Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo

Un paradoxe : le refus d’une invitation à noces, par Mgr Francesco Follo

L’invitation du Seigneur est un appel à la joie vraie et durable

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Avec le souhait de comprendre que l’invitation du Seigneur est un appel à la joie vraie et durable.

Rite Romain

XXVIIIème Dimanche du Temps ordinaire –  15 octobre 2023

Is 25, 6 -10 ; Ps 22; Phil 4,12-14.19-20; Mt 22,1-14

Dédicace de la Cathédrale de Milan, Eglise mère pour tous les fidèles ambrosiens

1) Les festivités humaines sont-elles suffisantes?

Comme la parabole des vignerons et celle des enfants invités à travailler à la vigne du Seigneur, la parabole d’aujourd’hui relate l’invitation du Roi à assister au banquet de mariage de son Fils. Elle nous révèle le grand désir du Père de nous avoir près de lui. Les dimanches précédents, nous ayons été invités à rester avec lui et à travailler pour lui comme « vignerons » à sa « vigne ». Aujourd’hui, Dieu nous adresse une invitation pour une fête qu’il donne, en participant à son banquet nuptial qui compare la foi à une véritable rencontre divine « conviviale ».

Étonnamment, cette invitation est rejetée par les premiers destinataires.

Pourquoi ce rejet se produit-il? quand il y a une fête humaine, tout le monde se dépêche d’y participer, et, lorsque la fête est « organisée » par Dieu, pourquoi il y a tant de personnes qui refusent l’invitation, comme en témoigne le fait que beaucoup de personnes ne vont pas à la messe, ne vont pas au banquet du dimanche où Christ se fait nourriture et boisson pour chacun de nous ? Malheureusement, beaucoup croient qu’ils n’ont pas besoin de cette table divine. Si nos yeux ne connaissent que la richesse matérielle dont le monde nous a habitué, ils ne peuvent pas voir que dans le « petit morceau de pain » et dans la « gorgée de vin » qui nous sont offerts, le Ciel est caché. Dieu se « cache » et Il se fait notre nourriture et notre boisson pour nous revêtir de sa propre divinité.

Dieu est généreux envers nous. Il nous offre son amitié, ses dons, sa joie, mais souvent nous n’accueillons pas ses paroles, nous montrons plus d’intérêt pour d’autres choses, nous mettons nos préoccupations matérielles, nos intérêts en premier lieu. L’invitation du roi rencontre même des réactions agressives.

Pourquoi avons-nous tant de mal à accueillir l’invitation à participer à un tel événement joyeux si important pour notre vie ? Pourquoi nous arrive-t-il même d’avoir une réaction hostile?

Par orgueil et parce que nous donnons la préférence à nos propres intérêts, comme le dit le Christ, en disant que les premiers invités ont refusé et « sont allés soit dans leurs propres champs, soit à leurs propres affaires ». Le pape François, lui-aussi, a rappelé dans une homélie d’il y a quelques mois: « Oublier le passé, ne pas accepter le présent, défigurer l’avenir: c’est ce que font les richesses et les soucis ». Il y a tant, trop, de personnes qui rejettent aujourd’hui l’invitation de Dieu. C’est l’histoire de l’orgueil, de l’autosuffisance humaine, qui ne peut que voir l’angle de son propre ego, éclairé par les lumières de l’éphémère et incapable d’ouvrir les yeux sur la grandeur du soleil qu’est le Royaume de Dieu.

  Donc, plus l’homme est attaché aux fêtes humaines, moins il est disposé à accueillir une invitation qui comporte l’abandon des fêtes qui ont la saveur donnée par les richesses terrestres pour aller à une fête qui a le goût du ciel. Voilà pourquoi le Christ dit: « Il est plus facile pour un chameau de passer à travers le trou d’une aiguille, qu’à un homme riche d’entrer dans le royaume des cieux » (Mt 19, 24) ? Le riche, en effet, croit qu’il peut combler l’abîme de son cœur avec des richesses matérielles. Le pauvre en esprit croit que Dieu donne la richesse qui dure et, dans sa pauvreté, Il est proche de Dieu. Le pauvre, dans son humilité, est proche du cœur de Dieu, au contraire, le riche dans son orgueil n’a confiance qu’en lui-même. L’esprit de ces pauvres de Dieu ouvre leurs mains vides pour non pas pour saisir ou serrer quelque chose ou quelqu’un, mais donner et recevoir la bonté de Dieu qui donne.

