Le pape François saluant des cardinaux © Vatican Media

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 À la veille de l’ouverture du Synode, le pape répond aux doutes de cinq cardinaux 

Texte intégral de la réponse

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Le 10 juillet dernier, cinq cardinaux ont présenté au pape cinq doutes théologiques (« dubia ») concernant certains des sujets qui seront probablement abordés lors du Synode sur la synodalité. Les cardinaux signataires sont Robert Sarah, Raymond Burke, Joseph Zen, Juan Sandovan Íñiguez et Walter Brandmuller.

Le 25 septembre, le préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, le cardinal Víctor Manuel Fernández, a obtenu l’autorisation du pape « pour que le Dicastère pour la doctrine de la foi puisse prendre en considération et éventuellement citer certains paragraphes de ces réponses afin de mieux clarifier les questions qui lui ont été soumises ».

Le 2 octobre, le Saint-Siège a publié les réponses du pape, que nous publions ci-dessous dans son intégralité :

Chers confrères,

Bien que je ne trouve pas toujours prudent de répondre aux questions qui me sont directement adressées, et qu’il me soit impossible de répondre à toutes, dans le cas présent, j’ai jugé opportun de le faire en raison de la proximité du Synode.

Question 1 : Sur l’affirmation selon laquelle la Révélation divine doit être réinterprétée sur la base des changements culturels et anthropologiques en cours

Réponse du pape :

a) La réponse dépend du sens que l’on donne au mot « réinterpréter ». S’il est compris comme « mieux interpréter », l’expression est valable. Dans ce sens, le Concile Vatican II a affirmé qu’il est nécessaire qu’avec le travail des exégètes – j’ajouterais des théologiens – « le jugement de l’Église mûrisse » (Concile œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum, 12).

 b) Par conséquent, s’il est vrai que la Révélation divine est immuable et toujours contraignante, l’Église doit être humble et reconnaître qu’elle n’épuise jamais son insondable richesse et qu’elle a besoin de grandir dans sa compréhension.

c) Par conséquent, elle mûrit également dans sa compréhension de ce qu’elle a elle-même affirmé dans son Magistère.

d) Les changements culturels et les nouveaux défis de l’histoire ne modifient pas la Révélation, mais ils peuvent nous stimuler à rendre plus explicites certains aspects de sa richesse débordante, qui offre toujours plus.

e) Il est inévitable que cela conduise à une meilleure expression de certaines déclarations passées du Magistère, et cela a d’ailleurs été le cas tout au long de l’histoire.

f) D’autre part, il est vrai que le Magistère n’est pas supérieur à la Parole de Dieu, mais il est également vrai que tant les textes de l’Écriture que les témoignages de la Tradition ont besoin d’une interprétation qui permette de distinguer leur substance pérenne des conditionnements culturels. Cela est évident, par exemple, dans les textes bibliques (comme Ex 21, 20-21) et dans certaines interventions magistérielles tolérant l’esclavage (cf. Nicolas V, Bulle Dum Diversas, 1452). Il ne s’agit pas d’une question mineure, étant donné son lien intime avec la vérité éternelle de la dignité inaliénable de la personne humaine. Ces textes ont besoin d’être interprétés. Il en va de même pour certaines considérations du Nouveau Testament sur les femmes (1 Co 11, 3-10 ; 1 Tm 2, 11-14) et pour d’autres textes de l’Écriture et témoignages de la Tradition qui, aujourd’hui, ne peuvent être matériellement répétés.

g) Il est important de souligner que ce qui ne peut pas changer, c’est ce qui a été révélé « pour le salut de tous (Concile œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum, 7). L’Église doit donc constamment discerner entre ce qui est essentiel pour le salut et ce qui est secondaire ou moins directement lié à ce but. À cet égard, je voudrais rappeler ce que disait saint Thomas d’Aquin : « plus on descend dans le particulier, plus l’indétermination augmente » (Summa Theologiae I-II, q. 94, art. 4).

h) Enfin, une formulation unique d’une vérité ne peut jamais être comprise de manière adéquate si elle est isolée du contexte riche et harmonieux de l’ensemble de la Révélation. La « hiérarchie des vérités » implique également de placer chaque vérité en relation avec les vérités plus centrales et avec l’ensemble de l’enseignement de l’Église. Cela peut finalement conduire à des manières différentes d’exposer la même doctrine, bien que « pour ceux qui rêvent d’une doctrine monolithique défendue par tous sans nuance, cela peut sembler une dispersion imparfaite. Mais en réalité, cette variété aide à mieux manifester et à développer les divers aspects de l’inépuisable richesse de l’Évangile » (Evangelii Gaudium, 49). Chaque ligne théologique comporte des risques mais aussi des opportunités.

