Les noces de Cana, Paolo Veronese (extrait)

Les noces de Cana, Paolo Veronese (extrait)

La fidélité est un don à jamais, pas un esclavage, par Mgr Follo

Méditation des lectures du 27e dimanche du Temps Ordinaire

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Avec l’invitation à vivre la fidélité comme demande du Christ en chaque instant de notre vie.

 

Rite Romain : Gn 2,18-24; Ps 127; He 2,9-11; Mc 10,2-16

Rite Ambrosien : Is 45,20-24a; Ps 64; Eph2,5c-13; Mt 20,1-16

VI Dimanche après le Martyre de saint Jean le Précurseur.

1) L’Evangile de l’amour qui dure.

Les divers passages de l’évangile que nous propose la liturgie en ces dimanches, montrent Jésus qui va vers Jérusalem et vers la croix. Dans ce contexte, l’évangéliste saint Marc regroupe une grande partie des enseignements que Jésus fait aux disciples. Après les avoir instruits sur le service, l’accueil et le scandale (cf. évangile de dimanche dernier), le messie leur donne une leçon sur le mariage et sur les petits. 

Qu’enseigne Jésus sur le mariage? 

Aujourd’hui, comme il y a deux mille ans environ, le Christ nous dit qu’un mariage indissoluble n’est pas une règle difficile à observer, mais un « évangile », c’est-à-dire la bonne et heureuse nouvelle que l’amour durable est possible et qu’il a son nid dans le cœur de Dieu. En effet, en disant que « depuis le commencement » le couple connaissait la stabilité, Jésus nous renvoie au plan de Dieu créateur qui est à l’origine de tout. 

Le pape François a réitéré cet enseignement et dans Amoris laetitia n 62. Il écrit : L’indissolubilité du mariage (‘‘Ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer’’, Mt 19, 6), ne doit pas avant tout être comprise comme un “ joug” imposé aux hommes, mais bien plutôt comme un “don” fait aux personnes unies par le mariage. […]. La condescendance divine accompagne toujours le chemin de l’homme, par sa grâce elle guérit et transforme le cœur endurci en l’orientant vers son origine, à travers le chemin de la croix. Les Évangiles font clairement ressortir l’exemple de Jésus qui […] a annoncé le message concernant la signification du mariage comme plénitude de la révélation qui permet de retrouver le projet originel de Dieu (cf. Mt 19, 3) ».

Il s’agit d’un renvoi au passé mais également à la vérité qui perdure dans le temps, car à l’origine de toute chose, selon la sagesse créatrice de Dieu. Et cela est déjà une bonne nouvelle: il existe un plan amoureux de Dieu sur la famille. Celle-ci fait partie du savant projet du Créateur, n’est pas un produit historique de contingences. C’est donc dans ce plan de Dieu que nous nous pouvons trouver son identité permanente. 

Le nid de la fidélité est le cœur de Dieu, qui accueille les cœurs humains,  de sorte que leur amour n’est plus éphémère (qui dure un seul jour), n’est pas comme un rêve qui évanouît à l’aube. L’amour humain durable entre un homme et une femme est selon le cœur et l’intelligence de Dieu.

L’indissolubilité vécue comme don et non pas comme joug est une caractéristique centrale même pour les consacrées. A cet égard, l’instruction Ecclesiae Sponsae Imago au n. 24 affirme : « La virginité chrétienne est expérience de l’union sponsale, intime, exclusive, indissoluble, avec l’Epoux divin qui s’est donné à l’humanité sans réserve et pour toujours et qui s’est acquis de cette manière un peuple saint, l’Église. En bref, la fidélité n’est pas une prison, elle est un don. Ceci étant dit, l’homme ne doit pas séparer, il doit agir comme Dieu, qu’il s’engage à garder la tendresse, avec les actions et les paroles qui créent communion entre les deux, qui savent unir les vies. Voyons, plus en détail, pourquoi, en commentant brièvement l’Evangile d’aujourd’hui. 

Comme à chaque fois que les pharisiens cherchent à impliquer le Messie dans un débat pour lui tendre un piège, le celui-ci va au-delà des termes étroits où les hommes lui posent un problème, il va à la racine. Ainsi, à ceux qui lui demandaient comment interpréter la loi de Moïse sur le divorce, Jésus ne dit pas comment celle-ci doit être interprétée exactement, mais rappelle ce que Dieu voulait au début concernant le mariage et son indissolubilité. 

2) Le commencement.

La première lecture tirée du Livre de la Genèse est étroitement liée au texte de l’Evangile d’aujourd’hui. On y parle du commencement.

