Giorgio La Pira avec la pape Paul VI au début des années 1970_archiviolapira.it

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Giorgio La Pira à Marseille avec le pape François (2/3)

Un prophète engagé en politique

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La Pira et Paul VI

Lors de l’audience du mercredi suivant, dans sa synthèse du voyage, traditionnelle après un déplacement en dehors de l’Italie, le pape François a cité explicitement cette fois le maire de Florence, à l’origine des rencontres méditerranéennes: « La rencontre de Marseille fait suite à celles qui se sont tenues à Bari en 2020 et à Florence l’an dernier. Il ne s’agit pas d’un événement isolé, mais d’un pas en avant dans un itinéraire qui trouve son origine dans les « Colloques méditerranéens » organisés par le maire Giorgio La Pira à Florence à la fin des années 1950. Un pas en avant pour répondre, aujourd’hui, à l’appel lancé par saint Paul VI dans son encyclique Populorum Progressio, pour « la promotion d’un monde plus humain pour tous, un monde où tous auront à donner et à recevoir, sans que le progrès des uns soit un obstacle au développement des autres » (n° 44). « La Pira était en effet proche des papes Jean XXIII et Paul VI, et il les mettra toujours au courant de ses démarches et de ses voyages ».

Autrement dit, en citant les initiatives et les paroles de La Pira, le pape a replacé son voyage dans un itinéraire prophétiquement envisagé par La Pira et soutenu par l’enseignement pontifical du pape Paul VI : une vocation qui dépasse les frontières de la France mais inclut la France et l’oblige.

La Pira avait une vision de la mission du réseau des maires comme artisans de paix au-delà des frontières : sa vision a aussi inspiré la rencontre des maires des grandes capitales européennes au Vatican, en 2016.

Et, en février 2020, la rencontre « Méditerranée, frontière de paix », a rassemblé des évêques catholiques des pays situés au bord de la Méditerranée, sur les pas de Giorgio La Pira.

Cette rencontre – et les suivantes – sont ainsi nées d’un projet de Giorgio La Pira qui disait, en 1955 : « La Méditerranée doit être aujourd’hui ce qu’elle fut dans le passé ».

Un prophète engagé en politique

« Des personnes comme Giorgio La Pira dégagent une saveur de prophète » : c’est en ces termes que le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin a pour sa part salué la mémoire du maire de Florence, dans une tribune publiée dans L’Osservatore Romano en italien du 15 juillet 2017.

Et voici pourquoi, pour le cardinal Parolin, La Pira est un prophète en politique : « Son travail comme juriste, et homme de gouvernement, sa longue période comme maire de Florence, son inlassable, courageuse et clairvoyante action pour la paix, sa capacité à entraîner derrière lui et convaincre pour éviter la fermeture d’activités productives, qui auraient accentué le chômage, son engagement envers les plus petits, étaient les fruits d’une spiritualité cultivée. Des personnes comme Giorgio La Pira dégagent une saveur de prophète, qui trouve de nouveaux parcours, renvoie tout le monde aux vérités les plus profondes, applaudi et considéré un temps, puis risquant d’être incompris par ceux qui, n’ayant pas un regard aussi aiguisé que lui, ne saisissent pas la profondeur et la vérité de ses intuitions, et finissent par ne reconnaître sa grandeur qu’après un certain temps. »

Le cardinal Parolin souligne combien l’action politique de La Pira était ancrée et dans sa lecture de la bible et dans la prière : « Dans sa personne, la prière s’est faite action pour la communauté, et l’engagement politique s’est nourri de très hauts idéaux. Ce sens concret qu’il avait de l’action administrative et politique, et de les mêler, suscitait l’admiration. Il le nourrissait constamment d’une réflexion qui trouvait dans la Parole de Dieu sa source et son critère de jugement. (…) D’après les notes inscrites dans ce carnet de voyage, la prière accompagnait chacune de ses dures journées et son regard était fixé sur les souffrances que la guerre apportait avec elle. »

On pourrait dire que La Pira était un maire “moine” : ne logeait-t-il pas dans une cellule du fameux couvent des Dominicains de Florence, à San Marco ? Il était en effet tertiaire dominicain, … mais aussi, tertiaire franciscain.

