Giorgio La Pira à son bureau © ondazionelapira.org 

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Giorgio La Pira à Marseille avec le pape François (1/3)

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Le « grand maire » de Florence et les prophètes en politique

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« Un grand Maire » : le pape François a cité l’ancien maire de Florence, Giorgio La Pira lors de son discours à la session conclusive des Rencontres Méditerranéennes, à Marseille, le 23 septembre dernier. Le texte écrit renvoie à La Pira mais son nom n’a été prononcé par le pape François que lors de l’audience générale du 27 septembre 2023 au cours de laquelle le pape a expliqué le sens et le fruit de son déplacement à Marseille pour ces “Rencontres”. Le pape François a souvent cité La Pira. Mais qu’a-t-il dit à Marseille ? Et qu’est-ce que La Pira inspire au pape François ?

Rappelons tout d’abord que le serviteur de Dieu italien Giorgio La Pira, laïc, est né à Pozzallo (Sicile) le 9 janvier 1904 et qu’il est mort à Florence (Toscane) le 5 novembre 1977. Connu comme le « saint maire » de Florence, il occupe ce poste de 1951 jusqu’en 1965, avec de brèves interruptions. Il défend les plus faibles, les sans-abri, les droits des travailleurs. Il correspond avec Charles de Gaulle et est-il à l’origine du jumelage entre la ville française de Reims et Florence. En 1959, il est le premier homme politique occidental à franchir le « rideau de fer », en se rendant en Russie et créant un pont de prière, d’unité et de paix entre l’Est et l’Ouest. Il ira aussi trouver Ho-Chi-Minh, leader communiste du Vietnam : un voyage mémorable évoqué – plus loin – par le cardinal Parolin.

Sa biographie en français, passionnante, est signée par Agnès Brot : “Giorgio La Pira. Un mystique en politique” (Desclée De Brouwer 2017, disponible en ebook).

L’auteure souligne notamment que cet acteur important de la vie politique italienne du siècle dernier « reste un maître à penser dans la culture catholique européenne »: « Très investi auprès des pauvres, maire de Florence pendant de nombreuses années, l’admirateur de Dante et de Savonarole demeure un exemple de chrétien entré en politique, cohérent avec sa foi. Sa vie publique, témoignage de probité, de générosité et d’oubli de soi, a été celle d’un frère universel cherchant, envers et contre tout, le bien commun. Homme d’une foi profonde, nourri par une vie spirituelle intense, voire contemplative, le « saint maire » aura été un infatigable artisan de paix, réfléchissant et œuvrant dans les débats de la politique internationale, du Moyen-Orient à l’Europe, des processus de décolonisation au conflit vietnamien. Contre vents et marées, sa vie fut une vivante illustration de sa devise : « Espérer contre toute espérance ». Son procès en béatification a été ouvert le 9 janvier 1986. »

Un décret du Saint-Siège reconnaissant qu’il a vécu les vertus humaines et chrétiennes de façon “héroïque” a été approuvé par le pape François et publié le 5 juillet 2018. Il faudra la reconnaissance d’un miracle obtenu par sa prière pour sa béatification, et un autre, ultérieur, pour une éventuelle canonisation.

La Pira à Marseille

A Marseille, le pape François a souligné tout d’abord, dans le sillage de La Pira, la mission de paix de la Méditerranée : « Un grand Maire voyait dans la Méditerranée non pas une question conflictuelle, mais une réponse de paix, mieux encore, « le commencement et le fondement de la paix entre toutes les nations du monde » (G. La Pira, Paroles en conclusion du premier Colloque Méditerranéen, 6 octobre 1958).”

Le pape François a insisté sur la mission de paix, ensemble, des rives de la Méditerranée en citant les paroles prononcées par La Pira à un colloque de 1958: « Il disait en effet : « La réponse […] est possible si l’on considère la vocation historique commune et pour ainsi dire permanente que la Providence a assignée dans le passé, assigne dans le présent et, en un certain sens, assignera dans l’avenir aux peuples et aux nations qui vivent sur les rives de ce mystérieux lac de Tibériade élargi qu’est la Méditerranée » (Discours d’ouverture du 1er Colloque méditerranéen, 3 octobre 1958).”

Le pape a filé la métaphore de la rencontre des Nations autour du lac de Tibériade : « Le Lac de Tibériade, ou Mer de Galilée : c’est-à-dire un lieu où se concentrait à l’époque du Christ une grande variété de peuples, de cultes et de traditions. C’est là, dans la « Galilée des nations » (cf. Mt 4, 15), traversée par la Route de la Mer, que se déroula la plus grande partie de la vie publique de Jésus. Un contexte multiforme et, à bien des égards, instable, fut le lieu de la proclamation universelle des Béatitudes, au nom d’un Dieu Père de tous, qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45).”

C’est donc à une vraie rencontre des peuples de la Méditerranée à partir de cette méditation sur la mission du Christ en Galilée que le pape a exhorté : « C’était aussi une invitation à élargir les frontières du cœur, en dépassant les barrières ethniques et culturelles. Voici donc la réponse qui vient de la Méditerranée : cette mer pérenne de Galilée invite à opposer la « convivialité des différences » à la division des conflits (T. Bello, Benedette inquietudini, Milano 2001, p. 73). La mare nostrum, au carrefour du Nord et du Sud, de l’Est et de l’Ouest, concentre les défis du monde entier comme en témoignent ses “cinq rives” sur lesquelles vous avez réfléchi : l’Afrique du Nord, le Proche-Orient, la mer Noire-Égée, les Balkans et l’Europe latine. »

Le pape a énuméré les “défis” de la région, comme un concentré des défis auxquels l’humanité est confrontée aujourd’hui : « Elle est à l’avant-poste de défis qui concernent tout le monde : nous pensons au défi climatique, la Méditerranée représentant un hotspot où les changements se font sentir plus rapidement. Comme il est important de sauvegarder le maquis méditerranéen, écrin unique de biodiversité ! Bref, cette mer, environnement qui offre une approche unique de la complexité, est un “miroir du monde”, et elle porte en elle une vocation mondiale à la fraternité, vocation unique et unique voie pour prévenir et surmonter les conflits. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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