L’abbé Pierre, capture d’écran  © fondation-abbe-pierre.fr

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« Mes amis, au secours ! »

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L’appel vibrant de l’abbé Pierre en 1954 

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C’était il y a 70 ans, hiver 1954. La France était tétanisée par une vague de froid terrible. Dans la nuit du 31 janvier, une femme avait été retrouvée morte à Paris. On venait de l’expulser. Au matin du 1er février, l’abbé Pierre, le fondateur de la communauté Emmaüs, lançait un appel poignant en faveur des sans-logis, diffusé sur les ondes de Radio-Luxembourg (future RTL). 

Dans ce message historique, appelé « l’Insurrection de la bonté », le prêtre catholique exhortait les français à réagir et à fournir des hébergements d’urgence. Ses mots étaient forts et pleins de compassion. La réponse du public a été massive, avec des dons et des bénévoles affluant pour soutenir la cause. L’association Emmaüs a été créée dans la foulée.

L’impact de cet appel a été également fort sur le gouvernement français, qui a lancé entre autres, dès le 4 février 1954, un plan d’urgence de 12 000 logements de première nécessité, débloquant une enveloppe « dix fois » plus élevée que ce que l’abbé Pierre avait déjà demandé, deux mois plus tôt.

Loin de s’éteindre avec sa mort, la figure de l’abbé Pierre, à la barbe blanche, au béret et à la capeline noire, continue d’inspirer. Le mouvement Emmaüs s’est internationalisé en 1969, et la Fondation Abbé-Pierre a été créée en 1988 pour lutter contre le mal-logement.

L’appel de l’abbé Pierre sur les antennes de Radio-Luxembourg, 1er février 1954 :

« Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée… Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. Devant l’horreur, les cités d’urgence, ce n’est même plus assez urgent ! 

Écoutez-moi : en trois heures, deux premiers centres de dépannage viennent de se créer : l’un sous la tente au pied du Panthéon, rue de la Montagne Sainte-Geneviève ; l’autre à Courbevoie. Ils regorgent déjà, il faut en ouvrir partout. Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où l’on lise sous ce titre « centre fraternel de dépannage », ces simples mots : « Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on t’aime. » »

La météo annonce un mois de gelées terribles. Tant que dure l’hiver, que ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure. Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l’âme commune de la France. Merci ! Chacun de nous peut venir en aide aux ’’sans abri’’. Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain : cinq mille couvertures, trois cents grandes tentes américaines, deux cents poêles catalytiques. Déposez-les vite à l’hôtel Rochester, 92, rue de la Boétie. Rendez-vous des volontaires et des camions pour le ramassage, ce soir à 23 heures, devant la tente de la montagne Sainte-Geneviève. Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l’asphalte ou sur les quais de Paris. Merci ! » 

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Anne van Merris

Anne van Merris est journaliste, formée à l’Institut de journalisme européen Robert Schuman à Bruxelles. Elle est mariée et mère de quatre enfants.

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