Le Vietnam d’Ho Chi Minh

Le cardinal Parolin s’attarde à l’exemple de la prière de La Pira pour et pendant le voyage au Vietnam : « Une prière pour le voyage au Vietnam, dans l’église Saint-Ignace de Loyola et à la basilique Saint-Paul, accompagna son départ de Rome. Puis, un pèlerinage l’a conduit au sanctuaire marial de Częstochowa, première étape polonaise marquée aussi par une visite aux carmélitaines de Cracovie et au Monastère d’Ulitza Wolska ». Ces témoignages de vie correspondent à ce que La Pira écrivait en 1956 sur la valeur des monastères. « Il ne faut pas avoir peur de le dire :  la civilisation chrétienne et la cité chrétienne sont essentiellement monastiques en ce sens que, comme dans le monastère, on y trouve aussi — en dernière analyse — toutes les valeurs qui ont une orientation unique et une unique finalité : Dieu aimé. Contemplé, sans cesse loué ! … remesurer avec le mètre « monastique » : réédifier Jérusalem sur la roche de Sion ! ».
L’arrivée à Pékin, le dimanche 7 novembre, est marquée par une prière liturgique dans l’Église catholique. Arrivés à Hanoï le 9 novembre, pour Giorgio La Pira, la messe sera son premier devoir, comme elle le sera les jours suivants. Et c’est dans ce cadre-là que s’inscrit le colloque avec Ho Chi Minh, le 11 novembre. »

Cette rencontre est relatée par Mario Primicerio qui a publié un carnet de voyage qui va du 19 octobre au 14 novembre 1965. Il y décrit l’engagement de Giorgio La Pira pour la paix au Vietnam, retraçant tout son parcours jusqu’à Hanoi « en passant par Varsovie, Moscou et Pékin ».

« Cette chronique est agrémentée d’une présentation opportune sur le contexte historique du conflit au Vietnam », souligne le cardinal Parolin qui cite le récit de Primicerio: “« Le professeur commence par dire que le problème de ramener la paix au Viet Nam n’appartient pas qu’à ce peuple, mais qu’il est un problème mondial: la paix est indivisible et la situation mondiale contemporaine nous fait réaliser que l’humanité est toujours sur une crête étroite, avec d’un côté la totale destruction de la planète ». La force de la prière qui constitue la première conscience de Georgio La Pira dans sa mission de paix s’unit, dans ce colloque, à la conscience juridique de la valeur du droit romain, avec un renvoi à l’interdictum uti du gouverneur romain qui impose l’arrêt de la violence (vim fieri veto). « Le professeur répète que, pour que tout cela arrive, il faut déclencher un processus qui a ses temps (l’action du gouverneur romain aussi était un passage préliminaire avant le jugement !) ».”

Pour le cardinal Parolin « ce carnet de voyage confirme que l’action de l’homme politique se nourrit d’une conscience culturelle et d’un patrimoine que Giorgio La Pira a acquis au cours de ses longues années de formation romane avec Emilio Betti », juriste comme La Pira et philosophe (1890-1968).

Il précise: « Chez Giorgio La Pira, la charité politique ne fait pas abstraction de la charité intellectuelle, autrement dit de la compréhension et du dialogue avec les hommes de culture car, selon l’axiome de saint Thomas d’Aquin, quod non est in intellectu non est in voluntate (ce qui n’est pas compris n’est pas dans la volonté) : une action incisive et forte pour trouver des solutions aux problèmes sociaux, demande une réflexion et une analyse des éléments essentiels liées aux questions, sous peine d’inefficacité et de perdre la réalité des faits. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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