ces femmes qu’elles « contemplent toujours le Maître divin et qu’elles conforment leur vie à son modèle. Que resplendisse en elles une parfaite chasteté, une obéissance généreuse, une pauvreté vécue avec une joie évangélique. Elles te plaisent pour l’humilité, O Père, elles te servent docilement, elles adhèrent à toi avec tout leur cœur. Qu’elles soient patientes dans les épreuves, solides dans la foi, heureuses dans l’espoir, actives dans l’amour. Que leur vie, qui t’est consacrée, édifie l’Église, favorise le salut du monde et apparaisse comme un signal lumineux des biens futurs » (Rite de Consécration des Vierges, n.8)

Lecture patristique

Saint Bernard de Clairvaux

Premier Sermon pour la Fête de la Toussaint.

1. La fête de tous les saints que nous faisons aujourd’hui mérite d’être célébrée avec toute sorte tic dévotion. En effet, si la fête de saint Pierre, de saint Étienne, ou de tout autre saint nous paraît grande, et l’est, en effet, combien plus grande doit être pour nous celle que nous- faisons aujourd’hui, puisque au lieu d’être la fête d’un seul saint, elle est la fête de tous les saints? Vous n’ignorez pas, nies frères, que les gens du monde célèbrent leurs fêtes par des festins mondains, et que plus la solennité est grande plus aussi ils font bonne chère. Eh quoi donc? ne faut-il pas aussi que ceux qui se sont convertis dans leur cœur, recherchent les délices du cœur; les gens spirituels ne doivent-ils pas aussi rechercher des joies spirituelles? Aussi, mes frères, notre festin est-il préparé, tout est-il cuit, et le temps de nous mettre à table est-il arrivé. Il est juste que nous commencions par les festins de l’âme puisque, sans l’ombre d’un doute, elle l’emporte sur le reste de notre être, et qu’elle est sans comparaison la meilleure partie de nous-mêmes. D’ailleurs, il est de toute évidence que la fête des saints se rapporte bien plus à l’âme qu’au corps. Or, les âmes doivent prendre beaucoup plus de part aux choses qui se rapportent à l’âme, attendu qu’il y a entre ces choses et elles un plus grand rapport. Voilà pourquoi aussi les saints compatissent beaucoup plus aux âmes, désirent davantage les biens des âmes et se complaisent plus dans leur réfection, ils ont, comme nous, été passibles, comme nous ils ont eu à déplorer les peines de notre voyage et de notre misérable exil, et à éprouver le poids accablant de ce corps, le tumulte du siècle, et les tentations de l’ennemi. On ne saurait donc révoquer en doute que cette solennité ne leur soit beaucoup plus agréable, parce qu’il y est pourvu, au festin des âmes, que celle que les mondains célèbrent, en donnant plus de soins à la chair dans les désirs de la volupté.

2. Mais où trouverons-nous le pain des âmes dans cette terre déserte, dans ce séjour d’horreur, dans cette solitude? Où procurer le pain spirituel, sous le soleil où ne se trouve que travail,douleur et affliction d’esprit? Mais je sais quelqu’un qui a dit. « Demandez et vous recevrez » (Mt

7,7), et ailleurs : «Si donc vous autres, tout méchants que vous êtes, vous savez néanmoins donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison, votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il le bon esprit à ceux qui le lui demandent (Lc 11,13)?» Je n’ignore pas avec quelles instances vous avez, pendant toute la nuit et toute cette journée, demandé au ciel de vous donner le pain vivant qui fortifie non le corps, mais le cœur de l’homme. Car je n’oserai vous donner le nom de convives ; nous ne sommes que des, mendiants qui vivons de la prébende de

Dieu, oui, des mendiants, étendus à la porte d’un roi excessivement riche, des pauvres couverts d’ulcères et désirant se nourrir, que dis-je, se soutenir au moins en mangeant les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres dont ils font, aujourd’hui la fête, qui nagent en ce moment au sein des délices, et qui reçoivent une mesure bonne et foulée, une mesure qui déborde. Nous espérons bien qu’il se trouvera quelqu’un pour nous distribuer ces miettes, car il y a un chaos immense, une distance infinie entre la libéralité, la bonté de Dieu et la cruauté du mauvais riche.

Aussi, notre Père nous a-t-il donné notre pain aujourd’hui; d’ailleurs, il faut bien que le Père des miséricordes se montre le Père des misérables, il nous a donné, dis-je, le pain du ciel, et nous a envoyé des vivres en abondance: je serai voire fidèle maître d’hôtel, puisse mon âme servir utilement à vous les préparer.

3. Mon cœur s’est échauffé pendant toute la nuit au-dedans de moi pour vous préparer les mets que je dois vous servir, et pendant que je méditais ces choses, un feu s’est embrasé dans mon âme (Ps 38,4), sans doute, celui que le Seigneur est venu apporter sur la terre, et qu’il n’a d’autre désir que de voir prendre comme un incendie. Pour une nourriture spirituelle, il faut nécessairement une cuisine spirituelle et un feu spirituel. Il ne me reste plus qu’à vous servir ce que j’ai préparé; pour vous, ne voyez que le Seigneur qui vous traite, non le serviteur qui vous distribué ce qu’il vous donne. Cas pour moi, en ce qui me concerne, je ne suis pas autre chose que votre compagnon do service, qui s’unit à vous pour mendier pour lui en même temps que, pour vous,comme le Seigneur le sait, le pain du ciel; mais c’est votre Père lui-même, c’est lui qui vous repaît d’œuvres et de paroles, et même de la chair de son propre Fils, qui est une vraie nourriture. Quant aux œuvres, je lis: «Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père (Jn 4,34),» pour ce qui est des paroles, je lis également: «L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole quisort de la bouche de Dieu (Dt 8,3).» Nous avons donc à nous nourrir aujourd’hui de ses œuvres et de ses paroles; ensuite nous recevrons, s’il nous en fait la grâce, le sacrement sans tache de son corps sur la très-sainte table de son autel.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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