Le Saint-Siège et le Vietnam n’ont pas de relations diplomatiques. C’est l’une des rares exceptions dans le monde de la diplomatie mondiale. Cependant, suite à un accord entre les deux pays, le pape aura bientôt un « représentant pontifical » permanent au Vietnam. Sur cette question particulière et sur les relations avec le Vietnam en général, le secrétaire d’État, le cardinal Pietro Parolin, a accordé une interview aux médias du Vatican le 28 juillet.
La présence d’un représentant du pape au Vietnam a été annoncée dans le cadre de la visite du président de ce pays au pape le 27 juillet. Le nouveau représentant officiel du Saint-Siège dans l’un des rares pays avec lesquels le Vatican n’a pas de relations diplomatiques a cependant un objectif : « Je crois que les éléments essentiels de cet objectif peuvent être exprimés par deux formules : l’une utilisée par le pape Jean XXIII : « se connaître pour pouvoir s’estimer’’ et l’autre que nous offre le pape François : ‘’engager des processus et ne pas investir les lieux’’ ».
L’ouverture des relations avec les autorités vietnamiennes remonte à 1989, lorsque le cardinal Roger Etchegaray, alors président du Conseil pontifical Justice et Paix, a pu effectuer une visite officielle au Vietnam. « En effet, la pensée de Jean-Paul II était d’ouvrir des voies de dialogue à travers les thèmes de la justice et de la paix, caractéristiques du magistère et du témoignage quotidien de l’Église », révèle le cardinal Parolin. C’est ainsi qu’est née la pratique d’une visite annuelle d’une délégation du Saint-Siège, consacrée en partie aux contacts avec le gouvernement et en partie aux rencontres avec les communautés diocésaines. En 1996, des discussions ont été entamées pour définir un modus operandi pour la nomination des évêques. « Je garde un souvenir ému de ces visites, alors que j’étais sous-secrétaire aux relations avec les États. En décembre 2009, le président vietnamien Nguyễn Minh Triết s’est rendu au Vatican pour rencontrer le pape Benoît XVI. Un groupe de travail conjoint Vietnam-Saint-Siège a alors été formé, ce qui a ouvert la voie à la nomination d’un représentant pontifical non-résident basé à Singapour en la personne de S.E. Mgr Leopoldo Girelli le 13 janvier 2011 », se rappelle-t-il.
Sur les éléments qui ont guidé le processus de rédaction de l’accord entre le Vietnam et le Saint-Siège, ainsi que le groupe de travail conjoint, le cardinal Parolin a déclaré : « Je pense qu’il est essentiel de souligner que la base de ces réunions d’étude et de travail a toujours été le respect mutuel et la volonté d’aller de l’avant, sans cacher ses propres positions, mais en les abordant sincèrement ainsi que leurs motivations. Il est à noter que la Conférence épiscopale a toujours été associée à ce processus et a proposé ses propres réflexions et évaluations. Elle a ensuite avancé progressivement, sans rechercher immédiatement le résultat final, mais en privilégiant une harmonisation par étapes du principe de la liberté religieuse avec les lois et les coutumes locales. Au fil du temps, cela a conduit à une plus grande compréhension mutuelle et à une convergence dans les choix opérés ponctuellement sur le texte et visant à assurer au représentant pontifical les conditions pour exercer son ministère de légation auprès de l’Église locale et des autorités vietnamiennes. Cela a aussi maintenu les relations avec les représentations diplomatiques présentes au Vietnam. »
Le Secrétaire d’État mentionne également que « l’importance de vivre l’Évangile pour être de bons citoyens et de bons catholiques n’a jamais été oubliée : c’est un principe qui guide la doctrine sociale de l’Église avant même sa formulation au 19e siècle, et qui indiquait déjà au 2e siècle après J.C la manière dont les chrétiens, dans leur mode de vie, montrent qu’ils sont à la fois citoyens du ciel et de la terre. Enfin, la vie de l’Église locale et le respect de la liberté de croyance et de religion ont toujours été présents dans le dialogue, et des efforts ont été déployés pour créer un environnement favorable aux activités et au développement de la communauté catholique. Cette attitude, du côté vietnamien, a été remarquée dans le processus de nomination des évêques, pour lequel, au cours de ces années, aucune difficulté particulière ne s’est présentée. »
L’interview du cardinal Parolin porte sur la figure particulière du représentant pontifical permanent : sa signification. À cela, le Secrétaire d’État répond que « le temps consacré à l’étude et au débat a permis de trouver une solution consensuelle, que l’on pourrait appeler une res nova in iure ». En effet, le représentant pontifical permanent est appelé à « promouvoir la communion entre le Saint-Siège et l’Église locale et à assister et soutenir cette dernière dans toutes ses composantes, en participant à ses célébrations et à ses initiatives ».
En ce qui concerne les aspects « politiques » du représentant, le cardinal répond : « Pour ce qui est des aspects que l’on pourrait définir comme civils, le représentant pontifical permanent, comme les nonces, a pour tâche de renforcer les relations amicales entre le Saint-Siège et le gouvernement du Vietnam et peut participer aux réunions ordinaires du corps diplomatique et aux réceptions, ainsi qu’avoir des rencontres personnelles avec les diplomates, toujours dans le respect de la loi du pays et dans l’esprit de confiance mutuelle et de bonnes relations bilatérales qui ont existé jusqu’à présent. Tout cela, comme l’indique le communiqué de presse conjoint, dans le but que le représentant résident pontifical puisse être un « pont » pour améliorer encore les relations entre le Vietnam et le Saint-Siège ».
Enfin, en ce qui concerne l’avenir des relations entre le Vietnam et le Saint-Siège, le cardinal Parolin déclare : « Il y a un aspect qui m’a toujours frappé positivement chez le peuple vietnamien, peut-être parce que c’est quelque chose que j’ai connu depuis mon enfance dans mon pays natal : l’humble ardeur au travail. Dans mes contacts, j’ai constaté une profonde aptitude au travail, non seulement manuel, mais compris comme un engagement dans tout ce que l’on fait. Une telle caractéristique pourrait générer de la présomption ; au contraire, les Vietnamiens conservent toujours une attitude humble et respectueuse, mais fière, capable de s’adapter à toute situation, comme le bambou, qui plie mais ne rompt pas. Pourquoi cette introduction ? Parce que je crois que l’avenir nous appelle sur un chemin que nous devons continuer à parcourir ensemble, sans la prétention ou la hâte d’atteindre un autre objectif, mais avec la volonté de ceux qui veulent se confronter pour trouver le meilleur. L’accord n’est pas seulement un objectif, mais un nouveau départ, sous le signe du respect et de la confiance mutuels. »
On sait que cette figure du représentant pontifical est aussi celle que l’Église choisit dans ses relations avec un autre pays avec lequel elle n’a pas non plus de relations diplomatiques : la Chine.