Transfiguration, mosaïque, Monastère Sainte-Catherine, Sinaï ©æ cetad.catholique.fr

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Transfigurés par la joie, par Mgr Follo

Gravir avec le Christ la « montagne »

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Rite Romain

Dn 7,9-10.13-14 ; Ps 96 ; 2Pt 1,16-19 ; Mt 17,1-9

1) Transfiguration du Christ et la nôtre.

Aujourd’hui l’évangile nous présente l’événement de la transfiguration, partant du fait que Jésus prit avec lui, Pierre, Jacques et Jean, et les emmena « à l’écart, sur une haute montagne » (Mt 17,1) pour prier (Lc 9,28). Tandis qu’il priait, Jésus Christ se mit à briller et révéla aux disciples élus d’être lumière d’une lumière inexprimable et que les plus grands prophètes étaient avec lui.

Dieu est lumière, et Jésus donne à ses amis les plus intimes l’expérience de cette lumière, qui demeure en Lui. Après cet événement, il sera leur lumière intérieure, capable de les protéger contre les assauts des ténèbres. Même dans la nuit la plus obscure, Jésus est la lampe qui ne s’éteint jamais. Une très belle expression de saint Augustin résume ce mystère : « Ce qu’est ce soleil pour les yeux de la chair, Jésus l’est pour les yeux du cœur » (Sermon 78, 2 : PL 38, 490).

Sur le mont Tabor, que Jésus gravit pour prier, le Fils de Dieu fait homme, montre que c’est la prière qui « provoque » la magnifique vision de ce qu’Il est et de ce que nous sommes destinés à être. Tandis que se manifeste la vérité divine et humaine de Jésus Chris, les disciples sont transfigurés : « Il s’agit en effet de la transfiguration de Notre Seigneur Jésus Christ, mais surtout de celle des disciples qui y assistaient, une transfiguration qui était pour eux une certaine vision de la divinité, une image du monde futur, un prélude de la venue glorieuse du Seigneur » (Grégoire Palamas).

A nous en prière – comme aux trois apôtres, il y a environ 2000 ans sur le mont Tabor, la montagne de la prière – Jésus se montre transfiguré, lumineux, très beau. A nous aussi, témoins choisis par son amour, le Seigneur manifeste sa gloire, et ce corps qu’il a en commun avec les autres hommes, Il l’éclaire d’une telle splendeur, qu’il devient, à son tour, brillant comme l’éclat du soleil et que ses vêtements sont aussi blancs que la neige.

L’important est que nous gravissions nous aussi la montagne avec le Fils de Dieu, avec le Bien-Aimé, pour prier.

La montagne, dans la Bible, désigne l’endroit de la proximité avec Dieu et de la rencontre intime avec Lui, un lieu de prière où rester en présence du Seigneur.

Nous gravissons avec le Christ la « montagne » de la prière, pour contempler sur son visage humain la lumière glorieuse de Dieu.

Nous gravissons la montagne avec le Christ pour nous retrouver en lui et écouter Dieu, car dans ce lieu de proximité, un espace de silence nous est aussi donné pour mieux percevoir Sa voix.

Cette montée pour aller à la rencontre de Dieu ne nous détache pas de la terre, au contraire, elle nous pousse à « descendre de la montagne » et à « retourner » en bas, sur la plaine, « à la rencontre de nos frères et sœurs alourdis par le poids de leurs peines, par les maladies, les injustices, les ignorances, par la pauvreté matérielle et spirituelle. A ces frères et sœurs en difficulté nous sommes appelés à porter les fruits de l’expérience que nous avons faite avec Dieu, à partager la grâce reçue de la parole écoutée » (Pape François).

Cette parole est un son chargé d’une présence à accueillir avec dévotion et amour. Très importante l’invitation du Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » (Mt 17, 5).

Nous, disciples de Jésus aujourd’hui, nous sommes appelés à être des personnes qui écoutent sa voix et prennent ses paroles au sérieux.

2) Origine et destin.