Les mendiants de Dieu, ceux qui n’ont rien ou ne sont pas attachés aux biens matériels et, comme les saints, n’ont pas peur de montrer leur pauvreté d’esprit, c’est-à-dire un cœur ouvert à Dieu et véritable gardien de la terre. Ces pauvres sont ravis de pouvoir participer au banquet du Roi et « courent » à la fête pour répondre à son invitation.

2) La condition d’assister à la fête: porter le vêtement de noce.

Dieu ne freine pas sa générosité. Il n’est pas découragé per le refus des premiers invités, et envoie ses serviteurs pour convier beaucoup d’autres personnes que l’esprit humain pense indécents : les pauvres et les malheureux. Tout le monde peut entrer, mais, dans la parabole d’aujourd’hui, il y a une condition que Jésus pose et il la pose à nous aussi qui croyons en Lui.  Il exige le vêtement de noce qui est la charité, l’amour. « Nous sommes tous invités à partager en convives le festin de noce avec le Seigneur, à entrer avec la foi à son banquet, mais nous devons porter et garder le vêtement de noce, la charité, vivre un amour profond pour Dieu et pour le prochain » (Pape François). 

Et ceci est dans le sillage de l’enseignement de saint Grégoire le Grand qui disait : « Chacun de vous, donc, qui dans l’Église a foi en Dieu a déjà participé au banquet de noce, mais il ne peut pas dire qu’il a le vêtement de noce si elle ne garde pas la grâce de la Charité » (Homélie 38,9: PL 76,1287). Et ce vêtement est symboliquement ‘tissé’ de deux bois, l’un en haut et l’autre en bas: l’amour de Dieu et l’amour du prochain (cf. ibid., 10: PL 76, 1288). Nous sommes tous invités à être des invités qui mangeons avec le Seigneur, à aller avec la foi à son banquet, mais nous devons porter et garder le vêtement de noce : la charité qui est la mesure de notre foi. Nous ne pouvons pas nous séparer de la prière, la rencontre avec Dieu dans les Sacrements, de la proximité de la vie de notre prochain et, surtout, de ses blessures.

Mais pourquoi le Christ parle-t-il du vêtement de noce ? Parce que selon l’usage en vigueur en Israël pendant la vie terrestre de Jésus, l’Epoux donne aux invités le « kittel », un vêtement spécial à porter pour son mariage. Il suffit donc que les invités le portent, en le prenant avant d’entrer dans la salle de fête.

Celui qui arrive à l’entrée de salle du banquet reçoit ce manteau blanc, un habit de fête donné gratuitement qui indique que l’invité a librement répondu « oui » à l’invitation du roi. Aussi il suffit d’accepter le vêtement de noce et le porter. Il ne doit être ni mérité ni acheté.

L’interprétation spirituelle de ce cadeau est que, si nous voulons participer à la fête, nous devons revêtir un vêtement tissé de « sentiments de pitié, de bonté, d’humilité, d’humilité et de patience ». Seulement si nous avons la charité de Dieu, nous pouvons entrer chez lui et vivre en communion avec lui.

Comme le mariage, même la consécration virginale est une alliance et une fête nuptiale, mais faite avec Dieu d’une manière exclusive et absolue, sans la médiation d’une autre personne. C’est pour cette raison qu’il s’agit de prémices de vie céleste primordiale parce que la consacrée appartient déjà au monde futur et elle est « signe eschatologique », une indication du but vers lequel l’humanité entière rachetée par le Christ est en chemin.

Elle est en fait l’épouse qu’Il attire à Lui, en l’unissant par un lien d’amour éternel. Aux vierges consacrées est donné de vivre une anticipation des noces éternelles déjà dans la vie terrestre, et, d’une certaine manière, d’être dans le temps, ce que tout le monde est appelé à devenir dans l’éternité.

La grâce du mariage rend sacrée la « vie ordinaire ». En transfigurant l’amour humain, elle l’oriente vers une fin surnaturelle et l’ouvre à une dimension interpersonnelle qui le libère de ce qui pourrait être une recherche égoïste du plaisir personnel, instinctif et passionnel.

La vie consacrée est un charisme « exceptionnel », au sens où elle est comme un pas en avant, comme une prise de possession d’une réalité qui, dans la norme, est encore et seulement une promesse. Il ne s’agit pas, cependant, d’un privilège qui provoque des différences, mais d’un appel qui engage à être davantage, mais exclusivement, donnés à Dieu et, par conséquent, au prochain.