Qu’est-ce que le commencement ? Littéralement et avant tout c’est le récit de la création que nous trouvons dans le livre de la Genèse, surtout le premier chapitre. Ce chapitre culmine dans la création de l’homme et de la femme « à l0image et la ressemblance » de Dieu. L’image de Dieu, dans sa totalité, n’est pas uniquement dans l’homme ou uniquement dans la femme, mais dans les deux comme une communion de personnes. C’est pourquoi la première lecture de ce dimanche est prise du livre de la genèse et étroitement liée à l’évangile. Dans le premier livre de la Bible on parle de la création de l’homme et de la naissance de la famille, basée sur le mariage, qui est une institution naturelle. Le couple, l’union, la collaboration entrent pleinement dans le projet de la création, tant est si bien que l’on parle de procréation. Déjà au début de la bible le concept de couple, de relation, d’interdépendance, de communion, de fécondité, de don de la vie et de partage dans le mariage, est exprimé de manière claire et significative. Nous sommes faits les uns pour les autres. La solitude, l’individualisme, n’apparaissent pas dans une vision authentiquement chrétienne. La communion féconde et altruiste (oblative) prend le dessus sur la conception matérialiste et hédoniste de l’amour et du mariage. Comprendre cela dans notre monde signifie faire des choix de vie capables de résister aux chocs dévastateurs porté aux valeurs de la famille.

La référence au commencement, à la création, indique donc que la compréhension du mariage ne se base pas sur une théorie physique ou biologique, mais sur une catégorie personnelle, celle de la vocation. 

La référence « au commencement », nous renvoie aussi au début de l’évangile de Jean : » Au commencement était le Verbe » (Jn 1, 1), qui se réfère au Christ lui-même, «  par qui tout est venu à l’existence ». Lui, le Fils, est l’image parfaite du Père, qui se manifeste aux noces de Cana aussi comme Epoux. Donc, pour trouver l’identité du mariage nous devons regarder la création  mais aussi et surtout le Fils et le mystère de la Très Sainte Trinité, mystère d’amour et de relation : la relation du Père infiniment Aimant avec le Fils infiniment Aimé et l’Esprit Saint infiniment Amour. 

Enfin, le renvoi «  au commencement » fait allusion aussi au cœur de l’homme, qui est le début des actes humains, comme rappelle le Seigneur Jésus (Mc 7, 21-23). L’identité personnelle de chacun est inscrit dans son cœur, d’où proviennent les paroles et les actions. Nous gardons donc un cœur d’enfants pour accueillir le Christ et être en harmonie avec son Cœur.

3) On devient celui que l’on accueille.

Dans l’évangile de ce dimanche, le Christ invite à un accueil durable, réciproque et fidèle entre l’homme et la femme, mais il parle aussi d’accueillir les enfants. Contrairement à ses disciples, Jésus accueille les enfants. En faisant cela il s’oppose non seulement à la mentalité de l’époque, mais en plus à celle de ses disciples: l’épisode trahit en effet un conflit: « Les disciples les écartèrent vivement… Voyant cela, Jésus se fâcha… ». A la stupéfaction des disciples, Jésus accueille les enfants : il perd son temps avec eux. Sa marche vers Jérusalem a beau être sérieuse, il ne néglige pas les petits. Selon lui, ceux-ci sont capables de le suivre, toujours et partout, y compris sur la Croix. Pensons d’ailleurs aux saints innocents.  

Voyant les disciples écarter les enfants, le Christ «  se fâcha et leur dit: « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant, n’y entrera pas ». Et il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains » (Mc 10, 14-16). L’attitude des disciples est curieuse. Les pharisiens s’approchent pour mettre Jésus à l’épreuve. Les enfants s’approchent pour recevoir de Jésus caresses et bénédictions. Les disciples n’empêchent pas les pharisiens de s’approcher, par contre ils rabrouent les enfants. L’accès au royaume de Dieu n’appartient qu’aux enfants et à ceux qui deviennent comme eux. Ou, disons plutôt, pour ceux qui deviennent comme l’Enfant Jésus, qui s’est fait tout petit pour servir et sauver.

L’accueil est important car en accueillant nous devenons Celui que nous accueillons: Dieu. 

Jésus se fâche avec ses disciples parce qu’ils n’ont rien compris sur les choses les plus profondes qu’Il leur apprend et il dit : « Laissez les enfants venir à moi ».  Les laisser venir à Jésus.   Aller vers Lui et aller avec Lui, le Fils,  c’est trouver le salut : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent ». Devenir comme des enfants c’est accepter d’être des enfants et que notre appartenance au Père est « notre liberté ». La nécessité d’être un enfant c’est le besoin d’être à Dieu, Père depuis toujours et pour toujours. Ce Père miséricordieux qui nous accueille toujours. 

Le messie dit à ses disciples d’accueillir les enfants pour que les hommes, adultes, acceptent de se faire petits. Aujourd’hui Il nous redonne cet enseignement, afin que nous aussi nous L’accueillions, Lui qui s’est fait petit pour nous. Il réclame notre amour : pour cela il se fait enfant. Il ne veut rien d’autre de nous sinon notre amour. En étant près de Lui avec la simplicité des enfants nous pouvons apprendre à vivre avec Lui et à pratiquer avec Lui l’humilité du renoncement qui fait partie de l’essence de l’amour. Dieu s’est fait petit pour que nous puissions Le comprendre, L’accueillir, L’aimer.

Cette façon de vivre spirituellement cet état d’enfant, les Vierges consacrées l’ont.