A ce stade, je crois utile de rappeler que le but principal de la Transfiguration était, et est, de permettre au cœur des disciples (et au nôtre) de ne pas se scandaliser quand la Croix défigure l’humanité du Christ. Cette manifestation de lumière et vérité est voulue pour que l’humiliation de son imminente passion volontaire ne trouble pas la foi de ceux auxquels la grandeur de sa dignité cachée a été révélée. Ce n’est pas par hasard si, dans l’évangile, le récit de la Transfiguration a lieu durant la montée de Jésus à Jérusalem, dans un contexte de passion annoncée aux disciples. La liturgie de l’Église d’Orient l’a bien compris et le chante dans le Kondakion (texte poétique et musical) : « Autant qu’ils en étaient capables, tes disciples ont contemplé ta Gloire, Christ Dieu afin que lorsqu’ils Te verraient crucifié, ils comprennent que ta passion était volontaire ». Saint Grégoire de Nazianze vit justement dans la Transfiguration la synthèse de l’Évangile, l’annonce du mystère pascal : annoncé devant l’Église, représentée par Pierre, Jacques et Jean, et devant l’Ancien Testament : la Loi (représentée par Moïse) et les prophètes (représentés par Elie), apparus pour partager la gloire du Fils de Dieu.

Rappelons également que c’est sur la Transfiguration que se fonde l’espérance de l’Église : en effet « tout le Corps du Christ devenait conscient de la transformation qui lui serait accordée ; ses membres se promettraient de partager l’honneur qui avait resplendi dans leur chef » (Saint Léon Le Grand, Sermo LI, 2-3, 5-8 : PL 54, 310-313). Donc la transfiguration est un mystère central de la foi chrétienne, annonce de la résurrection et prophétie de la transfiguration de toute chair, de chacun de nous en Dieu. Jésus sur le mont Tabor, la montagne de la prière, montre qui Il est et qu’il « tirait cette splendeur de sa propre nature ; il n’avait donc pas besoin de prier pour faire briller son corps de la lumière divine mais, en priant, il avait indiqué son origine et notre destin : la splendeur de Dieu qui éclaire et soutient par la lumière de son visage, comme il est dit dans l’évangile : « Les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père » (Mt 13, 43) (Saint Ambroise de Milan).

Surpris par la joie de la transfiguration du Fils de Dieu et de nous, disciples, nous faisons notre l’exclamation de saint Pierre : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie » (Mt 17, 4). Mais écoutant le Christ qui manifeste l’amour de Dieu nous comprendrons que préparer une tente terrestre à celui qui habite dans les cieux n’a pas de sens. Le rédempteur n’est pas venu pour avoir une maison sur terre, Lui qui ne voulait posséder même pas de pierre pour y poser sa tête. Il n’est pas venu pour habiter sur la terre dans une maison construite par nous mais pour nous soulever dans la demeure que Lui nous a préparée là-haut.

« Il est bon que nous soyons ici ». Certes, il est bon d’être avec le Christ sur la montagne, mais il est bien meilleur encore d’aller là où nous serons vraiment heureux, dans la patrie éternelle. Si cette joie momentanée est belle, pensons à combien sera encore plus beau le bonheur éternel. Si la vue de l’humanité du Christ, ne serait-ce qu’un instant, nous réjouit, essayons d’imaginer la joie qui comblera notre âme dans la contemplation éternelle de l’Amour éternel qui nous tient à jamais dans ses bras.