En outre, la vierge consacrée joue également le rôle de mettre en évidence la valeur de l’amour des noces humaines. En fait, bien que ces noces-là aient une fin terrestre bien définie, elles t ordonnées dernièrement aux noces divines, pour une fête sans fin

Parmi les dons de l’Esprit à la sainte Église de Dieu, il faut reconnaître l’Ordo Virginum:

« C’est une cause de joie et d’espoir de voir que l’ancien Ordre des Vierges vient à nouveau à fleurir aujourd’hui comme témoigné dans les communautés chrétiennes depuis les temps apostoliques. Consacrées par l’évêque diocésain, ces femmes acquièrent un lien particulier avec l’Eglise, au service de laquelle elle se consacrent : tout en restant dans le monde, elles constituent une image eschatologique spéciale de l’Epouse céleste et de la vie future, lorsqu’enfin l’Église vivra en plénitude l’amour pour le Christ l’Époux » (Saint Jean-Paul II, Exhortation apostolique Vita consecrata, n. 7, 25 mars 1996).

« La chasteté pour le Royaume des Cieux (cf. Mt 19,12) libère le cœur humain d’une manière spéciale, afin de le rendre de plus en plus allumé de charité pour Dieu et pour tous les hommes » (Concile Vatican II, Décret Perfectae caritatis, n. 12).

Lecture patristique
Saint Augustin  d’Hippone (354 – 430)
Sermon 90, 1 5-6

PL 38, 559 561-562

Tous les fidèles connaissent les noces du fils du roi, et le banquet qui les suivit. Ils savent que le Seigneur les invite tous, s’ils le veulent, à sa table somptueuse. 

Le roi entra pour voir les convives. Il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce, et lui dit: « Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir le vêtement de noce? » L’autre garda le silence (Mt 22,11-12).

Que signifie donc cette parabole?  Mes frères, tâchons de trouver ce qui appartient à certains fidèles et qui manque aux méchants: c’est précisément cela qui sera le vêtement de noce. Seraient-ce les sacrements? Vous pouvez voir qu’ils sont communs aux méchants et aux bons. Serait-ce le baptême? Personne, il est vrai, n’arrive à Dieu sans le baptême, mais tous ceux qui le reçoivent n’arrivent pas jusqu’à Dieu. Je ne puis donc penser que le baptême, j’entends le sacrement seul, soit le vêtement de noce, car je vois qu’il est porté par les méchants comme par les bons. Serait-ce l’autel, ou ce que nous recevons à l’autel? Nous voyons que beaucoup viennent y prendre leur nourriture, et pourtant ils mangent et boivent leur condamnation. Qu’est-ce donc? Le jeûne? Les méchants jeûnent aussi. La fréquentation de l’église? Les méchants y vont aussi.

Dès lors, quel est ce vêtement de noce? Voici ce que l’Apôtre nous en dit: Le but de cette prescription, c’est l’amour qui vient d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère (1Tm 1,5). Tel est le vêtement de noce. Il n’est pas n’importe quel amour, car on voit très souvent des hommes malhonnêtes en aimer d’autres, malhonnêtes comme eux, mais on ne trouve pas chez eux l’amour qui vient d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère. Cet amour, c’est le vêtement de noce.

J’aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel, dit l’Apôtre, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. J’aurais beau être prophète, connaître tous les mystères et toute la science, et avoir la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien (1Co 13,1-2).  J’aurais beau avoir tout cela, dit-il, sans le Christ je ne suis rien. Donc, la prophétie n’est-elle rien? Et la science des mystères n’est-elle rien? Si, elles ont de la valeur; mais quand bien même je les posséderais, sans l’amour je ne suis rien.

Que de biens sont inutiles, si un seul bien vient à manquer! Si je n’ai pas l’amour, j’aurais beau confesser le nom du Christ jusqu’à verser mon sang, jusqu’à livrer mon corps aux flammes, cela ne servirait à rien, puisque je puis agir ainsi par amour de la gloire. Il peut donc arriver, en effet, que ces œuvres soient privées de l’amour et de la piété, qui les auraient rendues fécondes, et qu’elles soient frappées de stérilité par le désir de la gloire. Aussi l’Apôtre les mentionne-t-il avec les autres. Ecoute ce qu’il en dit: J’aurais beau distribuer toute ma fortune en aumônes, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne sert à rien (1Co 13,3).

Voilà le vêtement de noce. Examinez-vous: si vous l’avez, vous prendrez place avec confiance au banquet du Seigneur.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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