L’enfant est… « pure réceptivité », donc il devient ce « qu’on lui donne il donne » et ce qu’on lui dit. Ces femmes, par  leur consécration, ont confiance et s’abandonnent complètement au Christ. Leur « activité » est de vivre en recevant tout de Dieu. La virginité est « l’enfance évangélique » à laquelle appartient le Royaume de Dieu.

Comment l’enfant accueille-t-il le royaume de Dieu? Avec étonnement et un regard «  neuf » parce que pur : ses yeux reflètent le ciel.

Comme les enfants, les personnes vierges ont un regard neuf capable de regarder avec étonnement, de s’enthousiasmer, de se réjouir, qui peut vraiment entrer dans la maison du Bon Père.

En suivant l’exemple des enfants et de ceux qui vivent cette enfance évangélique, à n’importe quel âge, nous saurons conserver la capacité de voir la vie, les personnes, le monde, avec des yeux capables de s’écarquiller, plein d’émerveillement, intérêt, curiosité attente, élan… Alors nous serons capables de redevenir des enfants. Et saurons vraiment accueillir le Royaume de Dieu. 

Enfin, la solitude physique du cœur n’est pas pour les vierges consacrées un isolement du monde et de l’Église. Par une vocation intime, elles se consacrent au culte divin et le charisme de la prophétie leur est souvent reconnu; pour leur engagement, elles ont dans la communauté une tâche d’édification et d’exemple « pour ceux qui sont déjà fidèles et pour ceux qui le deviendront » (pseudo-Clément, Lettre aux vierges 3, 1: Funk 2,2); pour leur conduite sacrée, elles sont l’objet d’une sollicitude pastorale particulière, elles sont considérées comme des « fleurs poussant dans l’église […], reflet de Dieu et empreinte de la sainteté du Seigneur, la partie la plus élue du troupeau du Christ » (Cyprian, De habitu virginum 3: CSEL 3/1, 189).

Lecture patristique

Jacques de Saroug (+ 521) 

sur le voile de Moïse

Version remaniée de la traduction  publiée dans P. Guéranger, L’année liturgique, t. 3, 1950, 1023-1025.

Le mystère de l’Epoux et de l’Epouse

Dans ses desseins mystérieux, le Père avait préparé une Épouse pour son Fils unique et il la lui avait présentée sous les figures de la prophétie. <> Moïse parut. Il traça d’une main experte une image de l’Époux et de l’Épouse et la recouvrit aussitôt d’un voile. Il écrivit dans son livre que l’homme quitterait son père et sa mère pour s’attacher à sa femme de sorte que les deux ne fassent réellement plus qu’un. Le prophète Moïse nous a parlé en ces termes de l’homme et de la femme pour annoncer le Christ et son Église. Avec l’oeil perçant du prophète, il contempla le Christ devenant un avec l’Église grâce au mystère de l’eau. Il vit le Christ attirer à lui l’Église dès le sein virginal, et l’Église attirer à elle le Christ dans l’eau du baptême. L’Époux et l’Épouse furent ainsi totalement unis d’une manière mystique: voilà pourquoi Moïse écrivit que les deux ne feraient plus qu’un. Moïse, le visage voilé, contempla le Christ et l’Église; il appela l’un « Homme » et l’autre « Femme », pour éviter de montrer aux Hébreux la réalité dans toute sa clarté.

Après la célébration de leurs noces, Paul vint. Il vit le voile étendu sur leur splendeur, et l’ôta pour révéler le Christ et son Épouse au monde entier. Il montra que c’était bien eux que Moïse avait décrits dans sa vision prophétique. Exultant d’une joie divine, l’Apôtre proclama: Ce mystère est grand (Ep 5,32). Il fit connaître ceux que le prophète avait désignés d’une manière voilée sous les figures de l’Homme et de la Femme. « Je le sais, dit-il, c’est le Christ et son Église qui ne sont plus deux mais un seul » (cf. Ep 5,31).

Les femmes ne sont pas aussi étroitement unies à leurs maris que l’Église au Fils de Dieu. Quel autre époux que Notre Seigneur mourut jamais pour son épouse, et quelle épouse a jamais choisi comme époux un crucifié? Qui a jamais donné son sang en présent à son épouse, sinon celui qui mourut sur la croix et scella son union nuptiale par ses blessures? Qui a-t-on jamais vu mort, gisant au banquet de ses noces, avec, à son côté, son épouse qui l’étreint pour être consolée? A quelle autre fête, à quel autre banquet, a-t-on distribué aux convives, sous la forme du pain, le corps de l’époux?

La mort sépare les épouses de leurs maris, mais ici elle unit l’Épouse à son Bien-aimé. Il mourut sur la croix, laissa son corps à sa glorieuse Épouse, et maintenant, à sa table, chaque jour, elle le prend en nourriture. <> Elle s’en nourrit sous la forme du pain qu’elle mange et sous la forme du vin qu’elle boit, afin que le monde reconnaisse qu’ils ne sont plus deux, mais un seul.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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