Question 2 : Sur l’affirmation selon laquelle la pratique généralisée de la bénédiction des unions homosexuelles serait en accord avec la Révélation et le Magistère

Réponse du pape :

a) L’Église a une conception très claire du mariage : « une union exclusive, stable et indissoluble analogiquement » (Amoris laetitia, 292), et ne peuvent donc pas être strictement appelées « mariage ».

b) Il ne s’agit pas seulement d’une question de dénomination, mais la réalité que nous appelons mariage a une constitution essentielle unique qui exige un nom exclusif, non applicable à d’autres réalités. C’est certainement beaucoup plus qu’un simple « idéal ».

c) C’est pourquoi l’Église évite tout type de rite ou de sacrement qui pourrait contredire cette conviction et donner l’impression que l’on reconnaît comme mariage quelque chose qui n’est pas le mariage.

d) Dans nos rapports avec les personnes, nous ne devons cependant pas perdre la charité pastorale qui doit imprégner toutes nos décisions et attitudes. La défense de la vérité objective n’est pas la seule expression de cette charité, qui est aussi faite de bonté, de patience, de compréhension, de tendresse et d’encouragement. Par conséquent, nous ne pouvons pas devenir des juges qui ne font que nier, rejeter, exclure.

e) La prudence pastorale doit donc discerner de manière adéquate s’il existe des formes de bénédiction, demandées par une ou plusieurs personnes, qui ne véhiculent pas une conception erronée du mariage. En effet, lorsqu’une bénédiction est demandée, il s’agit d’une demande d’aide à Dieu, d’un appel à une meilleure manière de vivre, d’une confiance en un Père qui peut nous aider à mieux vivre.

f) D’autre part, s’il existe des situations qui, d’un point de vue objectif, ne sont pas moralement acceptables, la charité pastorale elle-même exige que l’on ne traite pas simplement comme « pécheurs » d’autres personnes dont la culpabilité ou la responsabilité peuvent être atténuées par divers facteurs influençant l’imputabilité subjective (cf. S. Jean-Paul II, Reconciliatio et Paenitentia, 17).

g) Les décisions qui, dans certaines circonstances, peuvent faire partie de la prudence pastorale, ne doivent pas nécessairement devenir une norme. En d’autres termes, il n’est pas opportun qu’un diocèse, une conférence épiscopale ou toute autre structure ecclésiale autorise constamment et officiellement des procédures ou des rites pour toutes sortes de questions, car tout « ce qui relève d’un discernement pratique dans une situation particulière ne peut être élevé à la catégorie de norme », car cela « donnerait lieu à une casuistique insupportable » (Amoris laetitia, 304). Le droit canonique ne doit pas et ne peut pas tout couvrir, et les conférences épiscopales ne doivent pas non plus prétendre le faire avec leurs divers documents et protocoles, car la vie de l’Église passe par de nombreux canaux autres que les canaux normatifs.

Question 3 : Sur l’affirmation que la synodalité est « une dimension constitutive de l’Église » (Constitution Episcopalis Communio, 6), de sorte que l’Église serait synodale par nature

Réponse du pape :

a) Bien que vous reconnaissiez que l’autorité suprême et plénière de l’Église est exercée soit par le pape en raison de sa charge, soit par le collège des évêques avec son chef le pontife romain (cf. Conc. Ecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, 22), néanmoins, avec ces dubia, vous manifestez vous-mêmes votre besoin de participer, de donner librement votre avis et de collaborer, et vous revendiquez ainsi une forme de « synodalité » dans l’exercice de mon ministère.

b) L’Église est un « « mystère de communion missionnaire », mais cette communion n’est pas seulement affective ou éthérée, elle implique nécessairement une participation réelle : non seulement la hiérarchie, mais tout le peuple de Dieu, de différentes manières et à différents niveaux, peut faire entendre sa voix et sentir qu’il fait partie du cheminement de l’Église. En ce sens, nous pouvons dire que la synodalité, en tant que style et dynamisme, est une dimension essentielle de la vie de l’Église. Saint Jean-Paul II a dit de très belles choses sur ce point dans Novo Millennio Ineunte.

c) Il est tout à fait différent de sacraliser ou d’imposer une méthodologie synodale particulière qui plaît à un groupe, pour en faire la norme et le canal obligatoire pour tous, car cela ne conduirait qu’à « geler » le cheminement synodal, en ignorant les diverses caractéristiques des différentes Églises particulières et la richesse variée de l’Église universelle.

