Conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques © Vatican Media

Conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques © Vatican Media

Homélie de la messe de conclusion du Synode des évêques

« L’Église, port de miséricorde »

Share this Entry

Hier, 29 octobre, avait lieu la conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques qui s’est tenue à Rome tout ce mois d’octobre. Voici le texte intégral de l’homélie prononcée par le Saint-Père lors de la messe de clôture dans la basilique Saint-Pierre.

C’est vraiment avec un prétexte qu’un docteur de la Loi se présente à Jésus, et seulement pour le mettre à l’épreuve. Il s’agit cependant d’une question importante, une question toujours actuelle, qui se fraye parfois un chemin dans nos cœurs et dans la vie de l’Église : « Quel est le grand commandement ? » (Mt 22, 36). Nous aussi, plongés dans le fleuve vivant de la Tradition, nous nous demandons : quelle est la chose la plus importante ? Quel est le centre propulseur ? Qu’est-ce qui compte le plus, au point d’être le principe inspirateur de tout ? Et la réponse de Jésus est claire : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 37-39).

Frères cardinaux, frères évêques et prêtres, religieuses et religieux, sœurs et frères, au terme de cette étape du chemin que nous avons parcouru, il est important de regarder le “principe et le fondement” sur lequel tout commence et recommence : aimer. Aimer Dieu par toute notre vie et aimer notre prochain comme soi-même. Non pas nos stratégies, non pas les calculs humains, non pas les manières du monde, mais aimer Dieu et le prochain : voilà le cœur de tout. Mais comment traduire cet élan d’amour ? Je vous propose deux verbes, deux mouvements du cœur sur lesquels je voudrais réfléchir : adorer et servir. Aimer Dieu se fait à travers l’adoration et le service.

Le premier verbe, adorer. Aimer, c’est adorer. L’adoration est la première réponse que nous pouvons donner à l’amour gratuit, à l’amour surprenant de Dieu. L’émerveillement de l’adoration est essentiel dans l’Église, surtout à notre époque où nous avons perdu l’habitude de l’adoration. Adorer c’est en effet reconnaître dans la foi que Dieu seul est Seigneur et que notre vie, le chemin de l’Église, le destin de l’histoire dépendent de la tendresse de son amour. Il est le sens de la vie.

En l’adorant, nous nous redécouvrons libres. C’est pourquoi l’amour du Seigneur dans l’Écriture est souvent associé à la lutte contre l’idolâtrie. Ceux qui adorent Dieu rejettent les idoles car, alors que Dieu libère, les idoles asservissent. Elles nous trompent et ne tiennent jamais leurs promesses car elles sont « ouvrages de mains humaines » (Ps 113b, 4). L’Écriture est sévère à l’égard de l’idolâtrie parce que les idoles sont l’œuvre de l’homme qui les manipule, alors que Dieu est toujours le Vivant, qui est ici et au-delà, « qui n’est pas fait comme je le pense, qui ne dépend pas de ce que j’attends de lui, qui peut donc bouleverser mes attentes, précisément parce qu’il est vivant. La preuve que nous n’avons pas toujours une idée juste de Dieu, c’est que nous sommes parfois déçus : je m’attendais à ceci, j’imaginais que Dieu se comportait ainsi, et je me suis trompé. Nous nous engageons ainsi sur la voie de l’idolâtrie en voulant que le Seigneur agisse selon l’image que nous nous sommes faite de lui » (C.M. Martini, I grandi della Bibbia. Esercizi spirituali con l’Antico Testamento, Firenze 2022, 826-827). Et c’est un risque que nous pouvons toujours courir : penser que nous “contrôlons Dieu”, enfermer son amour dans nos schémas. Au contraire, son action est toujours imprévisible, elle va au-delà, et c’est pourquoi cet agir de Dieu exige émerveillement et adoration. L’émerveillement est si important !

