Hier soir, le pape s’est rendu en voiture au Parque Eduardo VII où, après quelques tours en papamobile parmi les jeunes, il a présidé à 18 heures le chemin de croix avec les jeunes. Après le chemin de croix, la prière, la bénédiction finale et l’interprétation d’un chant, le pape François est retourné à la nonciature apostolique de Lisbonne où il a dîné en privé.
Nous publions ci-dessous, l’intégralité de la méditation du chemin de croix.
JESUS S’EST LEVÉ ET S’EST MIS EN CHEMIN
Marie s’est levée et s’est mise en chemin. Jésus a appris de sa Mère : même sous la Croix, Jésus s’est levé et s’est mis en chemin. Seigneur, enseigne-nous, à nous les jeunes, à nous lever et à aller de l’avant. Même quand la vie est difficile.
- Jésus est condamné à mort
Seigneur, Pilate a signé le décret. Il a signé le décret d’extinction de Ton avenir. “Cet être humain doit mourir, il n’aura plus d’avenir.”
Beaucoup de jeunes ressentent cela aujourd’hui, Seigneur, que l’avenir nous est enlevé. On nous dit que la vie est pleine d’opportunités, mais il est difficile de voir où sont ces opportunités quand l’argent manque, quand on ne peut pas trouver de travail et quand l’accès à l’éducation est, souvent, quasiment impossible.
Seigneur, même lorsqu’ils T’ont condamné à mort, Tu ne T’es pas laissé abattre. Tu as expliqué à Pilate qu’il n’aurait aucun pouvoir sur Toi si Dieu ne le lui permettait pas. Et avec Dieu à tes côtés, Tu es allé de l’avant, confiant dans l’avenir. Apprends-nous à faire de même.
- Jésus est chargé de la Croix
Ils t’ont mis un lourd morceau de bois sur le dos et ils t’avaient déjà torturé. Quelle violence, Seigneur ! Tu as vécu dans un monde violent et Tu as été victime de cette violence.
Le monde dans lequel nous vivons n’est peut-être pas très différent. Guerres, attentats à la bombe, fusillades de masse, mais aussi violence dans les mariages et les relations, maltraitance des enfants, brimades, abus de pouvoir, familles où l’on lance des mots qui sont lourds comme des pierres.
Ils ont mis une croix sur ton dos, mais toi, Seigneur, Tu n’as pas abandonné. Où as-Tu trouvé la force de marcher ? Je T’imagine en train de Te dire : « L’amour triomphera de la violence ». Seigneur, donne-moi la force d’aimer.
- Jésus tomba pour la première fois
Pardon, Seigneur, je n’ai pas l’habitude de voir mes héros abandonnés sur le sol, la bouche souillée de terre. Pourquoi T’es-Tu soumis ? C’est trop d’abandon, c’est trop de solitude.
Toi, seul. C’est ce que je ressens parfois lorsque j’attends un message ou une étreinte qui ne vient pas. Parfois, je me dis que c’est de ma faute, que je ne suis pas douée et que je me referme sur moi-même ; d’autres fois, je me dis que je vis dans un monde égoïste où tout le monde ne pense qu’à soi. Je ne sais pas, je sais seulement qu’il y a beaucoup de jeunes qui sont seuls. Même lorsqu’ils sont entourés de gens.
Je Te regarde, toi qui es tombé à terre. Je T’imagine levant la tête et me regardant. Je T’imagine en train de me dire : « Je tombe avec toi pour te relever avec Moi. Continue, lève-toi et avance. Allons-y ensemble. »
- Jésus rencontre sa Mère
Probablement, parmi les cris de la foule, Tu as entendu la voix de ta mère. Une voix douce, sans équivoque. « Mon fils. Je suis là ». Tu as cherché son visage. Tu l’as trouvé serein, disant « oui » de la tête. « Oui ». C’était tout ce que Tu avais besoin de voir. Un signe de confirmation. Un signe qui venait de l’amour pur. Comme s’il disait : « Vas-y, engage- toi, engage-toi pour le Bien. Dieu t’aidera. »
Parle à mon oreille, mère de Jésus. Parle-moi d’amour, parle-moi d’engagement. De l’engagement pour le Bien. Ne me laisse pas m’asseoir et attendre. Attendre le « moment idéal », la personne idéale, le travail idéal, l’Église idéale. Ne me laisse pas m’asseoir et m’étonner, tandis que le monde avance sans moi et sans ce que j’aurais à lui donner. Marie, aide-moi à embrasser ma vocation.
- Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa Croix
Les soldats ont forcé un homme appelé Simon à porter la croix de Jésus. Ils ne lui ont pas demandé, ils l’ont obligé. Par la force. C’était un ouvrier agricole. Il n’était même pas romain. Il n’avait pas de valeur, il n’avait pas le droit de dire s’il voulait ou s’il ne voulait pas.
Aujourd’hui, le monde est aussi plein d’exclusions et d’intolérances. Il existe des minorités qui n’ont pas le droit de s’exprimer ni même d’exister. Dans de nombreux pays, on ne peut même pas pratiquer sa religion. De nombreuses personnes ne peuvent pas exprimer librement leurs idées. Chaque groupe veut imposer sa façon de voir et chasser
ceux qui pensent différemment. Parfois, même au sein de l’Église. Parfois, même dans notre propre cœur.
Toi, Seigneur, Tu as été victime de l’intolérance. Mais Tu ne T’es pas laissé envahir par la haine. C’est pourquoi Tu peux être un pont entre tous. Apprends-nous à être des bâtisseurs de ponts où que nous soyons.
- Véronique essuie le visage de Jésus
Seigneur, une femme a traversé la foule pour essuyer Ton visage et Ton image s’est gravée sur son linge. Aimer, c’est cela, c’est se laisser émouvoir par le visage de l’autre, même s’il est défiguré. Le visage de l’enfant que tu aimes, de l’ami que tu aimes, du pauvre que tu aimes, de la femme ou du mari que tu aimes. Le visage de l’Église que tu aimes, même s’il est défiguré. Aimer, c’est se laisser attirer par le visage de l’autre.
Mais nous, les jeunes, nous vivons dans un monde individualiste. On nous a dit mille fois que ce qui comptait le plus, c’était notre image et notre épanouissement. Que nous avions le droit d’être heureux et que nous devions penser d’abord à nous-mêmes. Et nous voilà, égocentriques, chacun concentré sur son téléphone portable, sur ses affaires, sur son île, à attendre un bonheur qui ne vient pas. Car le vrai bonheur, c’est de se laisser attirer par le visage de l’autre.
- Jésus tomba pour la deuxième fois
A nouveau sur le sol, Seigneur ? Quand on tombe une fois, on pense que c’est un accident, que ce sont les circonstances. Lorsque nous tombons plus souvent, nous avons peur. Peur qu’il y ait un problème profond chez nous. Un déséquilibre.
Aujourd’hui, Seigneur, beaucoup de jeunes ont des esprits compliqués. Nous souffrons d’angoisses et de dépressions, de problèmes d’alimentation, d’épuisement professionnel. Parfois, nous nous demandons qui nous sommes et si la vie vaut la peine d’être vécue. Parfois, nous nous sentons vraiment déprimés, à terre. Pire que d’avoir un problème, avoir l’impression d’être le problème.
Je Te regarde allongé sur le sol. Je T’imagine en train de dire : » Je tombe avec toi pour que tu te relèves avec moi. Vas-y, laisse-toi aider, remets-toi debout et avance. Allons- y ensemble. »
- Jésus rencontre les femmes de Jérusalem
Sur le chemin, Seigneur, Tu as rencontré des femmes qui pleuraient sur Toi : « Ne pleurez pas sur moi, leur as-Tu dit, pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants ». Tu ne voulais pas de larmes faciles qui ne changeraient rien. Tu voulais qu’elles pensent à elles- mêmes et au monde qu’elles laisseraient à la génération suivante, à l’avenir.
Nous aussi, nous nous demandons quel sera notre avenir sur cette planète. Nous assistons à la consommation incontrôlée des ressources de la terre, à l’extinction des espèces, à la dévastation des forêts. Nous sommes effrayés par le changement climatique et nous nous sentons très inquiets pour l’avenir. Et tout cela est associé à des modes de vie déséquilibrés qui font que certains meurent de faim tandis que d’autres tombent malades à cause de la suralimentation.
Seigneur, apprends-nous à vivre des modes de vie plus simples, plus solidaires, plus conscients des conséquences, plus proches de l’essentiel. Plus semblables à Toi.
- Jésus tomba pour la troisième fois
Pour la troisième fois par terre, Seigneur ? J’ai peur pour Toi, j’ai peur que tu ne puisses pas Te relever. Ou que Tu tombes à nouveau, dès que Tu Te relèveras.
Peut-être veux-Tu te rapprocher de ces jeunes qui retombent à chaque fois qu’ils essaient de se relever. On nous accuse d’être faibles, de ne pas pouvoir résister à la drogue, à la pornographie, à l’alcool. On nous accuse de se réfugier dans nos écrans au point d’en devenir dépendants. Ils ne comprennent pas que se relever peut demander une force qu’ils n’ont plus. Et une foi qu’ils ont déjà perdue.
Je Te regarde allongé sur le sol. Je T’imagine en train de dire à chaque jeune souffrant d’une addiction : « Je tombe avec toi pour que tu puisses te relever avec moi. Va chercher de l’aide, relève-toi et va de l’avant. Avec Moi, cette fois, tu y arriveras. Allons-y ensemble. »
- Jésus est dépouillé de ses vêtements
Ils T’ont déshabillé, Seigneur, ils T’ont dépouillé de tes vêtements. Je te regarde, serein et confiant dans Ta vérité nue. Même sans vêtements, Tu ne cesses pas d’être qui Tu es, parce que Tu ne T’es jamais préoccupé de construire une image de Toi-même. Toi dans Ton humilité, Toi dans Ton intégrité. Toi dans Ta vérité.