Question 4 : Sur le soutien des pasteurs et des théologiens à la théorie selon laquelle « la théologie de l’Église a changé » et que, par conséquent, l’ordination sacerdotale peut être conférée à des femmes

Réponse du pape :

a) « Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel diffèrent essentiellement » (Concile Œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen Gentium, 10). Il n’est pas opportun de maintenir une différence de degré qui implique de considérer le sacerdoce commun des fidèles comme quelque chose de « seconde catégorie » ou de moindre valeur (« un degré inférieur »). Les deux formes de sacerdoce s’éclairent et se soutiennent mutuellement.

b) Lorsque saint Jean-Paul II a enseigné que l’impossibilité de conférer l’ordination sacerdotale aux femmes doit être affirmée « définitivement », il n’a nullement dénigré les femmes et donné le pouvoir suprême aux hommes. Saint Jean-Paul II a également affirmé d’autres choses. Par exemple, lorsque nous parlons de pouvoir sacerdotal « nous sommes dans le domaine de la fonction, non de la dignité ou de la sainteté » (St Jean Paul II, Christifideles laici, 51). Ce sont des mots que nous n’avons pas suffisamment pris en compte. Il a aussi clairement affirmé que si le prêtre préside seul l’Eucharistie, les tâches « ne donnent pas lieu à une supériorité de l’un sur l’autre » (St Jean Paul II, Christifideles laici, note 190 ; cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Inter Insigniores, VI). Il a également affirmé que si la fonction sacerdotale est « hiérarchique », elle ne doit pas être comprise comme une forme de domination, mais « est totalement ordonnée à la sainteté des membres du Christ » (St Jean Paul II, Mulieris dignitatem, 27). Si l’on ne comprend pas cela et si l’on ne tire pas les conséquences pratiques de ces distinctions, il sera difficile d’accepter que le sacerdoce soit réservé aux hommes, et nous ne pourrons pas reconnaître les droits des femmes ni la nécessité pour elles de participer de diverses manières à la direction de l’Église.

c) D’autre part, pour être rigoureux, reconnaissons qu’une doctrine claire et faisant autorité sur la nature exacte d’une « déclaration définitive » n’a pas encore été élaborée de manière exhaustive. Il ne s’agit pas d’une définition dogmatique, mais elle doit être respectée par tous. Personne ne peut la contredire publiquement et pourtant elle peut faire l’objet d’études, comme c’est le cas pour la validité des ordinations dans la Communion anglicane.

Question 5 : Sur l’affirmation « le pardon est un droit de l’homme » et l’insistance du Saint-Père sur le devoir d’absoudre tout le monde à tout moment, selon laquelle le repentir ne serait pas une condition nécessaire pour l’absolution sacramentelle

Réponse du pape :

a) Le repentir est nécessaire pour la validité de l’absolution sacramentelle et implique une résolution de ne pas pécher. Mais il n’y a pas de mathématiques ici et, une fois de plus, je dois vous rappeler que le confessionnal n’est pas un bureau de douane. Nous ne sommes pas des maîtres, mais d’humbles intendants des sacrements qui nourrissent les fidèles, parce que ces dons du Seigneur, plus que des reliques à garder, sont des aides de l’Esprit Saint pour la vie des gens.

b) Il y a de nombreuses façons d’exprimer le repentir. Souvent, chez les personnes qui ont une estime de soi très blessée, plaider coupable est une torture cruelle, mais le fait même de s’approcher de la confession est une expression symbolique du repentir et de la recherche de l’aide divine.

c) Je voudrais également rappeler qu’« il nous est parfois très difficile de faire place, dans la pastorale, à l’amour inconditionnel de Dieu » (Amoris laetitia, 311), mais nous devons apprendre à le faire. À la suite de saint Jean-Paul II, je soutiens qu’il ne faut pas exiger des fidèles des résolutions d’amendement trop précises et sûres, qui finissent par être abstraites ou même égoïstes, mais que même la prévisibilité d’une nouvelle chute « ne préjuge pas de l’authenticité de la résolution » (saint Jean-Paul II, Lettre au Card. William W. Baum et aux participants au cours annuel de la Pénitencerie apostolique (22 mars 1996, 5).

d) Enfin, il doit être clair que toutes les conditions habituellement attachées à l’aveu ne sont généralement pas applicables lorsque la personne se trouve dans une situation d’agonie, ou avec des capacités mentales et psychiques très limitées.

François

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