Mais d’abord, comme le Christ qui a souffert pour nous, nous devons souffrir pour Lui. Il faut vraiment qu’après être descendu dans la vallée, nous l’accompagnions dans sa passion et puissions ensuite participer à sa gloire. Là, lui-même accueillera chacun de nous et tous ceux que nous aimons dans les tentes terrestres. Là, vraiment, seront dressées non pas trois tentes, une pour le Christ, une pour Moïse et une pour Elie, mais une seule tente, pour le Père, pour le Fils et pour l’Esprit Saint : et cette tente sera toi-même. Alors « Dieu sera tout en tous » (1 Cor 15,28), quand, comme nous lisons dans l’Apocalypse : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux » (Ap 21,3). En tant que baptisés nous sommes déjà cette demeure, ce Temple de l’Esprit Saint. Et pour vivre cette condition de « demeure divine » nous regardons le témoignage prophétique des vierges consacrées. Ces femmes avec leur « proposita » ont accueilli complètement le Christ en s’abandonnant totalement à Lui et à la puissance de son amour. Elles continuent de l’accueillir en collaborant activement avec lui, en portant son amour incarné et rédempteur dans le monde où elles travaillent. Elles ne cessent jamais de l’accueillir dans leur vie, l’écoutant dans la prière et le servant parmi leurs frères et sœurs en humanité. Ces femmes consacrées témoignent que la Transfiguration n’est pas un événement qui arrive à un certain moment de l’existence, après la mort, mais au moment de notre adhésion à Jésus. Dès cet instant, la transformation est constante. Plus on accueille l’amour du Christ plus on se transforme, de gloire en gloire, c’est-à-dire qu’on rend visible l’amour reçu, en le communiquant aux autres.

Lecture Patristique

Saint Léon le Grand (400 – 461)

Sermon 51, 3-4

CCL 138 A, 290-300

La Transfiguration prépare au scandale de la Passion

Le Seigneur découvre sa gloire devant les témoins qu’il a choisis, et il éclaire d’une telle splendeur cette forme corporelle qu’il a en commun avec les autres hommes que son visage a l’éclat du soleil et que ses vêtements sont aussi blancs que la neige.

Par cette transfiguration il voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la croix et, en leur révélant toute la splendeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa Passion volontaire ne bouleversent leur foi.

Mais, il ne prévoyait pas moins de fonder l’espérance de l’Église, en faisant découvrir à tout le Corps du Christ quelle transformation lui serait accordée ; ses membres se promettraient de partager l’honneur qui avait resplendi dans leur chef.

Le Seigneur lui-même avait déclaré à ce sujet, lorsqu’il parlait de la majesté de son avènement : Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père (Mt 13,43). Et l’apôtre saint Paul atteste lui aussi : J’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que le Seigneur va bientôt révéler en nous (Rm 8,18). Et encore : Vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ qui est votre vie, alors, vous aussi vous paraîtrez avec lui en pleine gloire (Col 3,3-4).

Cependant, pour confirmer les Apôtres et les introduire dans une complète connaissance, un autre enseignement s’est ajouté à ce miracle. En effet, Moïse et Élie, c’est-à-dire la Loi et les Prophètes, apparurent en train de s’entretenir avec le Seigneur. Ainsi, par la réunion de ces cinq hommes s’accomplirait de façon certaine la prescription : Toute parole est garantie par la présence de deux ou trois témoins (Dt 19,15).

Qu’y a-t-il donc de mieux établi, de plus solide que cette parole ? La trompette de l’Ancien Testament et celle du Nouveau s’accordent à la proclamer ; et tout ce qui en a témoigné jadis s’accorde avec l’enseignement de l’Évangile.

Les écrits de l’une et l’autre Alliance, en effet, se garantissent mutuellement ; celui que les signes préfiguratifs avaient promis sous le voile des mystères est montré comme manifeste et évident par la splendeur de la gloire présente. Comme l’a dit saint Jean, en effet : Après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ (Jn 1,17). En lui s’est accomplie la promesse des figures prophétiques comme la valeur des préceptes de la Loi, puisque sa présence enseigne la vérité de la prophétie, et que sa grâce rend praticables les commandements.

Que la foi de tous s’affermisse avec la prédication de l’Évangile, et que personne n’ait honte de la croix du Christ, par laquelle le monde a été racheté.

Que personne donc ne craigne de souffrir pour la justice, ni ne mette en doute la récompense promise ; car c’est par le labeur qu’on parvient au repos, par la mort qu’on parvient à la vie. Puisque le Christ a accepté toute la faiblesse de notre pauvreté, si nous persévérons à le confesser et à l’aimer, nous sommes vainqueurs de ce qu’il a vaincu et nous recevons ce qu’il a promis. Qu’il s’agisse de pratiquer les commandements ou de supporter l’adversité, la voix du Père que nous avons entendue tout à l’heure doit retentir sans cesse à nos oreilles : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le! (Mt 17,5).

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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