Mais nous vivons dans une société de miroirs où ce qui compte, c’est l’apparence, l’image. Des selfies et encore des selfies. La tyrannie du bon corps et du sourire parfait. Des photos de soi sur les médias sociaux dans des poses soigneusement étudiées. Des posts artificiels qui attendent les likes des autres. Le terrible sentiment de ne pas pouvoir être soi-même, de devoir se vendre pour être aimé et ne pas être isolé. Des narcissismes qui, au final, nous laissent seuls sur des îles lointaines.
Et Toi, nu, égal à Toi-même, sans honte d’être qui Tu es. Tu n’as pas vécu pour l’image, mais pour le Bien. Enseigne-moi, Seigneur. Donne-moi la force d’être différent, de ne pas vivre pour l’image mais dans la fidélité à ma conscience.
- Jésus est cloué sur la Croix
Un clou dans chaque poignet, un troisième dans les pieds. C’est comme ça que Tu es resté attaché. D’en bas, ils Te criaient encore : « N’es-Tu pas le Fils de Dieu ? Descends de la croix ! » Mais la Croix n’était pas une situation dans laquelle Tu Te trouvais par hasard, c’était la conséquence inévitable du fait que Tu n’avais pas renoncé à aimer jusqu’au bout. La confrontation entre l’amour et la violence du monde.
Aujourd’hui, de nombreuses personnes tentent désespérément de fuir des situations inhumaines. Ils fuient la guerre, la famine, le manque d’eau, les persécutions politiques. Leur maison n’est plus leur abri mais le lieu probable de leur mort. Ils essaient de trouver refuge dans un autre endroit du monde, qu’ils appelleront peut-être un jour « maison ».
Cloué sur la croix, Seigneur, donne du courage à tous ces jeunes qui doivent fuir pour sauver leur vie. Et à ceux qui vivent, confortablement installés dans leur maison, donne un cœur comme le tien.
- Jésus meurt sur la Croix
« Père, entre Tes mains, Je remets Mon esprit ». Tu T’es abandonné dans les bras du Père. Tu as rendu Ton dernier soupir et Tu es mort. Et avec Toi sont morts tous les mots que Tu n’as pas pu dire, toutes les étreintes que Tu n’as pas pu donner, toutes les guérisons que Tu n’as pas pu faire.
C’est un tel gâchis, Seigneur ! Combien de bonnes choses aurais-Tu pu faire en quelques décennies de plus de Ta vie ! Et pourtant, Tu as dit : « Tout est accompli ». Rien ne restait à faire. Parce que là, sur la Croix, Tu nous as laissé tout ce qu’il fallait pour nous sauver : l’amour pur, même s’il était impuissant et apparemment inutile.
Aujourd’hui, seuls ceux qui produisent comptent. Les personnes âgées ne comptent pas, les handicapés ne comptent pas, les chômeurs ne comptent pas, les rêveurs ne comptent pas. Et ne comptent pas les jeux des enfants, si souvent contraints de travailler pour gagner de l’argent ou d’étudier toujours plus pour être un jour de « vrais gagnants » sur le marché du travail.
Mais ce qui sauve, c’est l’amour. Cache-moi dans Tes plaies débordantes d’amour, Seigneur !
- Le corps de Jésus est descendu de la Croix et est donné à Sa Mère
Pietá. Jésus dans les bras de Marie. Un fils sur les genoux de sa mère. La vérité la plus pure de l’amour désintéressé. La Parole qui repose dans le silence.
Et nous, perdus dans un monde saturé de mots pressés, d’informations, de nouvelles, de publicités, d’intérêts, où nous ne savons plus ce qui est vrai et ce qui est faux, ni qui croire !
Seigneur, je ne dois pas tout savoir, je ne veux pas tout savoir. Je veux seulement savoir ce qu’il est important de savoir pour être une meilleure personne et pour créer un monde plus humain. Donne-moi un grand amour pour tout ce qui est pur, vrai, simple et humain dans le monde.
- Jésus est déposé au tombeau
Le cimetière. La fin. Quand la pierre a roulé sur l’entrée du tombeau, tout semblait définitivement terminé. Il semblait, Seigneur, que Toi et Ton chemin d’amour n’étaient rien d’autre qu’une illusion. Un espoir trompeur dans un hypothétique triomphe du Bien sur le mal. Il semblait que tout était fini, qu’il fallait être réaliste, que le monde était vraiment pour les rusés et non pour ceux qui rêvent du Bien, comme Toi.
Si souvent dans nos vies, il semble qu’il n’y ait pas d’avenir. Nous ne voyons pas de lumière au bout du tunnel. Nous avons peur de regarder devant nous. Nous ne pouvons pas prendre de décisions, nous ne voyons pas où l’histoire peut continuer, nous ne voyons que le chemin bloqué par de grosses pierres.
C’est alors que nous avons besoin d’entendre la voix de Marie. Elle nous parle des fins qui sont des commencements, de la mort semblable à un arbre en hiver alors qu’il s’apprête à fleurir au printemps. Des tombes qui sont les portes de la résurrection.