Nous devons toujours lutter contre les idolâtries ; les idolâtries mondaines qui découlent souvent de la vanité personnelle, comme la soif de succès, l’affirmation de soi à tout prix, l’avidité pour l’argent – le diable entre par la poche, ne l’oublions pas -, l’attrait du carriérisme ; mais aussi les idolâtries déguisées en spiritualité : ma propre spiritualité, mes propres idées religieuses, mes prouesses pastorales… Soyons vigilants pour ne pas nous mettre au centre plutôt que Lui. Et revenons à l’adoration. Qu’elle soit centrale pour nous, pasteurs : consacrons chaque jour du temps à l’intimité avec Jésus Bon Pasteur devant le tabernacle. Adorer. Que l’Église soit adoratrice : dans chaque diocèse, dans chaque paroisse, dans chaque communauté, adorons le Seigneur ! Parce que ce n’est que de cette manière que nous nous tournerons vers Jésus et non vers nous-mêmes ; parce que ce n’est qu’à travers un silence d’adoration que la Parole de Dieu habitera nos paroles ; parce que ce n’est que devant Lui que nous serons purifiés, transformés et renouvelés par le feu de son Esprit. Frères et sœurs, adorons le Seigneur Jésus !

Le second verbe est servir. Aimer, c’est servir. Dans le grand commandement, le Christ lie Dieu et le prochain pour qu’ils ne soient jamais séparés. Il n’existe pas d’expérience religieuse qui soit sourde aux cris du monde, une véritable expérience religieuse. Il n’y a pas d’amour de Dieu sans implication dans le soin du prochain, sous peine de pharisaïsme. Nous pouvons en effet avoir beaucoup de belles idées pour réformer l’Église, mais rappelons-nous : adorer Dieu et aimer nos frères de son amour, voilà la grande et durable réforme. Être une Église adoratrice et une Église du service qui lave les pieds de l’humanité blessée, qui accompagne le chemin des personnes fragiles, faibles et laissées-pour-compte, qui va tendrement à la rencontre des plus pauvres. C’est ce que Dieu a ordonné, nous l’avons entendu, dans la première lecture.

Frères et sœurs, je pense à ceux qui sont victimes des atrocités de la guerre ; aux souffrances des migrants, à la douleur cachée de ceux qui se retrouvent seuls et dans la pauvreté ; à ceux qui sont écrasés par les fardeaux de la vie ; à ceux qui n’ont plus de larmes, à ceux qui n’ont plus de voix. Et je pense à combien de fois, derrière de belles paroles et de douces promesses, des formes d’exploitation sont encouragées ou rien n’est fait pour les empêcher. C’est un péché grave que d’exploiter les plus faibles, un péché grave qui ronge la fraternité et dévaste la société. Nous, disciples de Jésus, nous voulons apporter au monde un autre levain, celui de l’Évangile : Dieu à la première place, et avec Lui ceux qu’Il préfère, les pauvres et les faibles.

Telle est, frères et sœurs, l’Église dont nous sommes appelés à rêver : une Église au service de tous, au service des derniers. Une Église qui n’exige jamais un bulletin de “bonne conduite”, mais qui accueille, sert, aime, pardonne. Une Église aux portes ouvertes qui soit un port de miséricorde. « L’homme miséricordieux – dit Chrysostome – est un port pour ceux qui sont dans le besoin : le port accueille et sauve du danger tous les naufragés ; qu’ils soient méchants, bons, ou qu’ils soient ce qu’ils sont […], le port les abrite dans son anse. Toi donc aussi, quand tu verras à terre un homme qui a fait naufrage dans la pauvreté, ne le juge pas, ne lui demande pas compte de sa conduite, mais délivre-le du malheur » (Discours sur le pauvre Lazare, II, 5).

Frères et sœurs, l’Assemblée synodale s’achève. Dans cette « conversation de l’Esprit », nous avons pu expérimenter la tendre présence du Seigneur et découvrir la beauté de la fraternité. Nous nous sommes écoutés les uns les autres et surtout, dans la riche variété de nos histoires et de nos sensibilités, nous nous sommes mis à l’écoute de l’Esprit-Saint. Aujourd’hui, nous ne voyons pas le fruit complet de ce processus, mais avec anticipation, nous pouvons regarder l’horizon qui s’ouvre devant nous : le Seigneur nous guidera et nous aidera à être une Église plus synodale et plus missionnaire, qui adore Dieu et sert les femmes et les hommes de notre temps, en allant porter à tous la joie consolatrice de l’Évangile.

Frères et sœurs : pour tout ce que vous avez fait au sein du Synode et continuez à faire, je vous dis merci ! Merci pour le chemin que nous avons parcouru ensemble, pour l’écoute et le dialogue. En vous remerciant, je voudrais formuler un vœu pour nous tous : que nous puissions grandir dans l’adoration de Dieu et dans le service au prochain. Adorer et servir. Que le Seigneur nous accompagne. Et en avant, dans la joie !

Share this Entry

Rédaction

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel